Chapitre 10. A Jamais.

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CHAPITRE 10.

À JAMAIS.

Je sais pas si je dors ou pas. C'est vraiment difficile à dire. Je ressens tout de façon très réelle, et en même temps, cette lumière dorée qui illumine ma fenêtre est trop puissante pour être vraie. Je la reconnais très bien, pourtant. Mais pourquoi viendrait-il, maintenant qu'il est redevenu ce qu'il a toujours été, et que des mois se sont écoulés ? Bien sûr, je doute pas de son amour, mais les anges peuvent-ils revenir, comme ça, vers un humain ? Parce que là, c'est pas juste un signe qu'il envoie, quoi.

La lumière continue d'avancer. Et quand elle atteint mon lit, je le vois. C'est lui. Et c'est pas lui. Il paraît plus grand. Il a un corps plus vigoureux. J'aperçois pour la première fois ses cheveux châtain, qui tombent sur son visage et dans son cou. Ils ont la couleur des miens, c'est vrai. Ses yeux gris entourés de cils noirs ont un sacré éclat, ils sont fascinants.

Le plus dingue, ce sont les ailes, que j'ai tant de fois vues, entendues, avant de comprendre ce que c'était. J'ai envie de les toucher, mais il jette un bref coup d'œil sur le côté, et je les vois se replier. Les plumes, qui frémissent le long de ses hanches, disparaissent. C'est dommage. En même temps, elles prenaient une place immense et un peu effrayante dans ma chambre.

Il s'assoit sur mon lit, et m'observe comme il l'a toujours fait. Sérieux, attentif, aimant. Oh, ses yeux, ses yeux !

— Armel... je commence, la gorge nouée.

— Haziel, il corrige.

— C'est ton vrai nom ?

— Armel était mon vrai nom d'humain, quand j'étais vraiment humain. Haziel est mon nom d'ange, il explique. J'appartiens à la première Sphère, à l'ordre des Chérubins, et je suis le neuvième dans la hiérarchie.

Je suis plutôt abasourdi par ce qu'il vient de dire. Je me sens perdu, aussi, je cherche Armel. Je veux Armel. J'ai pas envie de l'appeler Haziel, je suis trop paumé.

— Je voudrais bien continuer de t'appeler Armel, je demande.

— Tu peux, il dit, avec un sourire.

Je remarque son teint blanc, mais pas translucide. Il a plus de cernes, et cette absence de fragilité fait que c'est lui, et pas lui. Il se penche vers moi. J'ose pas l'embrasser le premier. Il prend l'initiative, et ses lèvres sont brûlantes. Je m'empare de sa main, très chaude, et je retrouve mes repères. C'est lui. C'est bien lui. Je me laisse retomber en arrière sur mon lit, et il vient se placer au-dessus de moi, ses cuisses de chaque côté de mes flancs. Mince. Moi qui croyais que les anges, c'était éthéré, désincarné et que ça n'avait pas de...

— Les anges peuvent faire l'amour, eux aussi, il dit, comme s'il avait entendu mes pensées. Parfois, ils ont même des enfants quand ils aiment des femmes. Ces enfants s'appellent des Nephilims. Un jour, si tu le souhaites, tu jetteras un coup d'œil au livre d'Henoch.

— D'accord, je fais. Pourquoi t'es là ? Je suis heureux, mais je pensais pas... je m'étais fait à l'idée que...

— Nous nous étions fait une promesse, non ? Qu'on le ferait ?

Il ôte sa tunique. On dirait du lin, la coupe est ajustée, intemporelle. Il soulève mon t-shirt, m'aide à le passer par-dessus ma tête, avec des gestes habiles. Puis il se couche sur moi, ses lèvres viennent reprendre les miennes. Je mets les mains dans son dos, et je sens comme deux boursouflures. Hum. Les ailes. Est-ce que ça lui fait mal, quand il les fait disparaître comme ça ?

— Parfois, oui, ça fait mal, il dit.

— Et je suis là, pour calmer ta douleur, j'affirme.

— Je sais. Et moi aussi, je serai toujours là, d'une certaine façon.

Je suis vite en sueur. J'ai hâte, j'ai envie, j'ai peur. Je fais vraiment l'amour avec un ange ? Cela dit, qui pourrait espérer une meilleure première fois, hein ? Et j'arrête de réfléchir pour ressentir. Il est revenu, et y'a que ça qui compte, cet instant de partage avec lui. Quelque part, est-ce que j'ai pas toujours su qu'Armel était un ange, de par son comportement, tous ces phénomènes qui se produisaient en sa présence, et la façon dont j'ai changé à son contact ? Bon, faut vraiment que j'arrête de penser. C'est lui, c'est tout.

— Je t'aime, je dis simplement.

— Tu es mon amour, il répond. Mon seul vrai grand amour. Garde toujours ça à l'esprit, jusqu'au jour où nous nous reverrons, Lucas.

Alors il reviendra pas avant. Non, je veux pas gâcher ce moment de grâce, celui où son corps cherche le mien. Je vide ma tête. Mes mains explorent sa peau, ma bouche dévore la sienne, pour que je garde tout ça en moi, à jamais. La lumière dorée est toujours là, elle se déplace au gré de nos mouvements, joue avec nos corps, elle les dévoile, puis, l'instant d'après, elle les plonge dans l'ombre. Mais la chaleur est omniprésente.

Ses doigts caressent mes cheveux, ses yeux gris me racontent que l'amour est le seul immortel de l'histoire, et qu'il y aura toujours, partout, des corps et des âmes pour le transmettre.

Quand je me réveille, il fait grand jour. Grand soleil. C'est la lumière de mon monde. Je suis à plat ventre en travers de mon lit, et je suis nu. Je dors jamais nu. Alors, la question se pose, inévitablement : mon ange est-il venu ou c'était qu'un rêve ? Il est venu. La question doit plus se poser. D'une façon ou d'une autre, il était là. Je suis encore différent, dans ma tête et dans mon corps.

Je me redresse pour regarder l'heure sur mon réveil. Je sursaute. Y'a un pendentif inconnu sur la table de chevet. Je le prends dans la main. Il représente un ange, aux ailes déployées, au bout d'une chaîne d'argent. Je suis émerveillé. Les traits, le corps de l'ange sont tellement bien travaillés ! Le bijou est tout chaud, il irradie tout seul. Je peux plus douter. Armel me l'a laissé, parce qu'il voulait me signifier que c'était pas un rêve, qu'on l'a fait.

J'ai besoin de sortir, de voir le monde, de le sentir. Armel est quelque part, et il m'observe. Je me douche, je m'habille, et je mets le pendentif. Un petit frisson de plaisir me parcourt, quand l'ange chauffe ma peau. Dehors, il fait bon, et le soleil, il caresse mes bras nus.

Je vais jusqu'au petit cimetière. Ce sera plus un endroit pour oublier, mais l'inverse. C'est l'endroit où tout a commencé. Je le sais.

Je me dis que je suis prêt à rechercher l'amour, à en donner. À l'éprouver, le faire éprouver. Je veux que d'autres vivent un peu de ce que j'ai vécu. Armel et moi, ce sera jamais fini, même si je le revois pas dans cette vie. Y'a une certitude en moi, qui me souffle qu'un jour, on sera réunis, lui et moi.

Mais en attendant, je veux aimer. Il est inconcevable de s'en passer. J'aurai un autre copain, très vite.

Les rayons dorés traversent soudain mon petit espace protégé. Et un sourire, que seul Armel verra, naît sur mon visage. Je touche l'ange posé sur ma poitrine. Je pense à la boîte ronde au fond de mon sac. Une boîte de bonbons, au citron et à la fraise.



Forever LoveWhere stories live. Discover now