Jour 43.

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Cher journal,
jour 43.

Gabriel est passé à la maison dans l'aprèm alors que je m'y attendais vraiment pas.

On se donnait jamais de rendez-vous, mais si on devait se voir, c'était généralement moi qui venait le chercher ou alors on se rejoignait devant chez nous.

Là, il est carrément venu. Et ça m'a rappelé le début de l'été, quand le simple contacte avec lui me rendait presque malade.

Ma mère était partie en fin de matinée, alors nous étions seul.

« Je peux rentrer ? Je t'ai amener un bouquin. »

« Ouais, va s'y. »

Dans ses mains, un bouquin. Pas deux, ni trois. Un seul.

Sur le coup, j'ai stressé. J'avais osé passer au fluo des phrases de ses livres. Mais il n'avait pas l'air si rancunier que ça pour m'en passer un autre. Alors j'ai ravalé ma quiétude et j'ai affiché un pale sourire en lui prenant le bouquin des mains. L'amour dure trois ans (je l'avais déjà vu sur ses étagères et j'étais heureux de son choix).

Alors que je lui ai proposé un truc à boire et qu'il a gentiment refusé, je me suis demandé si il attendait que je lui montre ma chambre à mon tour. Personne n'était rentré dedans depuis qu'on était installé, même pas ma mère.

Alors le fait de le faire rentrer dans mon monde me faisait flipper.

« Tu veux fumer (j'ai quand même proposé) ? »

« OK, mais vite alors (il a souri et j'ai pas su comment interpréter ses mots). »

Alors qu'il s'est assit sur les marches de la véranda, je suis vite allé chercher une cigarette et un briquet. C'était l'avant dernière cigarette.

Je me suis empressé de me joindre à lui. Je l'ai laissé tiré en premier sur la clope. Sa manie de tousser lui étant passée.

Inspiration, expiration.

« Dis Leo, tu te souviens de ce jour ? »

Apnée. Je ne semblais pas bien comprendre et intérieurement, je priais pour que se soit la nicotine qui lui fasse dire n'importe quoi. La blonde jonglait entre nos doigts, qui se touchaient, pour ma part, tout tremblant.

« Quel jour (j'ai tenté en riant) ? »

« Mais tu sais, ce jour où je t'ai vu entrain de dessiner ? »

Apnée.

« Vaguement. »

« Pourtant, moi je m'en souviens très bien. »

J'ai dégluti difficilement. Moi aussi Gabriel, moi aussi.

« C'était la première fois que je te voyais. Tu dessinais ma maison et quand tu m'as vu, tu étais tout gêné, c'était marrant. »

Mes mains sont devenues moites et mes joues cramoisies.

Il a tourné la tête, de sorte à ce qu'on se regarde dans les yeux.

« Tu dessines souvent ? »

La fumée qu'il crachait est venue m'envahir le visage et les mots restaient bloqués dans ma gorge.

« C'est la seule fois où je t'ai vu dessiné et tu avais l'air de dessiner drôlement bien. C'est con qu'il n'y a pas eu d'autres occasions. »

Il a voulu me repasser la fin de clope, mais j'ai fait aucun geste pour la reprendre.

« C'est vachement dommage. J'aimerai vraiment revoir ça. »

Il a terminé la blonde, soufflant la fumée en l'air.

« Aller Leo, fais pas le coincé. »

J'ai soupiré après un certain temps, le temps de me calmer et je me suis levé.

Fais pas le coincé, OK.

« Mes dessins sont dans ma chambre. »

Gabriel allait rentrer dans mon monde.

« Cool. »

Je suis monté en premier et je me suis dépêché d'ouvrir la porte et de la refermer derrière lui.

Il y avait des feuilles partout et sur le coup, j'en avais presque honte. Mais je me suis rappelé que sur chacune d'elles, reposait mes croquis et un certain sentiment de familiarité m'a envahi. J'ai soupiré exagérément.

Gabriel s'est approché de chacun d'entre eux, les effleurant du bout des doigts, comme moi avec ses livres.

« C'est magnifique. »

J'aurai voulu le remercier, mais rien ne sorti de ma bouche. J'étais en total position de faiblesse.

Je suis allé m'allonger sur mon lit alors qu'il continuait d'observer les dessins accrochés au mur, délaissés sur le sol et abandonnés sur le bureau, tandis que mon regard ne cessait de fixer le plafond.

Après plusieurs minutes, qui m'avaient semblé des heures, Gabriel est venu s'allonger à côté de moi. On portait nos chaussures, lui ses van's habituelles, mais je crois qu'on s'en fichait pas mal.

Il a fait glissé son bras le long du mien, de sorte à ce que le dos de nos mains soient en contacte. Sur le coup, j'ai pensé à enlever la mienne, mais je crois que l'ambiance apaisante qu'on ne cessait de créer aurait volé en éclat et j'en avait aucune envie.

On ne s'est pas une seule fois regarder. Le contacte entre nos mains suffisait.

« Tu me dessineras Leonardo ? »

Et j'ai comprit qu'il avait observé la signature que portait mes dessins alors qu'il ne m'avait jamais appelé comme ça.

Mon cœur s'est soulevé.

« Un jour peut-être (j'ai murmuré).

Il a baissé sa tête, de sorte à ce qu'elle atteigne presque mon épaule.

« Je retiens. »

Leo.

La maison d'en faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant