Jour 15 -Dimanche

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Ce qu'il y a de pire quand on détient les souvenirs, ce n'est pas la douleur. C'est la solitude dans laquelle on se trouve. Les souvenirs sont faits pour être partagés.

Mon coeur se serre à la lecture de cette phrase. Lois Lowry aurait pu se trouver dans ma tête en ce moment même. Il décrit le sentiment exact que je vis. Certes, Jonas ne se trouve pas dans la même situation que la mienne: lui ne peut pas partager ses souvenirs car la loi le lui interdit - moi, je ne peux simplement pas les partager avec une seule personne...celle qui compte le plus.

Je replace mon marque page et referme le livre pour perdre mon regard dans les grands pins. Il était treize heures et le chalet est bien calme. Alors que beaucoup sont allé faire la sieste, j'ai choisi de retrouver mon balcon isolé. Après avoir eu du mal à me plonger dans le roman, je m suis finalement attachée à Jonas et j'ai perdu le fil du temps.

La porte du balcon coulisse et je tombe nez à nez avec celui qui hante mes nuits. Mon corps se fige.

— Hey.

Sa voix est douce. Il a l'air d'avoir peur que je parte en courant.

— Tu vas bien ?

Je hoche la tête, incapable de délier ma langue.

— Ça te dérange si je viens lire avec toi ?

— Non, dis-je d'un voix étranglée.

Et je le pense vraiment. Bien que ce soit malsain, j'ai envie de retrouver ces moments partagés de lecture. Mica s'assoie en face de moi, et c'est là que je repère le la place de son marque page. Il a lu la moitié d'Harry Potter ? Pourtant la dernière fois que nous avons lu ensemble, il ne devait avoir englouti que 10 pages. Pourtant je suis sûr que ce n'est pas le seul livre qu'il a ici. Il aurait pu lire n'importe quel autre plutôt que celui que je lui avais prêté.

Il doit remarquer mon regard incrédule car il ajoute:

— Je m'étais dit qu'une certaine personne ne serait pas contente si je n'avançais pas son coup de cœur de tous les temps.

Ses lèvres se retroussent dans un sourire en coin que j'aime tant, puis il pose son regard sur le livre posé devant moi.

— Je vois que ce n'est pas le cas de tout le monde... Ne t'inquiète pas, je ne t'en voudrais pas si tu ne l'aimes pas.

— Non ce voulait...

Les mots ont voulu sortir trop vite de ma bouche - si prêt à défendre l'oeuvre que je tiens dans les mains - et se sont mélangés en chemin. Je reprends ma respiration et recommence d'une voix posée.

— Non, ce n'est pas que je ne l'aime pas. L'histoire est très intéressante et profonde mais.... je n'avais trop la tête à la lecture ces derniers temps.

Sa mâchoire se crispe à ces mots.

— Je te comprends.

Je lui lance un regard perplexe mais il se contente d'ouvrir son livre et de se plonger dans sa lecture. A-t-il dit ça par ironie ?

Nous passons deux heures à lire en silence. Étrangement sa présence m'apaise. Les mots s'enchaînent, et en quelques minutes je suis en diapason avec Jonas et ce qu'il endure.

Au moment où j'entends Mickaël refermer son livre, j'ai l'impression de me réveiller d'un long rêve. Pendant qu'il s'étire - et pour éviter de regarder ses muscles jouer sous son tee-shirt - je replace soigneusement mon marque page.

— Ça te dirait une petite promenade dans les alentours ? Je commence à avoir mal aux fesses sur ce banc.

J'ai du mal à réprimer un sourire en le voyant faire la grimace et se masser les fesses.

A l'encre de notre histoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant