Les Anges du ciel

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Synopsis :
"Les Anges du ciel... de la paix...".  Àinsi les appela, le 27 août 1924, le président des États-Unis, Calvin Coolidge, lors de l'arrivée de ZR III, le "USS Los Angeles" à New York.
Ces paquebots du ciel n'eurent pas l'avenir rêvé par le Comte Ferdinand von Zeppelin...
Mais imaginons un scénario où ils auraient un rôle important, dans un monde alternatif au nôtre...
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Il se faufile dans le groupe bigarré, tentant de s'y fondre.  Dans la lumière qui tombe des réverbères et aveugle les visages endormis, le bruit des milliers de pieds en marche dans la neige craquante forme un fond sonore qui est assourdi par les gros flocons qui flottent du ciel.  L'odeur de laine mouillée et de cuir verni flotte dans l'air ozoné de cette fin de nuit d'hiver.   La foule attend pour prendre l'ascenseur et tente de garder un cocon incertain de tiédeur dans le froid sec qui pique les joues. Les gens présents sont impatients de quitter la bise froide et se pressent les uns les autres, courbés en deux sous leurs bagages, se déplaçant par petits mouvements vifs et courts.

Il observe autour de lui, tentant de trouver le meilleur angle pour passer inaperçu.  Sur sa droite, un bébé emmailloté dort dans les bras de sa mère tandis qu'à ses côtés, un garçon, d'au plus cinq ans, rechigne bruyamment par la marche imposée.  Le gamin frappe son père d'un cahier de dessins tout frippé au bout de sa main gantée.  Ce-dernier, chargé de bagages, ne peut le prendre dans ses bras.  Sur sa gauche, un vieux couple, bras dessus-dessous, démontre leur patience par une allure lente et posée pour parcourir le chemin.  Le vieil homme tire une simple valise alors que sa dame, un petit sac en bandoulière, lui lance un petit sourire frippé qui fait briller ses yeux malicieux.  Il le lui rend, maladroit, puis tourne ses yeux en biais.  Les âmes plus vieilles sont moins envahissables et le rendent mal à l'aise.  Dans un coin, il voit deux amoureux qui étirent l'aurevoir, regards fusionnés et fronts soudés.  Il sourit et soupire d'ennui : qu'il lui tarde de regagner ce qu'il considère maintenant son chez lui... là où il la retrouvera.

Il voit encore une fois des gardes armés : observeurs muets sur le qui vive, la main aux aguets près de leur arme.  Les uniformes lui donnent un frisson dans la nuque.   Ils sont trop nombreux.   Replaçant le sac sur son dos, il dissimule ses mains dans les poches doublées de son parka et tente de paraître normal.   Il enfonce davantage son nez dans son foulard, se camouflant dans la buée de ses expirations et dans sa tignasse sombre, en levant brièvement son regard vers le monstre flottant qui les attend là-haut.  Il constate que le pari n'est pas encore gagné : comme il en est encore loin...

Les voici à l'identificateur, au-delà duquel ils auront accès au bâtiment sous la tour, promesse de chaleur accueillante.  Après avoir secoué brièvement la neige de ses pieds, la mère qui tient le bébé passe sa main, ainsi que la menotte de l'enfant, pour ouvrir la guérite, puis se retourne, impatiente, vers son conjoint.  Celui-ci, encombré de leurs bagages, s'est déjà engagé dans l'arche d'accueil, et éprouve des difficultés avec son gamin.  Ce-dernier s'échappe, revient en arrière et tombe directement dans les bras de l'inconnu :

— Allez-y, je m'en occupe, les rassure-il avec un sourire enjôleur et son plus beau regard vert.
— Merci bien de votre aide, déclare le père, il ne veut pas vraiment collaborer ce matin.
— Il est bien tôt encore, concède-t-il.
Puis se baissant vers le gamin, il le regarde avec intensité, laissant irradier toute sa capacité de persuasion :
— Tu viens avec moi, hein Nick ?
Le petit se sent happé par les yeux mauves qui le fixent, sous les cheveux si blancs, et son cerveau devient malléable comme de la glaise.
— Oui monsieur, répond-il en prenant la main tendue.
En retenant son souffle et en projetant son esprit en protection, il profite de l'occasion pour prendre l'enfant dans ses bras afin que la détection du plancher ne distingue qu'une seule paire de pieds.  Face à l'identificateur, seule la main du petit passe au scan alors qu'il en évite lui-même soigneusement les rayons.
De l'autre côté de la guérite, il respire plus librement : il a trompé la machine.  Il conserve l'enfant dans ses bras et se colle au sillage du couple qui s'engouffre dans l'ascenseur.

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