Montagnes russes

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Je pleurais. Comment ? Pourquoi ? Pour qui ? Je ne savais pas.

Assise sur ma chaise de bureau, dans ma chambre ce seul lieu qui m'appartenait réellement, je reniflais discrètement et essuyais mes larmes silencieuses. Il ne fallait pas que mes parents m'entendent, ni ne connaissent mon intention. Personne ne devait être tenu au courant de ce futur que je me réservais.

Tournant la tête en souriant, je tendis l'oreille pour écouter mes frères se disputer au sujet de devoir. Ils étaient des jumeaux, ils étaient plus jeunes que moi. Ils étaient la seule chose qui aurait pu me retenir. Mais j'avais fait un choix, je devais m'y tenir.

Reportant mon attention sur mon miroir, je découvris sans surprise mes magnifiques yeux rougis par la tristesse et la mélancolie.

« Tes yeux sont magnifiques. Ils sont comme le reflet de l'océan, je croirais m'y noyer dedans ».

Je sursautais soudainement, sortant de mes pensées alors que j'entendais les bruits de pas de ma mère qui s'approchait. Mais je me rassurais immédiatement. Il y avait peu de chance que ma mère ait, ne serait-ce que l'idée, d'ouvrir la porte de ma chambre.

Me penchant en avant, je finissais d'écrire sur cette belle feuille d'un blanc pur. Cette couleur impossible semblait exister seulement pour me rappeler que mon âme était à présent aussi vide.

« Le blanc ne contient aucune couleur. Voilà pourquoi elle semble s'harmoniser à la perfection avec le noir, qui lui contient absolument toutes les couleurs. Toutes les deux s'harmonisent et se confondent, un peu comme nous qui nous complétons si bien. »

Cela appartenait au passé. Il était temps.

Ma lettre était enfin achevée. Mes fausses excuses et mes vraies raisons, une partie de moi aussi, voilà ce qu'elle possédait en elle. Mais au fond je savais que cela importait peu. Mes parents ne liraient jamais cette lettre, mes jeunes frères ne la comprendraient pas.

Alors je me levais et ouvris la fenêtre. Dehors il y avait un arbre. Je me mis à sourire à ce vieil ami avec qui je m'étais souvent imaginée parler.

« Tu es un peu comme Gaïa. Tu aimes la nature, elle te rassure. Et puis tu possèdes cette façon de parler avec les corbeaux..., une façon qui les force à te répondre. Oui, tu es comme Gaïa, une déesse de la nature. Pardon-pardon, où avais-je la tête ? Gaïa est une titane. »

Un corbeau s'installa sur l'une de ces branches. Il croassait. J'avais l'impression, la sensation qu'il me disait « Ne fais pas ça, il est auprès de toi, retourne-toi. »

Je souris de nouveau. C'était stupide. La nuit commençait à tomber et l'air frais vint me chatouiller la peau. Je montais sur le bord de la fenêtre et regardais. Le sixième étage serait-il suffisant ?

Je cessais de sourire, soudainement étonnée de ressentir une nouvelle larme roulée le long de ma joue :

-Il est temps...

Passant une jambe au-dessus du vide, je basculais mon corps par-dessus la fenêtre. Je fermais les yeux et me laissa enfin aller.

« C'est comme une montagne russe. Il y a des hauts et des bas. Et même si cela peut paraitre effrayant au départ, il faut se laisser aller. Tu verras, tout va bien se passer. »

Soudain je sentis quelque chose ma ramener en arrière et je retombais brutalement dans ma chambre. Je regardais derrière moi pour voir ce qui avait bien pu se passer.

Rien. Personne n'était là. Pourtant je ressentais une présence près de moi. Je le ressentais lui.

Alors mon regard fut attiré par mon reflet dans le miroir. Mais ce n'était pas le mien. C'était lui, lui qui me tenait dans ses bras. Son visage était terrorisé. Le mien aussi.

Je regardais à nouveau autour de moi mais ne vit rien. Alors je reportais mon attention sur le miroir mais l'homme avait disparu. Je souriais en comprenant. Je n'avais même pas le droit de mourir :

-Même ça je n'en ai pas le droit...

« Tu verras, aie confiance en moi. Bientôt tu te réveilleras en me souriant et je te dirais : je t'avais bien dit que jamais je ne te quitterais ».

Repensant à cette vie rêvée, cette vie passée, je me remise à pleurer, ne pouvant retenir mes couinements malheureux. Tant pis si ma mère l'entendait, de toute manière elle ne s'en occuperait surement pas. Mes frères ne m'entendraient même pas, trop occuper à s'énerver et criez d'agacement.

J'étais seule dans un appartement qui comptait d'autres personnes. J'étais seule dans un monde qui comptait des milliards d'humains. J'étais seule, sans ses bras pour me protéger. J'étais seule, sans Abel pour m'aimer.

« L'amour, c'est comme une montagne russe. Il y a des hauts et des bas. Et même si cela peut paraître effrayant au départ, il faut se laisser aller. Tu verras, tout va bien se passer. Alors s'il-te-plait Caina, laisse-moi t'aimer. Même si nous sommes encore jeune, je sais ce que je veux. Je veux passer l'éternité à tes côtés. »

Je pleurais, pensant à ces belles années que je ne pourrais jamais oublier. Je pleurais, pensant à ce présent sans toi à mes côtés. Je pleurais, sachant que je ne pourrais plus jamais espérer pouvoir te revoir, te toucher, t'aimer. La maladie t'a emporté, la mort a gagné.

Dulcis PromissisWhere stories live. Discover now