Part 10 : Du bleu au rouge

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— Je ne sais pas.

Je vis un cauchemar.

Aden me jauge derrière ses iris d'un bleu acier déroutant. Il n'est pas d'une beauté dont l'esthétique est sans défaut comme Deneb. Ses longs sourcils sont le plus souvent froncés ce qui lui confère un regard dur. Certains hommes beaux ont des traits féminins. Il n'en dispose d'aucun. Même ses lèvres pleines et galbées sont fabuleusement masculines. Sa beauté dépasse la norme comme on l'entend. Il dégage ce quelque chose en plus que je n'ai encore jamais trouvé chez personne. Une beauté sauvage qui traverse les époques, les goûts et les modes. Il a ce truc fascinant, menaçant, terriblement attirant, car il n'est pas dans la séduction.

Il parait dangereux, pourtant sa présence me rassure.

— Est-ce lui ? répète-t-il plus fort, agacé.

Je sursaute.

Je relève le menton en le dévisageant maintenant avec audace. Oui, avec autant d'aplomb qu'il se veut intimidant dans sa longue veste noire à capuche qui valorise ses larges épaules. Il sort l'un de ses longs sabres qu'il cache derrière son dos, puis le pointe sur moi.

— Regarde-le, me menace-t-il en faisant un geste rapide de la tête en direction de l'homme à terre.

Je serre les dents. Je n'en reviens pas qu'il ose brandir son arme sous mon nez. Je parle entre mes dents, la mâchoire serrée.

— Je refuse de reposer mes yeux sur ce cadavre.

— Je ne te laisse pas le choix, ne lutte pas contre moi. Ton entêtement ne te sauvera pas la vie.

Je ricane. Lui, ne rit pas. Ah, ce n'était pas une blague ?! Je retrouve mon sérieux.

— Euh, dis-moi, tu ne vas pas me tuer ? m'enquiers-je, mon assurance se trouvant un peu ébranlée.

— Tout dépend de toi.

Réaction hémisphère cérébral droit : C'est quoi son délire !

Réaction hémisphère cérébral gauche : Aden, putain arrête, c'est moi...

La lame effleure mon menton, puis longe doucement ma carotide. Elle glisse sur mon épaule, descend entre les lambeaux de ma combinaison déchirée et le métal froid touche le haut de la blessure faite sur ma côte. Je retiens mon souffle, car je suis certaine que respirer plus fort ferait rentrer la lame dans ma peau. Je n'y crois pas, Aden est vraiment en train de me traiter en ennemie.

Il plisse ses yeux azur devenus encore plus sombres, presque noirs. Il ne bouge pas. La tête légèrement inclinée, son regard est rivé sur la pointe de la lame. Il parle de manière étrange, comme un souffle provenant du fond de la gorge.

— Je vais sectionner chaque suture et t'ouvrir à nouveau. Tu préfères souffrir que m'obéir ?

Son ton glacial devrait me faire frémir, mais il prononce ce mot. Le seul mot que je déteste : obéir. Je préférerais mourir que me soumettre.

Je le provoque sans vergogne :

— Obéir ? Voyons Aden..., tu ne te souviens plus ? J'adorais désobéir.

Il payait toujours les pots cassés alors oui, bien sûr qu'il se souvient. Il fronce les sourcils un peu plus. L'ai-je énervé ? Est-il en colère ? Je m'en fous royalement. J'espère même l'avoir blessé. Cependant, il ne répond pas, seul un demi-sourire narquois vient troubler son expression des plus indifférentes.

La lame extrêmement affûtée glisse sur le tissu et le fend en deux aussi facilement que si ma combinaison avait été faite en papier. Les deux pans s'ouvrent et tombe de part et d'autre de ma hanche gauche. Il lève à nouveau la lame recourbée et avec précision, la place juste au-dessus de la première suture. Le geste est précis et pesé car je suis certaine qu'un seul geste de ma part suffirait à me rouvrir pour de bon et avec Deneb dans mon dos, je ne peux plus bouger.

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