Mysterious Eyes - Tome 1 : Genèse (Disponible en Broché et Ebook sur Amazon)

Part 14 : Près du feu

Mon cœur a fondu sous l'acidité de ses paroles. Rien n'a cillé sur son visage, même ses yeux n'ont pas cligné une seule seconde. J'éprouve de la honte, du chagrin. Après un long examen de son regard tenace, il reprend la route. Je tremble de tous les membres. Je me mâchouille l'intérieur de la joue. Sa révélation m'a coupé les jambes et c'est à peine si je peux encore marcher.

Que lui a-t-on fait ? Qui a osé lui faire du mal ?

Toi ! Toi ! Toi !

Soudain dévastée par ce constat, je m'arrête, le buste en avant, les paumes sur les genoux. Je ne peux plus bouger. J'essaie de respirer, mais l'air manque cruellement dans ce sous-bois étouffant. Il a le droit de me détester, il en a parfaitement le droit.

— Ava ?

Sa voix est si calme. Plus que ce que je ne le mériterais. Il savait qu'en m'embrassant, il subirait les conséquences, voilà pourquoi il me repoussait. Il a subi mes erreurs, une triste habitude.

— Laisse-moi...

J'ai besoin de le repousser, d'être loin de lui. Qu'il ne voit plus dans mes yeux l'enfer qu'il a dû vivre. Je marche la main sur le ventre, mon autre paume se blesse sur l'écorce rugueuse d'un arbre. Je reste pliée en deux. Le cœur au bord des lèvres, je vomis la faible quantité de nourriture dans mon estomac.

— Arrête, putain arrête ! s'époumone-t-il.

— Je ne peux pas. J'ai mal au ventre, gémis-je, alors que je sens encore la bile remonter dans ma trachée.

— Je ne te demande pas d'arrêter de vomir, mais de cesser de t'apitoyer sur mon sort !

Contre toute attente, il vient se placer derrière moi. Tandis qu'il passe un de ses bras autour de mon ventre pour me retenir, l'odeur du cuir infiltre mes sinus. Surprise par son geste, je me redresse brusquement. Mon dos percute son torse musculeux. Son souffle puissant balaye la peau fine de mon cou.

Quelque chose est en train de se produire, un putain de truc se passe !

Les secondes s'enchainent, la pression de son bras se resserre. Alanguie, je me laisse aller contre lui.

— Aden, je me sens bizarre...

Sans crier gare, il me soulève, me perchant sur son bras comme un chaton, les pieds et les bras ballants à subir les aléas du terrain qu'il foule en ignorant mes protestations. Quand il saute au-dessus de troncs qui lui barrent le passage, ça me coupe le souffle. Il se fiche de ma blessure douloureuse qui va s'ouvrir s'il continue. Je crie pour qu'il me lâche, mais il se met à courir plus vite, efficacement. Je reçois quelques branches en pleine figure, certaines me griffent quand d'autres déchirent un peu plus ma pauvre combinaison.

Soudain, il me projette en l'air. J'imagine que je vais m'étaler par terre, mais au lieu de cela, j'atterris dans l'eau en un plat phénoménal, pouvant être intitulé celui du siècle. Ce n'est pas profond, cependant je bois la tasse sous la panique. Je bats des jambes et des bras. Je prends enfin appui sur mes pieds, puis ressors de l'eau, ma queue de cheval à moitié défaite, de grosses mèches barrant mon visage. L'eau m'arrivant jusqu'au buste, je me mets à hurler à m'en faire sortir les tripes :

— Putain, t'es un grand malade !

Je dégage mes cheveux de mes joues et je constate qu'un sourire satisfait s'étire sur ses lèvres.

— Je préfère cette colère. Ne t'en sépare pas. C'est un conseil.

— Tu... tu... Bon sang, ne bouge pas ! Je vais t'arracher les yeux !

Les semelles de mes bottes glissant sur la glaise des rochers, je sors de l'eau tant bien que mal. Une serpillière mouillée, voilà à quoi je dois ressembler.