A9. Ils arrivent

39 8 9
                                    

"Ils arrivent."
Je connais le poids de cette phrase, je sais parfaitement ce qu'elle signifie. L'homme qui vient de la prononcer m'a prévenu, il y a des semaines, qu'il la dirait. Il m'a montré précisément l'endroit où je devais me cacher s'il venait à la prononcer. Ce n'est pas mon père, il a été mon sauveur lorsque je suis arrivée ici, en cachette.
Je m'empresse donc d'aller me réfugier dans le placard. Ils m'ont assuré que c'était la cachette la plus sûre en cas d'alerte. Il y a de la nourriture et de l'eau, ainsi qu'une couverture, je peux tenir deux jours au maximum. J'ai une clef pour ouvrir et fermer la porte de l'intérieur, c'est étrange mais cela fonctionne vraiment. Je disparaît dans le passage secret comme j'aime l'appeler et je ne dis plus rien. Puis, j'entends des bruits.
Des hommes arrivent, ils ont une voix grave et parlent avec un drôle d'accent. Même si je ne les vois pas, ils me font peur, alors je reste silencieuse. Ils parlent d'arrestation, de trahison et de haine nier leur pays. Cela me semble bizarre puisqu'à chaque fois que ces gens me parlaient de la France, ils n'en disaient que du bien. Quelques minutes plus tard, j'entends un grand fracas... puis plus rien.
Je ne dois sortir que deux jours après être entrée, c'est ma première instruction.
C'est amusant, j'ai l'impression de jouer à cache-cache. Je m'assois dans le fond de mon placard et me raconte des histoires dans ma tête pour ne pas faire de bruit. Je compte les jours, je mange, je bois, je dors, je m'ennuie. Puis, quand vient le soir du deuxième jour, je tiens l'oreille et sors. Il fait nuit et la jolie maison de Normandie est en bazar, Maman et papa n'aimeraient pas cela.
Je me souviens de ma deuxième instruction qui était d'écouter la radio qui était avec moi dans le placard. J'allume le poste et cherche la station comme Paul et Marie m'ont apprit.
"Les français parlent aux français. Veuillez écouter tout d'abord quelques messages personnels :" les sanglots longs des violons de l'automne blessent mon cœur d'une langueur monotone." Je répète, blessent mon cœur d'une langueur monotone. "
J'éteins alors la radio. Je connais le poids de cette phrase et tout ce qu'elle signifie.
Nous sommes en Juin 1944 et ils arrivent.

----------

Cet aléatoire vous a-t'il plut ?
Parce qu'il a été un peu plus long à écrire que les autres étant donné qu'il y a eu quelques recherches au sujet du débarquement. Je trouvais cela intéressant de voir la guerre à travers le regard d'une petite fille (même si ce n'est pas précisé, on s'en doute) qui se cache. Et c'est surtout la fin de l'occupation nazie puisqu'elle assiste au message qui indique le débarquement. De plus, j'aime beaucoup ce poème de Verlaine, allez le lire si vous voulez, il est très joli.

aléatoire Where stories live. Discover now