Chapitre 64

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Claire reprit :

– Isabelle m'a dit plein de choses...

– Lesquelles ?

– Que la maîtresse voudrait me former.

A ces mots, il tourna vivement la tête vers elle. Il ne s'était pas attendu à ce que cette information arrive à ses oreilles.

– C'est...

Claire hésita avant de reprendre. Ses sourcils s'étaient froncés.

– C'était à cause de ça, votre dispute de l'autre jour, avec la maitresse ?

Il prit une brève inspiration.

– Oui.

– Pourquoi ?

Il resserra les mains sur la rambarde, nerveux.

– Qui sait ?

Après un temps de réflexion, il ajouta :

– Personne ne peut savoir ce qu'elle attend vraiment. Isabelle pas plus que les autres.

– Elle la connaît bien, pourtant, non ?

Il haussa les épaules.

– Pas plus que moi.

Qui connaissait mieux Catherine que lui-même, à part son époux ? Et il n'irait rien demander à ce dernier.

Il soupira.

– Isabelle projette ses propres fantasmes sur toi, dit-il à Claire.

Mais, alors que ces mots sortaient de sa bouche, il ne put s'empêcher de penser que c'était surtout lui qui peinait à imaginer un avenir... Ou qui ne parvenait pas à s'y projeter. Il ne cessait de songer à la même question. Elle le hantait, l'obnubilait.

Dis-moi, Claire... Est-ce que tu t'enfuiras ?

D'un coup, il lâcha :

– Est-ce que tu resteras ?

Il plongea son regard dans celui de Claire. Elle parut décontenancée.

– J'ai dit que je viendrai...

– A la séance de punition, bien sûr, mais ce n'est pas ce que je veux savoir.

Il ne précisa pas, pourtant. Il la laissa comprendre, mais Claire ne comprenait pas. Ou, du moins, il aurait voulu qu'elle comprenne, qu'elle devine ce qu'il y avait derrière les mots non prononcés, qu'elle fasse les liens elle-même. C'était illusoire. Il ne voulait pas lui expliquer. Il avait juste cette question, lancinante.

La nuit était tombée, maintenant, et bientôt le pont fermerait.

Il dit de nouveau, plus durement :

– Est-ce que tu resteras ?

Mais Claire resta confuse.

Dans un long soupir, il se passa la main dans les cheveux. Il aurait voulu réagir autrement que par de l'agressivité.

Claire finit par souffler :

– Qu'est-ce que tu veux savoir ? Mathieu...

Il ne dit rien. Il ne savait pas comment le dire, de toute façon.

Il lança juste :

– C'est important, pour toi, de savoir ce qu'il se produira lors de cette punition ?

Claire marqua une seconde avant de répondre :

– Oui.

– Pourquoi ?

– Je...

Elle soupira.

– Je ne peux pas vivre d'incertitudes, comme toi.

Il pensa « moi non plus » mais il ne le dit pas. Ou du moins, pas la concernant. Mais ce besoin de savoir qu'il éprouvait, il n'y était pas habitué.

– Je veux avoir au moins une petite image de ce vers quoi je vais, ce qu'il va se passer...

– Tu as si peur d'affronter ça ?

– Je ne sais pas...

Elle soupira.

– Oui, souffla-t-elle. Je crois. C'est trop confus, pour moi.

Il prit le temps d'intégrer ses paroles. Sur l'instant, Claire se montrait plus sincère que lui, moins opaque. Il eut le sentiment qu'elle n'allait pas au bout de ses interrogations, toutefois.

Elle répéta :

– Qu'est-ce que tu veux savoir ?

Les ombres de la nuit gagnaient peu à peu le ciel, effaçant l'or et rendant plus présentes les lumières de la ville à leurs côtés.

– Tout ce que tu ne dis pas, répondit-il enfin.

Claire se mordilla la lèvre. Il ajouta :

– Tu restes toujours discrète.

– Je ne sais pas ce que tu voudrais que je dise...

Il ne voyait pas non plus comment lui en parler.

Il ne voyait pas comment soulager le poids de sa poitrine.

Il opta pour un changement de sujet. Son esprit n'en fut pas libéré pour autant.

– Tu te sens prête, pour cette séance avec la maîtresse ?

Elle l'observa avec trouble.

– Non... Justement non.

Elle marqua une pause. Puis elle ajouta :

– J'ai des images en tête qui ne cessent de revenir...

– Lesquelles ?

– Oh...

Elle leva les yeux au ciel.

Après un instant, elle reprit avec une douceur surprenante, comme si son esprit était pris dans les brumes :

– La plus importante, la plus marquante, c'est celle de ton dos après...

– La dernière punition ?

– Oui.

Il acquiesça.

Il pouvait comprendre que ça l'ait impressionnée.

Claire le fixa brusquement.

– Qu'est-ce que la maîtresse t'avait fait, exactement ?

Elle ajouta :

– Je veux le savoir.

L'initiation de Claire - Version Wattpad (roman édité chez Harlequin)Where stories live. Discover now