Chapitre 65

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Mathieu haussa les sourcils, ne sachant pas si elle voulait les détails de la séance en elle-même ou de ce qui avait laissé de telles traces sur sa peau.

Il opta pour la deuxième option.

– C'était des marques de flagellation.

Il ajouta :

– Simplement ça.

Mais il vit qu'il n'y avait rien de « simple » pour Claire, là-dedans. Ses yeux le lui disaient.

– Les miennes étaient différentes, remarqua-t-elle.

– Ça dépend de l'objet qu'on utilise.

Il soupira. Changer de sujet ne l'empêchait pas de se sentir nerveux et ce sujet-ci lui rappelait peut-être trop, aussi, à quel point il restait « anormal » aux yeux de Claire, à quel point sa vie, son monde, ses envies... tout l'était.

– Ce sont toujours des marques de fouet, expliqua-t-il mais il y en a des différents. Le nombre de « queues » présentes, la matière... jusqu'à la force des coups... Et la manière dont la peau réagit derrière, bien sûr. Tout joue dans les traces qu'il en résulte.

– Et pour toi ?

Il eut un petit sourire. Claire voulait ce détail, c'était évident. Lui, c'était à d'autres choses, dont il aurait voulu avoir les réponses. Mais il ne les aurait pas, même si c'était dur à accepter. Il répondit :

– C'était un fouet à une queue.

Et il put voir dans ses yeux qu'elle l'avait déjà deviné mais qu'elle avait eu besoin qu'il le lui confirme : de l'entendre de vive voix. Il savait l'effet que pouvait susciter cet objet dans l'imaginaire. Il savait aussi celui qu'il pouvait provoquer sur la chair.

– Tu te demandes si tu pourrais supporter de regarder ça, remarqua-t-il.

– Peut-être...

Elle ne lui disait pas toutes ses questions. Il le fit.

Elle finit par lâcher, gênée :

– Je sais que tu voudrais que je me pose moins de questions.

– Mais tu n'es pas comme ça, remarqua-t-il.

– Non...

Elle ajouta :

– J'ai besoin de savoir.

– Quoi ?

– Plein de choses...

Et elle avait l'air troublée, en disant ça. Comme penchée vers le vide. Comme ne sachant pas si elle allait y chuter ou non.

– Comme quoi ?

Elle haussa une épaule.

– Je ne sais pas. Il y a beaucoup de choses, que j'ignore encore. Il y a tes safewords...

Un rire, autant incrédule que nerveux, s'arracha à la gorge de Mathieu. Il se serait attendu à tout sauf cette remarque.

– Pourquoi faire ?

– Tu sais les miens.

– Je te soumets, objecta-t-il.

L'agacement monta bien malgré lui. Cette discussion le fatiguait et il y avait cette colère qu'il éprouvait non pas tant contre Claire mais contre la perte de repères qu'il subissait. Et puis aussi cette douleur, latente, qui n'était pas ce qu'il avait connu, déjà. Qui était parasite, envahissante. Son ton se fit plus dur :

– Je t'attache, je te baise, je te marque, je te possède par le moindre de tes orifices...

Il tourna un regard provocant vers elle :

– Parfois plusieurs à la fois. Moi, j'ai besoin de les savoir. Moi. Toi, tu...

Il balaya l'air d'une main lasse.

– Tu ne sais même pas ce que tu veux de moi.

Et la souffrance qui déferla en lui à cet instant, il n'y était pas préparé. Elle aurait pu le faire exploser, soudain.

Claire ne dit rien. Rien. Toujours rien. Elle le fixait juste avec de la détresse dans le regard. Il remarqua enfin :

– Tu vois ? Tu ne sais pas répondre à ça. Et je ne sais pas si tu le sauras un jour.

Puis il tourna la tête vers le gardien qui venait vers eux pour les informer de la fermeture du pont. Il essaya de ravaler sa colère, sa peine, son trouble, son désarroi... Mais plus rien n'était net, soudain. Tout était devenu flou.

– Allez, il faut y aller, dit-il.

Claire lâcha :

– Ce que tu m'as dit, tout à l'heure... sur la crête...

Elle paraissait plus que perdue ; elle était dévastée. Il n'en fut pas moins dur.

– Tu n'as pas besoin d'en parler, la coupa-t-il.

Il ajouta :

– Je ne te demande rien.

Elle en parlerait plus tard, si elle le voulait. Après cette punition avec la maîtresse, puisque ça comptait tant, puisque ce serait peut-être ce qui déterminerait ce qu'il adviendrait d'eux : ce qui prendrait place sur la page blanche de leurs existences à venir. Ou elle n'en parlerait pas.

Il se redressa, nerveux.

Claire ne le fixa qu'avec plus de désarroi.

– Plus tard, dit-il enfin.

Plus tard.

Alors, il l'entraîna vers la vieille ville : là où les lumières éclairées figuraient une île faite de pierres d'or, entourée d'eaux luisant comme de l'huile.

L'initiation de Claire - Version Wattpad (roman édité chez Harlequin)Where stories live. Discover now