2. Triste réalité

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Je n'ai pas toujours été comme ça.

Ce « métier » qui me permet d'arrondir mes fins de mois, je l'ai découvert lors d'une période désespérée avec un terrible besoin d'argent. J'ai alors profité de mon physique agréable.

Je me suis rendue à l'évidence du gain facile et rapide, au détriment de mon âme.

Le TGV file à la vitesse de l'éclair et me ramène vers mon chez moi, mon repaire, mon antre. Là où personne n'est au courant de ma vie parallèle. Même Anne-Lyse, mon amie, ma confidente. Bien sûr qu'elle sait que j'accompagne des hommes à des dîners, des repas d'affaires, à des soirées mondaines. Je ne lui ai jamais expliquer, ou du moins confirmer la finalité de ces rendez-vous. S'en doute-t-elle ? Le sait-elle ? Je n'ose pas le lui demander car j'ai peur de m'apercevoir d'un changement dans son regard.

Quatre heures de trajet me séparent de la capitale où j'exerce, à mon sud natal où je vis.

Quatre heures pour analyser ce que j'ai éprouvé et faire un bilan de mes activités. Je me rends compte que je viens d'atteindre le point de non-retour. Cette fois-ci, c'était la fois de trop. Tant que je ne ressentais que du dégoût, c'était facile de passer outre et d'oublier. Mais là, il me suffit de fermer les yeux pour revenir dans cet hôtel, dans cette salle de bain et de sentir à nouveau ses mains sur moi... sa peau contre la mienne ainsi que toutes ces sensations inconnues que j'étais loin de penser éprouver. Je revois ses yeux, d'un gris profond, sa voix chaude et grave qui me donne des frissons. Son corps qui épouse mes courbes à la perfection... Ses doigts qui glissent doucement sur moi, jusqu'en moi...

Essoufflée par mes pensées, j'ouvre les yeux et réalise que je pourrais presque jouir de cette étreinte virtuelle.

Son souvenir suffit...

Et comme quelqu'un qui vient de prendre des produits illicites, je me paye maintenant un sacré Bad trip.

J'ai joué avec le diable bien des fois et aujourd'hui, je viens de lui vendre mon âme.

Comment accepter un nouveau rendez-vous après la nuit que je viens de passer ? J'ai beau faire abstraction, me dire que j'ai absolument besoin de cet argent, je ne peux plus envisager d'autres mains sur mon corps que les siennes.

Cette rencontre bouleverse toutes mes certitudes, détruit jusqu'à la moindre de mes convictions quant à la nécessité de ces rendez-vous accablants.

Et pourtant, je ne sais rien de lui.

Seulement qu'il est à la tête d'une société montante dans le marché de l'électronique. Lors de ces repas, aucun nom ne se dit, et les clauses marchandées restent vagues. Cependant, assister à ces négociations, de façon régulière m'a permis de schématiser la conduite d'une transaction. Au moins, je n'ai pas tout perdu. Je passe pour la belle et naïve, mais je ne suis pas sourde, je sais écouter et retenir.

Sauf qu'hier, je n'ai rien entendu, troublée par sa présence.

Le train arrive en gare et me coupe dans mes réflexions, mais c'est avec l'esprit perdu que je récupère ma voiture sur le parking.

La fatigue se fait ressentir et je me fais violence pour ne pas fermer les yeux sur le chemin du retour. Enfin, je vois le panneau et l'entrée du chemin où je réside :

« Les Cigales Bleues »

Rien ne vaut une matinée avec ce beau ciel azuré immaculé de nuages avec en fond sonore, le chant des cigales qui vous accueille : la journée va être chaude. Pour rien au monde je ne voudrais partir d'ici. Mais ce n'est pas moi qui décide. Malgré la motivation que nous avons Anne-Lyse et moi pour garder sur pied cette maison d'accueil viable, nous dépendons de tellement de conditions à remplir pour arriver au bout de notre projet.

ÂMES...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant