8.1 Entretien avec TechCorp

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- Comment je suis ? dis-je en faisant un demi-tour sur moi-même.

Les réponses vont du « magnifique, comme toujours » à « si tu n'étais pas la sœur de mon meilleur pote » et au « sublime, je crois en toi frangine ! ».

Je rigole à mon tour autant par leurs remarques assurément non-objectives et beaucoup à cause du stress que provoque ma prochaine entrevue. Je mets de côté les enjeux afin de ne pas paniquer, même s'ils sont bien ancrés dans un coin de mon cerveau.

TechCorp, c'est dans deux heures et cela fait trois fois que je change de tenue. Trop strict, pas assez, trop provocante...

Finalement, je me retrouve en robe tout ce qu'il y a de plus conventionnelle, en lin et à manches courtes, parfaite pour la saison. Une ceinture vient rehausser sa simplicité et je chausse mes talons préférés.

Je vérifie pour la cinquième fois, le dossier à côté de mon sac.

- Charlie...

Lysou pose sa main sur la mienne, m'empêchant de continuer et me dit doucement :

- Il est au complet et depuis cinq minutes, personne ne t'en a volé la moitié.

Elle me prend dans ses bras et me serre fort.

- Je crois en toi ma chérie ! tu vas les époustoufler par ta présence et tes arguments. Ils ne peuvent qu'accepter.

Je me recule légèrement et la regarde les yeux brillants, puis lui souffle à l'oreille après l'avoir embrassée :

- Merci d'être toi...

Mon frère se rapproche et m'attrape la main pour y déposer un léger baiser puis laisse passer au travers de son regard toute la confiance qu'il a en moi. Julian me dit au revoir d'un simple signe.

Bon, avant que ma vie ne tombe dans un mélo infini, je coupe court à toutes ces effusions de tendres sentiments et reprends mon air imperturbable. Je respire un bon coup et je pars alors que tout le monde me souhaite bonne chance.

Je monte dans ma voiture et tout le temps du trajet, je récite par cœur les arguments nécessaires pour les convaincre. Les kilomètres défilent et je perçois à peine le paysage qui m'entoure. Mon esprit s'est fixé sur l'anticipation de cet entretien, sur les éventuelles questions qui pourraient être des pièges et cherche des réponses adaptées. Je conduis comme une automate tout en soufflant silencieusement pour évacuer la tension.

Quand je me gare, près du lieu de rendez-vous, je suis gonflée à bloc, prête à rentrer dans tout ce qui pourrait m'empêcher d'avancer. Un dernier regard dans le rétroviseur qui m'assure de la tenue de mon maquillage et expulse une dernière fois les reliquats de doutes qui me parasite.

Le bâtiment de la succursale est impressionnant, je n'ose imaginer l'édifice principal. Je rentre, un peu intimidée et me présente à l'accueil avec un sourire tendu sur les lèvres :

- Mademoiselle Astier ! J'ai rendez-vous avec l'équipe de la branche TechCorpMed.

Je jette des coups d'œil sur ce hall grandiose, le temps que la secrétaire me confirme l'entretien et dépêche la jeune femme à côté d'elle pour me conduire dans la salle de réunion tant redoutée.

Je marche dans les pas de mon guide et un vague souvenir du bruit de mes talons sur l'épaisse moquette me rappelle un temps, pas si loin, où je me dirigeais pour la dernière fois vers une porte de chambre d'hôtel.

Cela doit absolument cesser !

Je dois arrêter d'y penser, d'y faire référence. Je m'auto-engueule.

Puis mon cerveau se fige quand j'aperçois la salle où va se jouer mon futur, incapable de me rappeler ne serait-ce que mon prénom. Je respire vite et j'entends cogner mon cœur dans ma poitrine. La charmante secrétaire m'invite à rentrer et me désigne ma place en bout d'une immense table ovale, où huit personnes se partagent proportionnellement chaque côté.

Tout le monde se tait quand ils remarquent ma présence.

Je me sens mal. Je dois absolument penser à ne pas m'évanouir !

- Voici, mademoiselle Astier... Pour la présentation de dix heures, dit celle qui vient de me jeter dans la gueule du loup avant de faire demi-tour et de m'abandonner.

J'avale péniblement ma salive et des papillons viennent s'amuser devant mes yeux. Je dois reprendre le contrôle, immédiatement. Je fais quelque pas vers la place que m'a désigné la secrétaire, pose mon sac à mes pieds et le dossier sur la table. Je fixe le titre et les lettres se mélangent. Elles m'apparaissent dans un dialecte étranger.

Respirer, ne pas s'évanouir surtout.

Tout se joue maintenant ! Si je parais faible, je ne serais plus crédible et j'aurais tout fait foirer. Ce n'est pas ce que je veux pour toutes les personnes qui comptent sur moi.

Prenant une grande inspiration, je fais appel à Rébecca pour les situations stressantes et récupère une partie de son calme et de sa détermination. J'ose enfin lever les yeux pour observer, avec un nouvel élan de motivation, les huit paires braquées sur moi.

Rapidement, je fais un tour d'ensemble du groupe qui m'observe sans relâche : il est composé en majorité d'hommes allant d'une trentaine d'années jusqu'à la soixantaine. Une seule femme est parmi eux, la trentaine passée, blonde, mains manucurées.

La salle est grande, laissant suffisamment d'espace pour circuler autour de la table et la clarté des lieux est favorisée par les immenses fenêtres sur tout un pan de mur et qui donnent sur l'extérieur. Une chaise vide est placée en bout de table, en face de moi.

Un homme, celui qui doit avoir soixante ans, s'adresse à moi et je pense, au nom de toute l'équipe après avoir échangé doucement avec son voisin de droite :

- Bonjour madame Astier. Nous allons donc commencer. Il me semble que l'équipe est au complet, dit-il en regardant sa montre puis récupère l'accord d'un simple hochement de têtes des autres personnes présentes.

- Nous vous écoutons.

Voilà, on y est ! J'éclaircis ma voix et me lance :

- Madame, messieurs, bonjour. Tout d'abord, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu m'accorder un peu de votre temps afin de pouvoir vous présenter un projet qui me tiens à cœur.

Allez, c'est parti !

Je me présente sommairement.

Puis, afin de leur démontrer que je me suis bien renseignée sur la section particulière que représente TechCorpMed, je me lance dans un bref résumé de leur découvertes technologiques qui pourrait desservir aux personnes handicapées.

Jusqu'ici, tout le monde m'écoute, hochant parfois la tête pour confirmer ma présentation, mais aucun ne parle.

Alors que je vais rentrer dans le vif du sujet et présenter la maison d'accueil qu'Anne-Lyse et moi tentons de mettre sur pied, je m'arrête subitement, car des éclats de voix se font entendre derrière la porte de la salle de réunion.

B.

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