17.1 La face cachée

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L’oncle de Gabriel se tend et se dirige vers la jeune femme, apparemment en état d’ébriété pour la faire pivoter et sortir du salon.

D’un coup d’épaule, elle rejette l’invitation, bien décidée à rester.

Derrière elle, arrive en courant un jeune homme à l’air désolé.

- Joshua, je t’avais demandé de la garder dans mon bureau en attendant Gabriel ! dit son oncle en colère.

- Je sais, père, mais elle disait qu’elle n’était pas bien. Je pensais qu’elle voulait aller aux toilettes, argumente-t-il penaud.

- Faites comme si je n’étais pas là et laissez-moi observer cette adorable petite famille ! réplique l’intéressée.

- Ferme-la, Carole ! la gronde Gabriel.

- Toi, tu sais comment me parler, hein ? dit-elle d’un ton énamourée tout en venant se frotter contre lui.

Je reste stoïque, assise dans le coin du canapé. Ne m’étonner de rien, m’a-t-il dit ! Soit, je ne suis pas jalouse. Le fait qu’elle colle son corps contre le sien ne m’atteint pas ! Du moins, je tente de m’en convaincre. Ce n’est pas le moment de faire un esclandre. Je prends sur moi, comme me l’a conseillé Gabriel un peu plus tôt. Mais c’est dur !

Et comme s’il s’inquiétait pour moi, son regard dévie vers le mien. Chose qui ne manque pas d’interpeller la jeune femme saoule.

- C’est qui, celle-là ? lâche-t-elle d’un air dédaigneux.

- Carole ! grogne Gabriel d’un ton qui roule dans les graves. Ça ne te regarde pas ! Viens avec moi !

Non sans me lancer un autre regard d’excuses, il lui attrape le bras sans délicatesse et l’entraine vers, ce que je suppose être le bureau, suivi de son oncle.

Sans m’en rendre compte, je laisse sortir l’air de mes poumons que j’avais jusqu’ici, gardé bloquer.

- Nous sommes terriblement désolés pour tout ça, me dit Claire tout en désignant d’un geste de la main l’endroit où ils se trouvait juste auparavant. C’est une vielle histoire qui ressort de temps en temps. Gabriel vous la racontera, s’il le veut... Vous voulez boire un thé en attendant ?

Elle me propose une boisson comme si c’était la chose la plus naturelle au monde après ce qu’il vient de se passer.

- Un verre d’eau, plutôt. Je vous remercie.

- Et cela fait combien de temps que vous êtes ensemble ? me demande-t-elle avec un grand sourire, après avoir dépêché le jeune Joshua dans la cuisine.

- Quelques semaines...

- Oh, cela ne fait pas longtemps, réplique-t-elle étonnée. En même temps, si votre histoire durait depuis plusieurs mois, il m’en aurait parlé.

Elle termine sa phrase d’un air songeur et cela ne fait que rajouter une question de plus à la longue liste déjà existante.

- Vous savez, reprend-elle, Gabriel ne s’attache plus aux personnes qu’il côtoie depuis plusieurs années déjà. Vous voir ici me soulage et je suis ravie de faire votre connaissance même si la situation n’est pas idéale.

- Pareillement. Il est vrai que j’aurais préféré vous rencontrer dans d’autres circonstances.

Elle se lève du fauteuil dans lequel elle s’est assise et vient se poser à côté de moi. Dans un geste inattendu, elle m’attrape les mains dans les siennes et me dit chaleureusement :

- Vous me plaisez beaucoup et je suis sûre que toutes les deux, nous allons bien nous entendre. Rien que le fait que Gabriel ait retrouvé le sourire, vous avez gagné une place dans mon estime. J’aime beaucoup ce garçon... Il est comme mon fils et...

Elle s’arrête dans sa tirade, saturée d’émotions.

- Si je n’ai qu’une seule chose à dire, c’est : prenez soin de lui. Il ne mérite plus de souffrir !

Sa chère tante vient de déclencher en moi, un raz-de-marée de questions, qui s’accumulent, les unes à la suite des autres ! Elle ne me connaît pas, c’est la première fois qu’elle me voit, et n’hésite pas à se livrer sur un ressenti aussi intime ? Que s’est-il passé dans sa vie pour que lorsqu’il me présente à sa famille, celle-ci se transforme et m’accueille comme le messie ? Sa tante est, je pense, suffisamment cortiquée pour ne pas dire à haute voix la moindre de ses pensées !  

Alors j’accepte silencieusement ses conseils d’un mouvement de tête. Mais je reste avec mes interrogations...

 Elle lâche subitement mes mains quand elle entend des pas dans le hall. C’est Joshua qui revient avec mon verre d’eau.

- Merci, dis-je en le prenant.

Il dépose un sous-verre sur la table basse en bois rouge afin que je puisse le reposer sans laisser de traces.

Je bois une gorgée, un peu mal à l’aise devant ces deux personnes qui me détaillent comme si j’étais un être venu d’une autre dimension.

- Comme vous avez pu le deviner, voici Joshua, mon fils. C’est le dernier de la fratrie. Il m’adresse un sourire sincère, certainement accentué par la jeunesse de son visage. Je remarque des airs de famille, dans ses traits, avec Gabriel. Il doit tout juste approcher des dix-huit ans.

Lui aussi risque de faire tourner des têtes dans quelques années, si ce n’est pas déjà fait !

Un silence s’installe alors que nous attendons la suite des évènements de l’autre côté du hall. Je me demande bien ce que peut faire Gabriel. Quels rapports entretient-il avec cette femme. Quels ont été leurs liens ?

Une fois de plus, je me perds dans mes incertitudes. Cette fois-ci, le bruit des pas que j’entends appartienne bien à Gabriel. Il revient sans son oncle.

- Alors ? demande sa tante à son encontre.

- L’affaire est réglée. Antoine s’occupe des formalités. Ils vont venir la chercher.

Claire prend une inspiration comme si cela faisait plusieurs heures qu’elle avait arrêté de respirer.

- Et Nathan ? Il l’a vu ? demande Gabriel à sa tante.

Comme si elle redoutait la question, elle fait une petite grimace avant de lui répondre :

- Bien sûr qu’elle est allée directement le voir juste avant que l’on se rendre compte qu’elle soit là ! Maintenant, il dort mais j’ai été obligée de lui donner son calmant. Lui qui n’en prenait plus depuis un petit moment déjà ! Elle a foutu en l’air des mois de reconstruction psychologique, ajoute-t-elle écœurée.

- Je viendrai le voir demain... dit-il en se rapprochant de moi tout en me tendant la main.

- Vous partez ? s’étonne sa tante.

- Oui, répond Gabriel. Nous avons encore un bout de trajet à faire avant de rentrer et il commence vraiment à se faire tard.

- Vous pouvez rester dormir ici. Tu sais bien que ta chambre est toujours prête à t’accueillir.

Gabriel me regarde pour me demander mon avis. Je glisse ma main dans la sienne et retrouve sa chaleur. Je suis fatiguée et l’idée de ne pas avoir de route à faire, d’aller dormir de suite, me tente bien. Et découvrir à quoi ressemble sa chambre, aussi...

B.

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