Chapitre I

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Je déambule dans les bouches de métro, saoul,avec une bouteille à la main. Je renifle bruyamment, de la morve dégoulinant de mes narines. Je rigole en pensant à toutes ces personnes qui trouvent cool d'être bourré. Je m'esclaffe presque et j'ai envie de leur gueuler à la tronche à quel point ils sont cons. Moi ça me rend malade, ça me rend faible et sensible.

Je matte les rails avec attention. Je vais finir par me laisser tomber en attendant le prochain métro. Comme quand je l'ai rencontré...

Je vais me foutre en l'air là où tout a commencé. Je finis ma vodka cul-sec en grimaçant, je sens plus mes orteils et ma langue. Je la soulève difficilement en titubant et l'éclate par terre, elle se brise en mille morceaux contre le sol, je ne veux pas faire mon putain de loveur, mais je regarde ces bouts de verre comme si c'était mon cœur. Non, mon cœur s'est éteint il y a de ça bien longtemps. Il a cessé de battre le jour où il m'a sauvé la vie.

C'est plutôt ironique non ? Il m'a reprit à la mort, pour ensuite m'y pousser. Il me sauve pour mieux m'offrir. Le destin a vraiment un humour de merde, plus bancal, ça n'existe pas.

Mon regard n'arrive plus à se détacher des fragments transparents. Cependant, mon esprit fonctionne toujours et je me demande quand est-ce qu'il va débarquer. Dans pas longtemps sûrement. Il sait toujours où je suis, avec qui je suis et qu'est-ce que je fais. Quand il va rentrer et voir que l'appartement est vide de ma présence, il sera furieux et va enclencher son traceur sur son téléphone, pour trouver ma position. Comme d'habitude. C'est devenu une routine, je sais qu'il regarde constamment où je suis, même à son taff.

Je me laisse tomber au sol et couine en sentant un éclat s'enfoncer dans la chair de ma jambe droite. Je soulève laborieusement ma cuisse et passe ma main en dessous, tâtant mon jean et trouvant le morceau, je tente de le retirer. Il est trop petit et enfouit pour que j'y arrive. Je repose ma jambe en grimaçant de douleur. Tant pis. De toute façon, on en est plus à un bout de verre près.

Je ris de nouveau en imaginant sa tête, quand il va se rendre compte qu'il n'a pas été le seul à vouloir prendre l'air pour se calmer. Enfin, ce n'est pas pour me calmer, moi. J'ai embarqué une bouteille d'alcool avec moi que j'ai vidé en - je regarde ma montre - moins de trente minutes. Je suis même étonné qu'il ne soit pas encore là, à me hurler dessus.

C'est bien mon amour, tu fais des progrès.

Alors que je pense justement à son exploit, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche. J'aurais très bien pu le laisser chez nous, mais aujourd'hui, j'ai envie qu'il me retrouve. Il me trouve toujours, d'ailleurs. Je le sors de ma poche et regarde, en plissant les yeux, qui tente de m'appeler. Bingo, c'est lui. Mais je ne réponds pas. Il va arriver dans quelques minutes à peine, il va se mettre à courir comme un dératé. Je le sens, je le sais, et ça me fait du bien. Je suis heureux de le paniquer. J'appuie sur le message vocal qu'il m'a laissé, j'aimerai l'entendre s'il n'arrive pas à temps.

« Bébé... Bébé réponds moi je t'en supplie... Je suis désolé pour tout à l'heure, j'aurais pas du, je vais me rattraper promis... Tu me connais, j'suis impulsif mais... Mais je t'aime mon amour, t'es tout pour moi. J'en crèverai s'il t'arrivait quelque chose, tu le sais ça ? Bébé réponds, je m'inquiète... »

Son souffle semble affolé et sa voix est terrorisée. J'adore ça.

- Je sais mon cœur, je m'entends dire, ma gorge me faisant souffrir.

Je ramasse paresseusement un résidus de ma bouteille, le plus gros et le plus tranchant, avant de me recoller contre le mur derrière mon dos. Ma tête bascule et cogne contre le béton, cette fois, je n'ai pas mal. Je ne vois plus très bien, mais j'aperçois encore les jolies veines bleutées de mon poignet. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours été attiré par ces vaisseaux sanguins à la couleur envoûtante. Lui en a une grosse au milieu du front et qui ressort quand il est en colère. J'ai toujours trouvé ça incroyablement sexy, c'était d'ailleurs ce qui m'amusait quand il s'énervait, à notre rencontre. J'aimais le provoquer pour qu'il ait cet air sombre, je lui sautais ensuite dessus et on passait une nuit d'amour torride et passionnée à nous réconcilier sur le lit. Ça me rendait accro. Ça me rend accro. Non en fait, il serait plus juste de dire que je suis accro, tout simplement.

Dis Le Que Tu M'aimesWo Geschichten leben. Entdecke jetzt