ÉTAPE 2

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« L'amour est une sorte de butoir contre la solitude. » - Woody Allen.


Sous le point de vue de Harry

J'avais décidé d'en prendre sept. Sept magnifiques roses à l'éclat aussi flamboyant que mon amour pour Florence. Mon Dieu, je suis ridicule avec mes métaphores cucul. Mais, fallait se l'avouer, j'étais complètement fou d'elle. Je m'imaginais en boucle ses yeux bleus pétillaient et son rire enfantin envahirent mes oreilles en me voyant. C'était quelqu'un de très expressif. Absolument tout pouvait se lire au travers de l'univers qu'étaient ses yeux. Lorsqu'elle me regardait, c'était comme une délicieuse et dangereuse noyades dans les profondeurs de l'océan. Effrayant, hein? C'était ça que j'adorais chez elle.

La petite fleuriste me rendit la monnaie et je la remerciais en souriant de toutes mes dents. Je sortais avec hâte du magasin, posant mes lunettes de soleil sur le nez. J'inspirais longuement l'odeur du printemps imbiber mes poumons. C'était ma saison préférée. La chaleur, la plage, les filles... Bon, moi c'était Florence, évidemment. J'ouvrais la portière de la place passager de ma Range Rover prenant soin de déposer les fleurs le plus délicatement possible. Je me retournais et regardais le nom du magasin de fleurs. "Fleurs à gogo de chez Margot". Je réprimais un rire et secouais la tête. Quoiqu'il en soi, c'était noté. Dorénavant je reviendrais à chaque fois chez la petite dame ronde à lunettes.

Je contournais rapidement la voiture, me glissant à ma place pour démarrer le moteur. En général, les samedis matins, les rues de Paris ne sont pas spécialement bondées. Seuls quelques petits commerces artisanaux ouvraient leur porte, et c'était grâce à cela que j'avais pu avoir mes roses.

Je jetais un rapide coup d'œil sur le bouquet tout en magnant le volant, et une pétale venait déjà de tomber. Cela augmenta ma hâte et j'appuyais sur l'accélérateur. Je connaissais le chemin par cœur, que j'empruntais pratiquement tous les jours. Cela faisait près d'un an que Florence et moi tenions une relation, à mon plus grand bonheur. Étant tous les deux seulement âgés de vingt et un ans, nous vivions simplement au jour le jour. Je n'avais jamais parlé ou même pensé au mariage. Même si je savais que c'était certainement la femme idéale, je n'étais pas encore prêt. Sa présence me suffisait amplement.

Je tournais au virage familier qui menait vers son quartier. Elle était quelqu'un de très modeste. Elle habitait dans un petit appartement au cœur du centre de Paris, avec ses deux chats, Pom-pom et Chocolat. Enfantin ? Ouais, je sais. J'avais l'habitude de me moquer de ces surnoms, moi aussi. De toute façon à chaque fois que je le faisais, elle me donnait une tape sur le crâne, me forçant à m'excuser au près d'eux. Et je le faisais, malgré moi.

Je me garais au pied de l'immeuble en pierre. Même si cela faisait près de cinq ans que j'avais emménagé en France, je ne m'étais jamais vraiment habitué au changement. Londres et Paris, eau et feu. Quelques fois, j'avais l'impression d'être un extraterrestre parmi tous ces HLM et les foules massives dans les rues. Mais vraiment, ça en valait la peine pour elle.

Je tirais la porte pour rentrer, le bouquet à la main et ne dirigeait vers l'ascenseur. Des graffitis longeaient le long des murs sales et une odeur de tabac me chatouillait les narines. Mais je n'y prêtais plus attention. Question d'habitude. Si Florence le surmontait tous les jours; pourquoi pas moi? Les portes en métal de l'ascenseur s'ouvrir en un grincement aigu accompagné d'un petit 'ting' qui suivit.

Je fronçais légèrement mon nez, et prit une grande inspiration avant d'appuyer sur l'étage numéro 14. Alors que les portes se refermaient en un autre petit grincement, je me tournais vers le miroir pour rectifier mon apparence. Je passais plusieurs fois ma main dans mes cheveux, libérant mes boucles désordonnées. Je descendais lentement mon regard sur mon débardeur blanc, mon jean noir puis bottines. Bon. Tout semblait correcte. Un nouveau 'ting' me prit de court alors que les portes s'ouvrirent au huitième étage. Une femme à la poitrine imposante se plaça à mes cotés accompagné d'un petit caniche. A ma vue, la petite bête commença une série d'aboiements grisants, et je pouvais jurer que s'il n'avait pas cette laisse autour du cou, j'aurais pu dire au revoir à mes chaussures. Le femme, quant à elle, m'envoyait une longue tornade de battement de cils et quelques sourires aguicheurs. Je gigotais inconfortablement. Seigneur.

Un troisième 'ting' se fit entendre et je remerciais le ciel d'enfin abréger mes souffrances. Je sortis précipitamment de la boîte de conserve et cru entendre un petit 'byebye mon beau' avant que les portes ne se referment, les cris du chien n'étant plus que des échos. Je grimaçais et m'approchais de la porte de Florence.

Mon sourire revient sur mes lèvres alors que j'appuyais sur la sonnette. Je soufflais contre ma main, vérifiant mon haleine, puis me raclais la gorge. Aucune réponse.

J'appuyais une nouvelle fois, un peu plus longtemps. Elle était forcément là. Elle m'aurais prévenu si elle était allé chez ses parents. Elle me prévenait toujours. Je compte jusqu'au trente dans mes tête puis tape quelques coups contre sa porte. Toujours rien. Une idée me vint, mais j'hésitais quelques instants. Je pesais le pour et le contre puis cédait et me mit à quatre pattes sur le sol, essayant de regarder à travers la commissure entre le sol et la porte. Toutes les lumières semblaient éteintes, et les petits pas de Pom-pom qui venait m'accueillir à chaque fois, ne se faisaient pas entendre.

Je me relevais, les sourcils froncés dans l'incompréhension. Je ne pouvais pas juste partir, et je ne pouvais pas lui envoyer de message car cela gâcherait ma surprise. Je regardais autour de moi à la recherche d'une solution, et mon regard s'arrêta sur la porte du voisin.

Celle-ci était quelque peu abimé et un vieux tapis était placé devant, sur lequel on pouvait lire 'Buenos Dias'. Oh, je vois. Je sonnais trois petits coups. J'entendis rapidement des voix s'élevaient puis des pas lourds s'approchaient. Un homme à moustache, me fit face, le regard perçant et vif me scannant de haut en bas.

— C'est pour quoi ?

Sa voix était rocailleuse au fort accent mexicain. Je tentais un petit sourire amical.

— Excusez-moi du dérangement Monsieur, sauriez vous par hasard si Florence est là? C'est une jeune femme de taille moyenne, aux cheveux---

— Harry, c'est ça?

Il m'avait coupé semblant légèrement ennuyé par ma présence, et levait son sourcil vers moi. Je hochais lentement la tête sans comprendre.

— Ouais, elle m'avait dit que tu viendrais. Elle s'est barré, mon gars. Point barre.

Il était sur le point de renfermer la porte mais je plaçais rapidement mon avant bras, le regard inquiet.

— Barré ? Qu'est-ce vous voulez dire par barré ?

— Elle est parti, vieux. Elle a pris sa valise et pouf.

Il me donna un sourire sans émotion et claqua la porte dans un énorme bruit résonnant dans tout le couloir.

Ou peut-être était-ce le bruit de mon cœur se fracassant contre le carrelage sale?

Philophobie // h.s.Where stories live. Discover now