Chapitre 13.3 La Demande

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Elle espérait attirer l'attention de l'homme et ce fut le cas.

— Je vous écoute.

— Monsieur, la dernière fois que je suis sortie, j'ai failli être violée et tuée. La fois d'avant aussi. Tout ça en une semaine. Je préfère rester ici, je suis en sécurité. Pas dehors pour un cours d'histoire de la ville. Tant pis si je dois avoir un zéro pour ça. S'il vous plaît.

Conscient qu'elle était sur le point de le supplier, il la crut. Il lui donna un mot à transmettre à son professeur. Elle afficha une mine déçue et prit le reste de la classe avec bien moins d'entrain. Une fois ses camarades partis, elle s'appuya contre un mur et laissa échapper quelques instants l'adrénaline qui courrait dans ses veines. Ses jambes tremblaient. Ses mains aussi.

Une fois la maîtrise de son corps retrouvée, elle se dirigea vers sa salle de retenue.

Le professeur chargé de la surveiller prit son mot et lui donna des exercices à faire. Elle saisit la feuille de mathématiques et s'assit au fond de la salle. Les exercices étaient relativement simples, mais elle prit son temps. Elle levait la tête de temps à autre pour voir qui l'accompagnait.

C'est alors qu'elle reconnut une tignasse brune en bataille. Même si cela faisait des années, elle l'aurait reconnu entre mille. C'était Anna, une amie du jardin d'enfants. Ravie, elle attendit la pause pour lui tomber dans les bras.

— Anna ! Mais qu'est-ce que tu fais là ? Je croyais que tu étais partie vivre dans le sud du pays !

— Chloé ! Salut ! – elle répondit à son étreinte, visiblement ravie, ses yeux azurs brillant – Oui, c'était le cas, mais je suis revenue vivre chez ma tante et mon oncle pour un an. Mes parents sont partis en voyage.

Sur cette partie, Anna semblait moins enthousiaste.

— C'est super ! Je suis tellement contente de te voir !

— Moi aussi, ça fait remonter plein de souvenirs.

— On mange ensemble à midi, interrogea Anna, tout à trac. A moins que tu manges avec tes amis ?

— Ils sont en sortie. T'inquiète, bien sûr. Il faut juste que je passe à la documentation en sortant de retenue. Tu me rejoins là-bas ?

— D'accord ! A tout à l'heure !

Les deux filles se quittèrent avec un sourire à s'en faire mal aux zygomatiques. Chloé reprit sa place et fixa le dos de son amie, qui avait l'air plus enjouée, plus accomplie qu'avant. Après sept ou huit ans, c'était peut-être normal, l'adolescence était passée par là. Elle replongea dans ses mathématiques en même temps que dans ses souvenirs.

— Tu sais si Nathan est toujours dans les parages, demanda Anna.

— Et comment ! Même que je sors avec, maintenant !

— QUOI ? Mais c'était mon amoureux avant, geignit-elle.

— Désolée ! Mais tu sais, on se tournait autour depuis un bon moment, il était temps que ça se fasse !

— T'excuses pas, tu as raison, il est canon !

— Mais ça fait combien de temps que tu as repris ? Parce qu'on était là ce matin à la grille !

— Je ne vous cherchais pas spécialement, j'imagine que je vous ai raté, éluda-t-elle.

Chloé accepta l'excuse sans rechigner. Elles étaient devant un bureau, attendant la documentaliste qui devait leur donner le numéro du rayonnage de ce qu'elles cherchaient.

Une fois devant l'étagère concernée, la jeune femme chercha. Elle entendit un gémissement de douleur et vit son amie pliée en deux.

— Anna ? Qu'est-ce qu'il y a ? Hey, Anna, parle-moi !

Comme elle ne répondait pas, elle se mit à son niveau.

Anna se redressa alors, le visage déformé par la haine. Elle plaqua une main sur le coup de Chloé, l'empêchant de hurler et de respirer. L'autre se plaqua sur sa bouche. Elle avait une force incroyable.

— Je vais parfaitement bien, murmura-t-elle. J'ai appris deux-trois petites choses qui peuvent servir. Ne t'en fais pas, je veux pas te tuer. Juste que tu sois inconsciente.

Chloé se débattait mais rien n'y faisait. Coups de pied, coups de poing, elle avait l'impression d'être une nouvelle-née. Des étoiles commençaient à danser dans son champ de vision. Elle tenta de mordre la main de son agresseur et au cri qu'elle poussa, elle se douta qu'elle avait réussi.

— S***** ! Tu vas payer pour ça !

Chloé était allongée sur le sol, respirant à grandes goulées afin de récupérer avant qu'Anna ne repasse à l'attaque. Cette dernière serra le cou de sa victime des deux mains cette fois, assise sur elle, qui sentait le sang couler dans son cou.

— Tu vas t'évanouir, bon sang ?

Chloé résistait mais sa conscience déclinait. Elle prit la rune du Soleil, Sowelo et l'articula péniblement, afin d'éblouir Anna et pour pouvoir fuir.

L'effet fut tout autre : il y eut une terrible explosion qui éblouit aussi la lanceuse de runes. Les étagères autour d'elle s'envolèrent tel un château de cartes en plein vent et un cercle de deux mètres de large se dessina autour d'elle. L'ensemble des étagères de la pièce était au sol. Anna reposait plus loin, évanouie.

Le peu de vision qu'elle récupéra lui permit de voir la bibliothécaire entrer, totalement effarée par le spectacle qui s'offrait à elle. Et pousser un hurlement. L'adolescente était occupée à calmer les battements de son cœur, encore bien trop rapides à son goût. Tout en gardant un œil sur Anna.

Elle se demandait surtout comment, alors qu'elle allait y passer, elle avait pu réussir un coup pareil. Le directeur arriva peu de temps après, et regarda Chloé sans comprendre. Avant de s'évanouir définitivement, elle se dit que la journée risquait d'être très longue.


Les Chroniques d'ArdisWhere stories live. Discover now