Les Chroniques d'Ardis

Chapitre 33 - Epilogue

Le retour se fit dans le plus grand silence. Chloé, même si elle était très affectée, avait accepté de contacter le père d'Emma à qui elle avait donné rendez-vous chez les Erinsson, afin de ne pas ameuter la ville au sujet des retrouvailles.

Elle avait aussi prévenu les parents de Nathan. Elle ne les avait jamais vu, mais elle s'attendait à quelque chose d'aussi difficile.

Et ce fut le cas. Son père lui ressemblait terriblement. Même s'il avait les yeux et le nez de sa mère. Jorg leur parla ainsi :

— Je sais que ça ne vous rendra pas votre fils. Mais c'est un héros. Il a activement participé à la capture d'un mage et m'a sauvé la vie.

Chloé s'était fermée aux émotions extérieures. Elle avait suffisamment à faire avec les siennes, pas la peine d'ajouter celles des personnes qui l'aimaient le plus au monde.

Elle avait dans les mains le fameux diamant, qui contenait l'âme d'Ekan. Sa mère lui avait raconté ce qu'elle avait raté.

— Comme tu avais préparé le terrain, je n'avais plus qu'à fermer le coffre que tu avais créé. Et toi, tu l'as définitivement scellé.

— Heureusement que tu étais là, dit-elle.

Frida passa le bras autour de sa fille.

Alors que les parents de Nathan emportaient le corps de leur fils, Jorg se rapprocha de de Chloé et lui dit :

— Il avait compris. Que je devais me sacrifier pour que toi et ta mère, vous réussissiez. C'est pour toi qu'il a fait ça. Pour te permettre de m'avoir auprès de toi. Je suis désolé.

— Comment tu arrives à vivre avec ça ?

— Pour le moment, je n'y arrive pas et je me sens terriblement coupable. Il faudra que je vive avec sachant que vous auriez peut-être fait votre vie ensemble.

Cette idée était la plus difficile à digérer pour elle. Elle se contenta de hocher la tête.

Elle ne répondit pas lorsque l'ambassadeur vint la remercier. Ni lorsque Loïc et son père vinrent s'excuser.

Elena revint quelques heures plus tard et passa la nuit près de sa sœur, dévastée.

La grande sœur veilla la petite pendant toute la nuit et même si elle lutta longtemps, elle finit par s'incliner face aux assauts du sommeil.

Chloé s'éveilla en pleine nuit, oppressée et d'une tristesse indicible. Quelques secondes lui permirent de se rappeler. De se rappeler que tout ça était vrai et qu'elle n'avait pas fait un cauchemar. Elle rejoignit la cuisine, en quête d'un peu d'eau.

— Bonsoir, Chloé Erinsson.

Chloé sursauta mais reconnut tout de suite la déesse Hel, qu'elle salua avec déférence.

— Tu sais pourquoi je suis là.

— Vous venez pour être sûre que je tienne parole, maintenant que Nathan...

Hel, compatissante, acquiesça.

— Je sais ce que tu vas me demander, et je vais te dire non.

— Oh. Pourquoi ?

— Parce que c'est dans l'ordre des choses. De plus, ton fiancé n'est pas chez moi. Les Walkyries sont venues l'emmener au Valhala.

— Oh ? Vraiment ?

— On peut me reprocher des tas de chose, petite Chloé, mais je ne suis pas mon père. Je ne mens pas.

— D'accord. Je reviens.

Chloé descendit quelques instants plus tard, le diamant à la main. Hel était en plein examen de « son » épée. Elle étincelait comme jamais.

— C'est une très bonne lame, Chloé. Même si elle a tué ton ami, tu devrais apprendre à t'en servir.

— Je ne pourrais pas.

— Donne-toi le temps, dit alors la déesse d'une voix douce. Tu es une humaine de parole. Ne perds jamais ça. Tiens, prends-la.

Elle obéit et constata qu'une autre pierre avait pris la place de la première.

— Je tenais à te féliciter par ce présent. Un diamant pur, taillé par mes gens. Je te l'ai installé pendant que tu montais. Rassure-toi, tu ne me dois rien. Ah, dis à ta mère d'ouvrir son tiroir demain, ça devrait régler le problème de son épée. Aies une belle vie.

La silhouette s'estompa et disparut.

Chloé, à présent parfaitement éveillée, ouvrit la porte. L'air froid lui mordait les bras et traversa les pans de son fin pyjama. Un vent léger accentua le tout.

Mais elle appréciait. Cela lui permettait de votre son corps reprendre le dessus, se sentir en vie, malgré tout ce qui était arrivé.

Anna, Nathan.

Deux victimes tellement inutiles. Comment faire maintenant, pour se venger, maintenant qu'Ekan était bien prisonnier ?

Comme elle commençait à claquer des dents, elle leva son épée et dessina un cercle autour d'elle. Elle invoqua trois runes et bientôt, elle se sentit mieux. Physiquement parlant.

Elle leva la tête vers les étoiles. Le ciel de Mars était pur comme une rivière de montagne. Dix-sept ans. Et pourtant, tant de douleurs. Malgré l'avertissement de Freya, qu'est-ce qui la pousserait aujourd'hui à continuer ?

— J'ai vu ton avenir, j'en suis la gardienne exclusive. Ton père lui-même ne sait pas. Je l'ai vu, celui de maintenant, dans vingt ans. Et tu trouveras le bonheur.

— Ce n'est pas la peine de me mentir, maman.

— Je peux te le jurer. Je ne peux pas te laisser aller dans ma tête, tu dois construire ta vie sans influence. Mais je peux te dire que tu auras même des enfants.

Des enfants ? Qui sait ? Pourquoi pas ?

Elle planta son épée dans le sol, résolue. Et suivit sa mère vers son destin : demain, elle redeviendrait une jeune femme presque comme les autres.

Presque.