15- Furie

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Je sors de la classe en furie. J'ai envie de la gifler, mais je sais pertinemment que ça n'améliorerait pas mon sort. Et puis, ça ne me ressemble pas du tout. Je grommelle à la simple pensée que je devrai revoir madame Vieille-Croûte une deuxième fois dans la même journée. Lorsque je frappe à sa porte, elle lève les yeux de son ordinateur et hausse un sourcil en me détaillant de haut en bas. Elle me fait signe d'entrer.

- Tiens donc, mais qui voilà? Je savais bien que je vous avais manqué.

Je la dévisage, je n'ai pas envie de rigoler. Elle croise les bras sur son bureau.

- Que me vaut l'honneur de votre visite cette fois-ci, mademoiselle Curtis?

Je croise les bras à mon tour.

- On m'a envoyé ici pour quelque chose que je n'ai pas fait.

Un sourire en coin s'affiche sur sa peau plissée.

- Ah oui, je vois. Je suis certain que monsieur Harris sera ravi d'entendre cette belle histoire de mensonges que vous avez à lui raconter.

Je serre les poings, mes ongles se plantent dans ma peau. Je dois me contrôler. Plus vite je serai entrée dans son bureau, plus vite ce sera fini, pas vrai?

Madame Bradley pitonne sur son téléphone.

- Monsieur Harris? Quelqu'un voudrait vous voir.... April, April Curtis.... Oui, je vous l'envoie à l'instant.

- Elle raccroche.

- Première porte à gauche.

Je serre les dents en avançant dans le couloir. En apercevant la porte avec la plaque gravée au nom du directeur, ma colère se mélange à un frisson d'angoisse.

Je n'ai même pas le temps de frapper qu'une voix grave m'autorise à entrer.

L'homme imposant derrière son bureau m'invite à m'asseoir sur un fauteuil qui lui fait face.

- Hum, bonjour, monsieur Harris.

- Bonjour, mademoiselle Curtis. Je suis étonné de votre visite dans mon bureau.    Vous êtes l'une de mes meilleures élèves, vous savez.

- Merci...

Il s'éclaircit la voix.

- Donc?

- Oh, oui, bon, je sais que c'est difficile à croire, et vous allez sans doute penser que je vous mens, mais je ne suis pas responsable de ce qui s'est passé.

Il hausse un sourcil, exactement comme Madame Bradley.

- Et qui en est responsable, alors?

- C'est Mandy. Mandy McDaniels, monsieur.

- Cela ne me surprendrait pas non plus. Racontez moi donc ce qui s'est passé.

Je lui explique toute l'histoire dans les moindres détails, en soulignant bien tout ce que faisait Mandy pour m'irriter.

- Mademoiselle Curtis, je sais que vous êtes une élève relativement sage et disciplinée, mais je n'ai aucune preuve que les propos que vous avancez sont exacts.

- Comment?

- Qui me dit que vous ne venez pas d'inventer tout ça?

Je suis sidérée.

- Et bien, vous n'avez qu'à regarder le papier vous-même. Vous verrez bien que ce n'est pas mon écriture.

Il soupire.

- Mademoiselle Curtis, avec tout le respect que je vous dois, je n'ai pas que ça à faire, vous comprenez.

- Mais enfin, monsieur Harris! C'est complètement idiot! Vous avez dit vous-même que j'étais l'une de vos meilleures élèves!

- Cela ne justifie pas plus vos actes.

- Mais je vous jure que c'est Mandy, elle a tout inventé pour me mettre en colère!

- Elle devait bien avoir une raison de le faire, ne croyez-vous pas?

Je croise mes bras sur ma poitrine. Ma rage de tout à l'heure commence à refaire surface.

- Vous n'avez pas plus de preuves que c'est moi qui l'ait fait, monsieur le directeur.

- Effectivement, certes, c'est vous que monsieur Peters m'a envoyée.

Je me cale dans mon siège en levant les bras au ciel. Ça ne sert à rien, personne ne me croit jamais de toute manière!

- Malheureusement, votre mauvaise attitude entraîne des conséquences, vous savez.

- Alors ça y est, vous accusez vraiment des innocents!

- Je n'apprécie guère votre comportement, April. Il n'est pas poli de pointer le doigt comme ça sur une figure autoritaire telle que la mienne. Je dois appeler votre mè... tuteure, pardon.

Visiblement, tout le monde a le don de me rappeler qui gère ma vie. Mon coeur se met à pomper plus vite.

- Non, je vous en prie, ne l'appelez pas. Elle va me...

- Elle va vous quoi?

Je baisse les yeux. Il ne peut pas comprendre. Et de toute façon, j'ai déjà perdu la bataille, cela ne vaut pas la peine de continuer à m'obstiner.

- Retenue, conclue-t-il. Ce soir. Je ne vais pas l'appeler, mais vous devrez justifier votre absence, donc ça revient au même.

- Un vendredi soir? Vous ne pourriez pas la remettre un lundi, par exemple?

- Cela ne serait plus une conséquence, ne croyez-vous pas?

Il a raison. Bon sang, le monde est vraiment retourné contre moi aujourd'hui ou quoi?

Je me lève.

- Local de français, à 16 heures tapantes.

Génial. Maintenant, je ne pourrai même plus sortir avec Aidan. Tout ça à cause de cette stupide Mandy!

Monsieur Harris me suit quand je sors de son bureau en marmonnant un petit au revoir. Je me retourne.

- Vous aviez quelque chose d'autre à me dire?

- Non non, tu peux disposer.

J'accélère le pas et sors de cet enfer. Derrière moi, j'entends le directeur parler à la Vieille Croûte.

- Je t'offres un café, ma chérie?

Je me retourne vivement.

- S'il te plaît, mon ange.

Et deux secondes plus tard je les surprends en train d'emmêler leurs langues. Oh mon dieu, mes pauvres yeux! C'est bien la dernière chose à laquelle j'aurais pu m'attendre. Cette journée ne fait que me suprendre, et je sens que ce n'est pas sur le point de finir.

J'envoie un bref texto à Aidan pour lui informer que nos plans de la soirée tombent à l'eau et que je l'appellerai plus tard pour lui expliquer. J'aimerais tellement pouvoir simplement le rejoindre à son casier après les cours, lui parler de vive voix, sans avoir peur du regard des autres. Mais je ne peux pas, pas tout de suite. Pour le moment, j'ai bien d'autres choses à affronter. Et cela inclut mon cours de sciences en compagnie de Mandy, Idrissa ET Aidan. Que le spectacle commence...

Reine du BalWhere stories live. Discover now