35- Rue de la Marianne

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AIDAN

Je n'ai pas le temps de réagir qu'elle se jette sur moi et m'embrasse à pleine bouche. Sous le choc, je ne réponds pas à son baiser mais cela me prend quelques secondes avant de la repousser. 

Je m'essuie le coin des lèvres et la dévisage. Elle semble offusquée. Je n'arrive pas à croire qu'elle se tient là, devant moi. Cela semble faire si longtemps...

- Rebecca? 

Elle prend mon visage entre ses mains. Je les retire aussitôt. 

- Oh, Aidan, ce que tu m'as manqué! 

- Qu'est-ce que tu fais ici? 

Je n'apprécie guère sa soudaine apparition. 

- Eh bien, je suis venue rendre visite à mes copains américains, pardi! 

Elle me fait les yeux doux. Pauvre garce. 

- Parce que tu as des copains américains, toi? 

- Écoute, Aidan, tu me manques. Ta famille me manque. Ta famille manque à toute la Suisse, à vrai dire. 

Je ne réponds pas. 

- Ne t'es tu pas ennuyé de moi?

Elle pose sa main sur mon épaule. Encore une fois, je recule. Elle m'irrite au plus haut point. 

- Ne me touche pas. 

Elle baisse les yeux, blessée. Lorsqu'elle relève la tête vers moi, son expression est changée. Elle semble en colère. 

- Je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien, Aidan. Tu voulais une pause, et bien la pause est terminée. 

- Je ne voulais pas une pause, Beck. Je t'ai dit que c'était terminé entre nous. 

Elle se rapproche, prend un air de pitié et murmure: 

- J'ai changé, Aidan. Tu dois me donner une seconde chance. 

Je secoue la tête.

- Je suis désolée, Beck. 

Elle tape du pied par terre, ce que je lui connais bien. Si ça se trouve, elle va me piquer une crise d'un instant à l'autre. 

- Je vais parler à ton père, il m'aime bien. Et tu sais aussi bien que moi que c'est lui qui aura le jugement final. 

Je soupire. Bordel, je n'ai vraiment pas besoin de ça en ce moment. J'ai déjà assez à gérer. 

- Écoute moi bien, Beck. Je suis désolée de te l'apprendre, mais en aucun cas je ne me verrai passer le restant de mes jours avec toi. Je ne suis pas amoureux de toi, et je ne l'ai jamais été. Maintenant, laisse moi tranquille, je t'en prie. J'ai d'autres chats à fouetter. 

Elle inspire longuement et prend un air hautain. 

- Très bien. Puisque c'est comme ça, je parlerai à sa majesté moi-même.

Elle prend une courte pause, jette un regard à ses ongles et me regarde à nouveau avant d'ajouter:

- Je sais où tu habites. 

Cette dernière phrase sonne l'alerte rouge dans ma tête. Oh bon sang, il ne faut surtout pas qu'elle retourne là-bas...

- Beck, tu ne dois en aucun cas... 

Le responsable au comptoir m'interrompt. 

- Suivant! 

J'en avais oublié mon projet. April doit s'impatienter. 

Je m'avance au comptoir. 

- Bonjour, que puis-je? 

- Bonjour, hum... Je voudrais acheter deux billets pour... 

Je me retourne pour m'assurer que Rebecca est toujours là. Je dois la prévenir avant qu'elle ne fasse une bêtise. 

Merde, elle se dirige vers la sortie

- Jeune homme? s'impatiente le gars au comptoir.

Je me retourne vers lui, lui prie de m'excuser et pars à la course vers Beck. 

- Rebecca, attends! 

Je lui prends l'épaule pour qu'elle se retourne. La main sur la hanche, elle soupire, lève les yeux au ciel et me demande sur le ton de l'exaspération la plus totale: 

- Quoi?

- Excuse moi, Beck, je me suis emporté. C'est juste tellement bizarre de te revoir ici... Après tout ce temps... 

- Mais encore? 

- Écoute, j'aimerais qu'on discute, s'il te plaît. Ça ne va pas très bien avec mon père ces temps-ci. J'aimerais juste pouvoir en discuter avec toi avant que tu n'ailles lui parler. D'accord? 

Elle plisse les yeux. 

- Tu me caches quelque chose, Aidan. 

J'essaie d'avoir l'air le plus détaché possible. 

- Quoi? Pas du tout. 

Je suis un mauvais menteur. 

Elle roule les yeux. 

- Pff. Je ne te crois pas une seconde. Si tu comptes ne pas me dire ce qu'il se passe réellement entre toi et ton père et sur-le-champ, je n'aurai d'autre choix que de m'en aller. Comme tu le dis si bien, j'ai d'autres chats à fouetter

J'essaie de faire diversion.

- Et tu t'en vas où, au juste? 

- Norshore. 

Elle tente de prendre l'accent américain en disant cela, mais sa tentative échoue lamentablement. 

- L'adresse? 

- Hum... Quelque chose comme la rue de la Marianne.

Je ne connais pas. Le village est assez petit, pourtant. 

- Ah non, ce n'est pas ça. Rue de la Marina. Oui, Marina. 

Une boule se forme dans ma gorge. Rebecca arbore son sourire le plus innocent. Son attitude me rappelle drôlement les belles soeurs d'April.

- Tu... c'est...

Elle me coupe.

- Oui, c'est chez toi, je sais. 

Elle passe la paume de sa main sur ma joue et la descend jusqu'à mon menton. La tête penchée sur le côté, elle regarde ma bouche, puis plonge son regard dans le mien. 

- Je t'avais dit que ta famille me manquait. 

Elle ramasse son sac laissé à ses pieds. 

- Ce sera un vrai plaisir de cohabiter avec toi, mon chou. Maintenant tu m'excuseras, mon taxi m'attend. 

Et elle me laisse planté là, bouche bée. Je suis incapable de la rappeler, mes jambes ne veulent pas courir pour la rattrapper.

Bravo, Aidan, te voilà à nouveau dans le pétrin. 


Reine du BalWhere stories live. Discover now