30- Cruelle

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AIDAN 

Mon sang bouille en moi. Je fonce droit vers le séjour, d'où s'élèvent les voix fortes de mon père et d'Estrella, à tour de rôle. Lorsque je pénètre dans la pièce, les poings serrés, mon père a la tête rejetée en arrière, il rit de bon coeur. Estrella semble ravie, le roi est tombé sous son charme. 

Il est temps de mettre fin à ces rigolades. 

Je sens la main d'April prendre la mienne par derrière, mais je la repousse. 

- Estrella, je peux vous parler une seconde? 

Elle se retourne vers moi, toujours légèrement secouée par le rire. 

- Qu'y a-t-il? 

- Je veux dire... vous parler seul à seul. 

- Allons, Aidan, pourquoi ne pas le partager avec nous tous? intervient mon père. 

Je n'ai pas le temps pour ça. Ma mâchoire se serre. 

- J'y tiens, papa. 

- Excusez-moi une seconde, mentionne Estrella en se levant. 

Elle s'approche de moi. Elle ferme la porte du séjour derrière elle, et nous nous isolons dans le hall d'entrée. 

- Comment puis-je t'aider, mon cher Aidan?

Son sourire me donne envie de vômir sur ses manteaux de fourrure. 

- Arrêtez de jouer à votre petit jeu. 

- Je te demande pardon? 

- April. N'allez pas me faire croire que vous l'aimez, puis essayez de la blâmer parce qu'elle ne vous porte pas dans son coeur. 

Son sourire tombe, ses yeux se plissent. Elle hausse les épaules. 

- C'est vrai, je ne l'ai jamais aimée. 

Elle a dit ça avec un tel détachement. 

- Et entre vous et moi, nous savons tous les deux bien précisément pourquoi elle vous déteste. 

Elle croise les bras. 

- Je n'emploierais pas ces mots. Tu ne connais rien à cette famille. Ni à cette ville, d'ailleurs. Tu viens à peine d'arriver. 

Son ton se fait plus dur. Je renchéris: 

- Madame, j'en connais bien plus sur April que vous ne le soupçonneriez. Je sais ce que vous lui avez fait. Je sais tout ce que vous lui faites subir. Je sais comment était son père, sa mère. Je sais comment vos filles la traitent. 

-  Tu ne t'écoutes pas parler! 

- Silence, je n'ai pas fini! Tombée dans les escaliers, c'est vraiment tout ce que vous avez trouvé de mieux pour expliquer ses bleus, ses blessures à son visage? Vous êtes une femme cruelle, Estrella! Absolument CRUELLE! 

Elle regarde autour d'elle, me fait signe de baisser le son. Elle semble à la fois inquiète et enragée. Juste pour faire exprès, je hausse encore plus la voix. 

- C'est April qui a fait ce repas! April qui nettoie tous ces maudits planchers, qui lave tous vos vêtements! Toute cette maison ne repose que sur ses épaules si frêles! Vos filles la maltraitent, vous abusez toutes les trois d'elle! Comment pouvez-vous continuer à vivre, oser inviter la famille royale et vous vanter d'avoir tout préparé en ayant tout ça sur la conscience?! 

Je me retiens très fort pour ne pas hurler. Je suis dans un état de rage comme jamais je n'ai été auparavant. 

- April mérite bien mieux que ça! Je n'irai jamais au bal avec vos filles, madame Curtis. Je vous déteste, je déteste vos deux hypocrites et je déteste cette putain de maison! 

Elle ne dit rien. Elle ne se contente que de hausser un sourcil. Elle ose même se coller un sourire aux lèvres, cette pauvre mégère! 

- Dis moi, Aidan... 

Elle pose sa main manucurée sur mon épaule. Je la repousse aussitôt.

- Ne vous permettez pas de me toucher! 

- Pourquoi tiens-tu autant à April? 

- Cela ne vous concerne aucunement. 

- Ah mais si. April est sous ma garde. Si je veux mettre fin à votre relation, je le ferai. Tu iras au bal avec mes filles, un point c'est tout. J'ai conclus un accord avec ton père. 

- Mon père ne tombera jamais dans le panneau! Aucun membre de ma famille ne voudra plus jamais vous revoir! 

- Vraiment? 

Estrella m'apparaît... amusée. Cela ne fait que m'irriter encore davantage. 

- Et comment penses-tu que ton père trouvera son prince, son fils héritier, son seul et unique garçon, lorsqu'il saura comment tu as osé me parler et me manquer de respect? 

- Il ne le saura jamais. 

- Tu en es sûr?

Elle fait un pas vers moi, me fixe de son regard le plus atroce, plonge la main dans la poche de son veston et en sort son téléphone portable. 

- C'est fou comme la technologie nous est utile de nos jours. Tu sais, ces petites bêtes sont capables de merveilles. 

Elle tapote l'écran de ses faux ongles. Éteint le dictaphone.Cette espèce de....! 

- Oh, mais tu dois déjà le savoir, à voir le nombre de fois où tu as essayé de contacter April. Dommage pour vous deux, je suis sûre que vous alliez siiii bien ensemble. J'espère que tu lui as au moins fait tes adieux, car tu ne la reverras plus jamais. 

Elle fouille dans la poche de l'un de ses manteaux et en sort un autre cellulaire. Celui d'April. 

Elle l'ouvre, balaie l'écran de gauche à droite. 

- Voyons voir ce qu'on a là.... « April? Réponds moi. Je suis inquiet pour toi. C'est Estrella encore, pas vrai? Tiens bon, je vais lui faire face, je vais te sortir de tout ça. Je te le promets. Je t'aime. » Comme c'est adorable. 

Mon coeur se serre. C'est l'un des nombreux messages que je lui ai envoyés vendredi soir. 

- Eh bien, il me semble que tu n'auras pas pu tenir tes promesses bien longtemps. 

- Vous.... vous.... 

Ma respiration s'accélère. 

- Tu as perdu tes mots, mon chou? C'est amusant, il n'y a de cela même pas cinq minutes, tu me traitais de tous les noms presque à tue-tête. Je commençais à bien me marrer. Désormais, je pense que cela ne sera plus bien utile pour personne, ne crois-tu pas? 

Elle laisse violemment tomber le téléphone sur le sol, puis l'achève de la pointe de son talon-aiguille. 

- Oups. 

Sa main se porte à ses lèvres. Elle fait la moue. 

- Oh, comme c'est triste, April devra ramasser un autre dégât, encore

Elle sourit, se râcle la gorge et appelle:

- APRIL!

Cette dernière apparaît à peine quelques secondes plus tard. Elle a l'air effrayée. À la vue de son téléphone, les larmes lui montent aux yeux. Elle se tourne vers moi. 

Je déglutis. Son allure vient me chercher droit au coeur. Ça ne peut plus continuer. Il n'est pas question qu'elle se penche pour ramasser une miette de ce dégât.

Je suis à bout de souffle. Je perds tout mon sens de la raison. Je n'ai jamais frappé une femme. Ni même personne. Et je ne comptais jamais le faire. Mais Estrella vient de briser cette règle morale que je m'étais fixée. 

Ma main s'élance avant que je ne puisse m'en rendre compte. Elle heurte sa joue. Fort. La marâtre s'écroule sur le sol, abasourdie. Lorsqu'elle relève ses yeux vers moi, mon corps tremble de tout son long. Jamais personne n'a posé sur moi un regard aussi pétrifiant. 




Reine du BalWhere stories live. Discover now