-III- He hurts you and you worship him

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« Je ne suis pas là pour vous blesser. »

Le type s'assit, jambes croisées, face à moi. Après tout, qu'avais-je à perdre ?Il semblait ne pas m'en vouloir pour avoir tenté de lui balancer un pot dans la gueule, donc bon, tant qu'à faire... Je l'imitai, un peu plus avachie. Je sortis une autre cigarette, prête à l'allumer.

« Vous n'avez même pas envie de fumer.
-Non.
- Pourquoi vous infligez-vous cela ?
- Vous posez beaucoup trop de questions pour quelqu'un qui s'est introduit chez moi.
- Ma présence vous dérange-t-elle vraiment ?
- ...J'en sais foutrement rien. Je m'en bat les couilles. »

Crevée, je me laissai tomber sur le parquet, les bras croisés sur mes genoux. J'avais la clope dans la bouche, éteinte, juste à la mâchouiller. Je lui fis signe des doigts.

« V'nez vous asseoir à côté.
- Sur le sol ?
- Ouais. Vous touchez pas au lit. »

A ma grande surprise, il s'exécuta. J'avais l'impression qu'il dégageait une odeur étrange, pas forcément désagréable, plutôt comme un vieux souvenir que j'aurais oublié.

« Je sais pas si j'hallucine ou quoi que ce soit. Mais j'aimerais savoir pourquoi vous êtes là.
-Halluciner ? On n'hallucine pas à sa première clope, demoiselle. Vous savez pourquoi je suis là. Vous savez qui je suis. Je sais ce que vous faites ici. Je sais ce qu'il s'est passé. »

J'ai fermé les yeux un moment, totalement crevée. Je comprenais pas vraiment ce qu'il me sortait, qu'est-ce que c'était que ce type ? Comment pouvait-il être au courant de quoi que ce soit sans que je ne le connaisse ? Milo ne devait pas le connaître, sûrement... Je savais pas, au final. Peut-être qu'il m'avait caché ça aussi. Je n'étais pas en colère, non.J'étais remplie de tristesse en repensant à lui, mais je n'arrivais même pas à pleurer.

« Je suis là pour vous aider, si vous souhaitez partir... »

Partir ? Quel mot radical, j'avais encore des choses à faire ici. La boutique de fleurs à tenir, quelques potes qui tenaient à moi et qui attendaient de mes nouvelles, mes parents qui voulaient que je les appelle le lendemain, non, j'avais encore plein de choses à faire. 

Il posa sa main sur mon bras, sa main était glacée et me fit frissonner rien qu'à son contact. Quand Milo me touchait, ça me faisait ça aussi, mais il réussissait à rajouter des petites fées sous ma peau, pile entre mes veines et mes os, juste en effleurant le bout de ses ongles sur mes petits poils.




On n'a jamais eu d'animaux. Les plantes nous suffisaient. Il aimait bien les colorées, ou celles avec une forme bizarre, comme les orchidées.Il les comparait tout le temps à des oiseaux. Pendant un moment, on en avait beaucoup dans la chambre et il passait plusieurs minutes à les fixer, accroupi devant elles, à me répéter la même chose.

« Un jour, j'deviendrais un putain de scientifique. Ou chirurgien, je sais pas, mais tu seras mon cobaye, j'te planterais des ailes dans le dos.
- Pour quoi faire ?
-Comme ça tu ressembleras à ce qu'il y a là-dedans . »

Il posait son index sur mon front, ça me faisait tellement sourire. Le pire, c'est que j'y croyais à chaque fois, même à l'histoire du manoir qu'on partagerai ensemble, de toutes les fringues de riche qu'il m'achèterai, de la bague Vivienne Westwood de mes rêves pour me demander en fiançailles... Elle était toujours bien encrée sur mon annulaire, d'ailleurs, même pendant qu'on était dans la baignoire.




La sensation a changé d'un seul coup, ça ne me plaisait plus. C'était pointu et froid. Tout redevint net d'un seul coup, la main de la créature s'était transformée en une patte d'oiseau griffue, arme fatale qu'il pointa pile sur mon visage. Ma respiration devint plus rapide, mon cœur s'emballait, mais à peine avais-je eu le temps d'ouvrir la bouche qu'il posa la sienne dessus, m'empêchant de pousser un cri. Sa griffe glissa sur ma joue, je sentais comme des petits crocs qui pinçaient l'intérieur de mes lèvres. Cessant son baiser, son souffle glacé faisant frémir ma bouche, il plongea ses griffes dans ma gorge d'un coup sec. Et merde. J'avais peur, putain de peur, j'avais du sang qui montait jusque dans mes narines, j'avais mal, tellement mal. J'allais déjà crever ? Ses yeux étaient rouges, si rouges, si brillants...

How to Fly in a White Sky (vers.1)Where stories live. Discover now