-XI- There is a comet in the middle of the pond

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La fenêtre était restée entrouverte durant toute la nuit, pas trop pour pas que je chope la crève, mais assez pour que Jude puisse la pousser, au cas où, si ce fils de pute avait envie de revenir.Incidemment, y'avait que les plantes. En allant me laver rapidement,prendre mon déjeuner et me brosser les dents, je matais un peu dans toutes les pièces pour voir si y'avait pas une ou deux plumes de cul qui traînaient. Rien. Il n'y avait que le silence, moi et l'odeur du thé qui faisions un étrange plan à trois un peu chiant dans un lit qui grinçait avec des voisins qui frappaient au mur parce-qu'ils étaient quand même un peu jaloux que je jouisse aussi bien. Enfin bref, fallait que je prenne cette situation sur moi, comme d'habitude.

J'ouvris la boutique, p'tet qu'il était sur le pas de la porte emmitouflé dans ses plumes parce-qu'il avait été trop con pour penser à la fenêtre. J'ai juste eu la grâce d'un vent glacial qui se blottit bien contre mes nichons et la vue de nuages aussi sombres que mes poils de cul. Jésus allait nous pisser sur la gueule encore aujourd'hui, quelle joie. Rien à foutre, je comptais pas sortir de chez moi.

Molly m'envoya assez tôt un message pour me soutenir pendant cette journée de merde, me rappelant qu'on se verrait le lendemain. C'est vrai, fallait que je garde ça en tête,j'allais pouvoir respirer un peu et ne plus être dans cette foutue boutique qui me rappelait tous les moments qu'on avait vécu. Fallait que j'oublie. Plus de Milo, plus de Jude, juste ma bonne pote, Molly, à qui je devais pas miner le moral. Je la remerciai vite fait, lui souhaitant bonne chance pour ses cours avant d'accueillir ma première grand-mère de la journée. Puis des adultes, des ados, de tout, la routine quoi. Au moins, j'avais des clients.

Aucun excentrique avec une veste à plumes, ni de cheveux noirs tombant éternellement sur le corps de quelqu'un. Encore moins de peau aussi pâle que la porcelaine, ni de rubis luisant entre les pétales de fleurs. Juste des gens normaux, des Jeannine, des Bernadette, des Victor et des Antoine. Pas de Jude.

Deux meufs étaient passées en fin de matinée, assez pressées, sûrement parce-qu'elles étaient venues pendant leur pause entre deux cours. Erreur de débutant. Elles zieutaient toutes les fleurs, fouillaient dans leur poches et comptaient leurs pièces. L'une était beaucoup plus affolée quel'autre et j'ai pas pu m'empêcher d'espionner leur conversation.Visiblement, c'était pour faire sa déclaration à son meilleur pote en lui glissant dans son sac avec une carte. Fallait avouer que c'était bien niais mais quand même mignon. En sortant de derrière le comptoir, elles zieutèrent un instant mon pantalon à chaînes et mes chaussures bien compensées à ressorts que j'avais chipée à Milo avant de me demander conseil. Cherchant un peu dans mes compositions, je sorti un bouquet assez sobre, composé de roses blanches avec un cœur d'une couleur rose assez légère. Vu ses yeux pleins de feux d'artifices, j'avais visé juste.


« C'est pile ce qu'il me fallait ! Il est à combien, mada...Mademoiselle ?
- 20 euros. »


Je les vis se regarder, aussi peinées que deux chiots à qui on venait de retirer leur gamelle.


« Mais si vous avez deux ou trois clopes, je vous le fait à 15.
- ...Vous êtes sérieuse ?
- Ouais. J'ai la flemme d'y aller. Alors ?
- Ça vous va des Seven Stars ?
- Pile ce qu'il faut. »


C'était pas très professionnel, fallait l'avouer. Mais bon, j'aimais pas être une pute et j'avais envie de rejouer à être lui. Elles ont pas cessé de me remercier jusqu'à ce qu'elles m'aient filé toutes leurs économies et quitté ma boutique. Après tout, c'était pas grand chose de supprimer le prix d'un sandwich pour donner un peu de sourires, surtout si je comptais pas m'attarder ici.
Les aiguilles tournaient. Midi passait, j'avais pas faim, juste soif.Pendant un moment où il y avait pas beaucoup de clients, je me préparai un thé rouge, enveloppant la pièce d'une douce odeur de sucre qui me rappelait les feuilles mortes dans lesquelles on marchait en automne, main dans la main, une veste en cuir sur nos dos.

How to Fly in a White Sky (vers.1)Where stories live. Discover now