-VII- Don't go, please.

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Notre couple n'était pas le plus parfait de tous. Nous semblions être faits l'un pour l'autre, mais, comme tout le monde, nous nous disputions. Pas trop souvent, mais assez violemment quand même.Après de simples disputes verbales, nous nous réconcilions assez rapidement, même si c'était un assez mauvais moment à passer. Je me souviendrais toujours du moment où je ne comprenais même plus Milo.

Nous sortions ensemble depuis environ sept mois. Tout se passait bien, la boutique marchait, il avait trouvé un boulot où il se plaisait, on menait nos vies chacun de nos côtés avant de se retrouver à l'étage pour nous aimer. Nous sortions beaucoup le soir et la nuit, rarement durant nos jours de congés. On était déjà partis en vacances pendant une semaine à la mer, nous étions deux cachets d'aspirines en train de faire des châteaux de sable au bord de l'océan. Je me sentais bien, je pensais qu'il était un véritable prince charmant version un peu punk et que jamais rien de mal ne pouvait nous arriver.

La journée à la boutique avait  été particulièrement stressante. J'avais annoncé la veille à Milo que des « amies », ou plutôt des filles qui me parlaient rapidement durant mes études puis ne m'avaient pas donné de nouvelles depuis des mois, voir des années, passaient en ville et voulaient me revoir, intriguées par toutes les photos que j'avais posté de Milo et moi sur les réseaux sociaux. Elles proposaient un bar qu'elles semblaient connaître. Cela supposait qu'elles étaient déjà venues dans cette ville sans me prévenir, trop cool les potes, mais bon. Voir d'autres gens nous ferait du bien. Seulement,il n'avait pas l'air très enjoué par cette idée.

« On dirait pas que ce sont vraiment tes amies vu ce que tu me racontes... T'es sûre que tu veux faire ça ?
- Mais oui, ça nous fera sortir avec des gens qu'on côtoie pas souvent, pour une fois. »

Il est vrai que je n'avais jamais fait une seule sortie avec des amis de Milo et que, à part durant les soirées improvisées que l'on s'amusait à faire avec Cooper, on ne voyait pratiquement personne.De toute façon, on ne resterait pas trop longtemps, on papoterait juste un peu, elles verraient à quel point je suis devenue bien plus sûre de moi que durant ces années scolaires infernales, elles m'envieraient mon petit copain avec qui je vis une période parfaite dans ma vie, puis tout reprendra son cours normal. Il finit par accepter, de toute façon, c'était pas comme si on avait quelque-chose de prévu cette nuit.

Une fois dans le bar, ce fut assez simple de les repérer. Toutes les deux assises à une table,elles parlaient assez fort et s'étaient déjà commandé quelque-chose à boire. On les salua, on commença tous à parler, à se raconter nos vies depuis notre séparation, je me surpris même à rire en leur compagnie, tout se passait bien.
Milo ne parlait pas trop. Il buvait surtout, un verre, puis deux...

« C'est marrant n'empêche, t'as vraiment chopé un copain pas mal sexy. T'as un peu perdu de poids aussi, par contre t'as toujours le même énorme cul.
- Ahahah ! Ça me rappelle l'école tout ça, pas toi Aiden ?
- Ahah, oui, mon gros cul... Oui... »

Elles riaient aux éclats, à vrai dire, je les comprenais. La première insulte qui me fut attribuée fut « gros cul », à cause de l'embonpoint que je me tapais à l'époque. Au début, je me fichais de mon apparence physique : j'étais encore gamine, un peu garçon manquée,qu'est-ce qu'on en avait à foutre ? Mais lorsque les mots faisaient aussi mal que des rasoirs, j'avais appris à mettre des doigts au fond de ma gorge après chaque repas, pendant la douche, après le petit déjeuner, à ne plus manger les choses que j'aimais... Je pensais être devenue fine pourtant, ça ne devait pas être le cas.

« Votre bouteille, monsieur. »

Milo prit la petite bouteille de Jack Daniels au miel qu'il avait commandée, attendant que le serveur s'éloigne.

« Sinon, et toi Milo, du coup, comment t'as rencontré Aiden, et pourquoi tu sors avec une meuf comme elle ? »

Avant même qu'elle n'eut le temps de finir sa question, Milo se leva, bu le liquide cul sec et lui balança la bouteille qui lui éclata en milles morceaux à la gueule. A ce moment, nous faisions toutes exactement la même tête, à part peut-être mon ancienne amie agonisant avec quelques morceaux de verre plantés dans les joues et sur le front.

« ...Oh putain... »

Les gens commençaient à chercher d'où venait le bruit. Je pris rapidement Milo par le bras, prenant nos affaires et partant le plus rapidement possible du bar, allant nous cacher dans une petite ruelle entre les bâtiments.

« Bordel, Milo ! ...Bordel ! Milo ! »

Je ne savais plus quoi dire. J'avais un mec sur les bras à moitié bourré qui venait de défigurer une de mes potes... Enfin, plutôt connaissances. Chancelant, il semblait vouloir y retourner, je l'agrippai par le bras pour l'en empêcher.

« Arrête Milo ! Faut qu'on rentre !
-Elle a pas le droit de t'insulter cette salope ! Pourquoi tu veux être pote avec des personnes comme ça, Aiden ? T'es conne, conne !
- Oui, je suis conne, possible, c'était pas la peine de tenter de l'assassiner dans un lieu public !
-J'en ai strictement rien à foutre ! Elle apprendra à fermer sa gueule, t'as pas intérêt à ressortir avec des personnes comme ça, sinon... Sinon... »

Il me plaqua contre le mur de toutes ses forces. Ses mains agrippèrent mon cou, commençant à serrer mes cordes vocales, me soulevant du sol. Est-ce que je m'envolais ? Non, je m'étouffais, lentement, tentant de me tenir aux poignets de Milo. Je n'avais quasiment aucune force d'ordinaire, alors pour lui tenir tête... Aucun espoir. J'aurais pu tenter de lui donner un coup bien placé dans les couilles, j'étais à la bonne distance d'ailleurs, mais j'avais pas envie de lui faire du mal. Je l'aimais. Je le fixai, suffoquant doucement, sentant des larmes perler aux coins de mes yeux.

« ...Bordel...Qu'est-ce que je fous ? »

Il me lâcha d'un coup, ses mains posées sur mes épaules.

« Je t'aime Aiden, j'veux pas te buter... Je t'aime... »

Il me serra contre lui, enfouissant son visage dans le creux de mon cou. Je sentais de petites gouttes mouiller lentement mes omoplates. Je posai mes mains dans son dos, sentant un énorme frisson parcourir tout son corps. Qu'est-ce que je devais faire... Partir et le laisser là ?Non, il avait trop bu, il était énervé, je pouvais lui pardonner. Oui, je pouvais...

« Tu m'aimes encore, hein, Aiden ?
- Oui.
- J'ai peur, il fait super noir ici.
- On va rentrer à la maison et aller dormir.
- C'est vrai ? Promis ?
- Promis. »

Il s'est tenu à moi pendant tout le chemin, ayant cessé de pleurer au bout de quelques minutes. Nous n'avions pas échangé un seul mot de plus. Il avait le regard enfoncé dans le bitume. Moi, j'avais le nez en l'air, entrain de regarder les étoiles. Tout sera effacé lorsque nous rentrerions à la maison. On n'y pensera plus, on se serrera l'un contre l'autre dans le lit, tout se passera bien.

Une fois dans notre chambre, il s'allongea d'un côté du lit après s'être mis entièrement nu. Je le rejoignis, essayant de me blottir contre lui. Il me repoussa sans que je ne puisse le toucher, me forçant à rester d'un côté du lit. Il se tourna, allongé, recroquevillé sur lui-même. Je ne pouvais voir que son dos.

« ...Milo ?
- Me parles pas. J'veux dormir.
- T'es sûr ?
- Tais-toi, s'il te plaît, tais-toi. »

Je n'insistai pas plus, me couchant de l'autre côté du lit, lui faisant dos. Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu une vue sur mes fleurs pour m'endormir, elles qui m'avaient tenu compagnie pendant une grande partie de ma vie. Pourtant, cette nuit-là j'avais remarqué qu'elles étaient terriblement silencieuses et inertes. D'habitude,j'entendais la voix de Milo jusqu'à ce que je n'ai plus de forces.

How to Fly in a White Sky (vers.1)Where stories live. Discover now