CHAPITRE 6 : une déclaration touchante et un mot effrayant

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Rémus avait les mains moites. Très moites. Il faisait chaud dans cette salle d'attente, bon sang ! Pour s'occuper, il avait emmené ses fiches d'histoire, mais, l'esprit ailleurs, il s'aperçut soudain qu'il relisait la même phrase depuis cinq minutes sans en comprendre un traître mot.

Claudine, le sang, la lame, l'hôpital, sa mère, et le bac, le lendemain. Jamais il n'avait eu à gérer tant de sources d'angoisse à la fois.

« Monsieur, veuillez venir avec moi. »

Rémus leva la tête, et, tentant de canaliser son anxiété croissante, suivit l'infirmière qui venait de l'interpeller à travers les couloirs vides de l'hôpital. Il ne savait absolument pas comment Claudine allait réagir à sa présence. Il lui avait peut-être sauvé la vie, il l'avait aussi vue en état d'extrême faiblesse. La jeune fille allait-elle lui en vouloir ?

Il en allait toujours de même avec le garçon. Il se montait la tête, envisageait toutes les possibilités, même improbables, surtout improbables. Et souvent, la réalité s'avérait parfaitement banale et prévisible.

La porte de la chambre 207 s'ouvrit sans bruit.

Claudine était là, dans le lit. Sa peau sombre détonnait au milieu de la blancheur immaculée de la pièce. Rémus eut un pincement au coeur en la voyant si maigre, si fragile. Pourtant, même dans son état, la jeune fille dégageait toujours une aura de force tranquille et de beauté sauvage. Lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir, elle leva les yeux de son livre et adressa à son visiteur un sourire rayonnant.

« J'ai cru que tu n'allais jamais venir. »

« Moi aussi, j'ai cru. » avoua Rémus.

Le sourire de Claudine s'accentua encore alors que le jeune homme rougissait. L'infirmière les laissa alors, un air amusé plaqué sur le visage. Un silence flotta encore quelques instants entre les deux amis.

« Écoute... », reprit Rémus.

« Non, toi, écoute. »

Claudine lui adressa un clin d'oeil.

« Je vais me lancer dans un grand discours sentimental, alors, ne m'interrompt pas, hein ! »

Elle rit de sa propre plaisanterie, puis prit une profonde inspiration et commença :

« Je voulais te dire merci, Mumus. Merci d'être venu au rond-point ce jour-là, merci de m'avoir demandé ce que je faisais, merci d'avoir répondu à mes textos, et surtout, merci pour hier soir. Tu ne vas peut-être pas me croire, vu ce que je te fais subir, mais je t'apprécie. Vraiment. (elle marqua une pause) En fait, pour être honnête, je crois que tu es mon seul vrai ami ; les autres ne comptent pas. On ne se connaît que depuis quelques semaines, alors c'est vraiment triste dit comme ça, mais je crois que tu es la personne à laquelle je tiens le plus. Et je pense aussi que dans tout mon entourage, tu es le seul à en avoir quelque chose à foutre de moi et de mon bien-être.

Quand je t'ai appelé, tu as débarqué dans les dix minutes. Tu as ton bac demain, il était quasiment minuit, et tu es arrivé, en pyjama, tu as pris les choses en mains, tu as appelé l'ambulance. Et grâce à toi, je suis toujours là.

Du coup, merci. Merci encore, merci pour tout. Et désolée, aussi. Désolée pour hier soir, désolée pour ce matin, désolée de t'infliger ça à quelques heures du bac. Mais, et c'est sûrement très égoïste, je suis heureuse que tu sois là. Heureuse que tu sois mon ami. »

Après sa tirade, Claudine se tut. Rémus, lui, commença à paniquer. Il se sentait incroyablement touché par ce que la jeune fille lui avait avoué, mais il ne savait pas quoi répondre, et surtout, il avait peur de ne pas être à la hauteur de l'amitié qu'elle lui offrait. Peur de ne pas pouvoir lui rendre.

le funambuleWhere stories live. Discover now