CHAPITRE 10 : une prise en main et un anniversaire

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Rémus cocha la dernière case de la dernière question et sentit un profond sentiment de satisfaction l'envahir. Il avait enfin fini le test de QI que son psychologue lui avait envoyé la veille. Il reboucha son stylo, s'étira et regarda l'heure d'un œil distrait : bientôt deux heures du matin. Il ne se sentait pas fatigué ; son rythme scolaire avait complètement disparu après le bac et ses journées étaient décousues au possible.

Depuis deux heures, il recevait des notifications de ses rares réseaux sociaux, il alla donc voir et finit par comprendre qu'une soirée avait lieu chez Antonio. « La soirée du siècle !!!!!!!!! » disait la légende de la photo qu'il regardait, suivie de douze smileys qui pleuraient de rire et de huit smileys avec des confettis. Rémus se sentit affreusement trahi.

Rémus avait rencontré Antonio à l'âge de onze ans, ou plutôt, Antonio avait foncé sur Rémus en skate dans la rue à l'âge de onze ans, puis ils avaient sympathisé et découvert qu'ils allaient dans le même collège. Rémus était alors un garçon timide et bégayant, qui avait de très bonnes notes mais aucun ami, ce qui lui allait fort bien. Il passait ses journées devant un jeu vidéo ou un livre, et ses contacts humains quotidiens se résumaient à parler à la cantinière ou à son maître de CM2. Antonio, lui, venait d'emménager dans cette petite ville balieusarde après avoir passé son enfance en Italie. Il parlait très mal français, mais entre les deux garçons s'était très vite nouée une amitié fusionnelle, forgée de langage des signes et d'un étrange mélange de français et d'italien, car Rémus avait vite acquis les bases de la langue en la compagnie d'Antonio. Ce dernier était devenu bilingue au fur et à mesure des années, mais au collège et au lycée le duo était resté inséparable. Les garçons étaient connus en tant que les « deux petits intellos », ou encore « les geeks ». Personne n'avait jamais songé à chercher plus loin et Rémantonius, comme on les appelait, était resté isolé et heureux pendant un bout de temps.

Puis en terminale, cette amitié s'était peu à peu effriochée. Antonio voulait aller voir ailleurs, étirer ses horizons, bref sortir de cette relation fusionnelle et exclusive à laquelle Rémus, au contraire, tenait tant, pour se faire d'autres amis. De ses propres mots : « mec, je suis un ado, je peux pas rester collé avec toi toute ma vie à regarder Dirty Dancing, je dois vivre ma vie, me faire des potes, aller en soirée et me bourrer la gueule comme tout le monde ! j'en peux plus de rester en marge moi. »

Les deux amis s'étaient alors éloignés, et Antonio était allé se bourrer la gueule tandis que Rémus continuait à regarder ses comédies musicales en mangeant des gâteaux.

Cependant, aujourd'hui, c'était la première fois qu'Antonio ne prenait même pas la peine d'inviter son meilleur ami. Mais, se demanda Rémus, suis-je toujours son meilleur ami ? Cette pensée le perturba et il continua en son for intérieur :

On ne s'est pas vus depuis la fin du bac, et ça fait trois mois qu'on ne s'est pas envoyé le moindre sms ou qu'on n'a pas cherché à se rencontrer en dehors du lycée. Il ne parle plus qu'avec les « populaires » et écourte systématiquement nos conversations.

Il ne me manque pas. Est-il, lui aussi, mon meilleur ami ?

Non, finit-il par décréter, non. Nos vies ont pris des directions trop différentes. Antonio n'est plus mon meilleur ami, ma meilleure amie c'est Clau.

Une fois qu'il se le fut avoué, un poids s'ôta de ses épaules. La relecture de leur dernière conversation sms le conforta dans sa décision finale de couper les ponts :

rémus (18:09) : salut ça va ?

antonio (21:01) : slt

antonio (21:01) : envoie ta dissert de philo stp jarrive pas

le funambuleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant