CHAPITRE 8 : une victoire bien terne et une visite inattendue

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Rémus était heureux. En fait, il avait même une boule de joie coincée dans la gorge, les mains frémissantes, et une envie de pleurer en sautant partout.

Et comme il était tout seul dans sa chambre, il mit du Rihanna à fond et se mit à rebondir sur son lit comme un enfant, un sourire béat plaqué aux lèvres.

« C'est fini ! » cria-t-il à la cantonnade. « C'est fini, c'est enfin fini, le bac est fini, j'ai fini, je suis LIBRE ! »

Libre, enfin ! c'était terminé, ces épreuves sans fin, ces racines carrées, ces fonctions, cette Chine communiste ! Plus jamais, jamais, jamais, se promit Rémus, plus jamais il ne stresserait autant pour un examen. Plus jamais il ne stresserait autant tout court, décréta-t-il.

Son téléphone sonna et le sourire de Rémus s'agrandit encore, si c'était possible. Il savait qui c'était, et il savait ce qu'on lui envoyait.

clau (18:01) : < pièce jointe >

clau (18:01) : j'ai mangé presque tout mon goûter !

C'était désormais un rituel quotidien : à chaque nouveau repas ingéré sans vomi, la jeune fille lui envoyait une photo de son plateau vide. Ces MMS étaient de petites parcelles de bonheur dans le quotidien morne de Rémus. Claudine progressait de jour en jour, et la guérison, ils le sentaient tous deux, était à portée de main.

mumus (18:02) : bravo !!!!! on peut le faire !!!!

clau (18:03) : oui !! et toi, ton bac ?

mumus (18:04) : enfin terminé, j'en pouvais plus.

Pour célébrer sa victoire, Rémus se prépara sa soirée parfaite : pizza et films. Il se déconnecta de tous ses réseaux, et s'enveloppa dans sa couette. Posé en ermite dans sa chambre, il s'autorisa enfin un moment avec lui-même. Rémus était un introverti dans l'âme et, dans le rush des examens, il avait presque oublié à quel point il aimait être seul et tranquille.

Il était bientôt minuit et le garçon piquait du nez devant Mama Mia, sans pouvoir autant s'empêcher de marmonner les paroles de Dancing Queen, quand un grand bruit retentit au rez-de-chaussé.

« She's the dancing queen, only seventeen... »

Ce vacarme l'interrompit dans son karaoké improvisé et le réveilla en sursaut. Il se demanda, inquiet, ce que cela pouvait être. Il était beaucoup trop tôt pour que ce soit sa mère... Il s'extirpa de son lit avec un grognement et attrapa une paire de ciseaux sur son bureau. Ok, il était peu probable que ce soit un assassin-violeur-kidnappeur-écarteleur comme Rémus le redoutait, mais on n'était jamais trop prudent...

Il descendit les escaliers prudemment et alluma les lumières du salon. Mais, au lieu du psychopate-éventreur qu'il s'attendait à trouver, il ne vit qu'une forme sombre étendue sur la moquette sale.

Le cœur battant, il s'élança vers la silhouette et s'accroupit près d'elle.

C'était sa mère.

Lisa leva vers son fils des yeux embués par l'alcool. Elle puait la vodka et le tabac. Rémus lui saisit le bras et essaya de la relever, mais elle ne put se redresser.

« Maman ? », demanda Rémus, toute joie dissipée. « Maman, tu as quoi ? »

Il n'obtint pas de réponse.

Résigné, le garçon se pencha et passa le bras de sa mère autour de son épaule, avant de contracter ses faibles muscles pour la soulever et la transporter péniblement jusqu'au canapé.

le funambuleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant