CHAPITRE 14 : des parents (encore) et des discours (encore)

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La valise était encore ouverte et répandait ses entrailles – c'est-à-dire les vêtements de Rémus – sur le plancher de la chambre. Le garçon commençait à paniquer. Ils partaient le lendemain et il lui restait encore à finir ses bagages, à couper l'eau et l'électricité, et à aller voir sa mère.

« CLAUUUUUUU ! », hurla-t-il en fouillant parmi ses vêtements.

« JE SUIS À CINQUANTE CENTIMÈTRES PAS BESOIN DE CRIER ! », répondit-elle sur le même ton. En effet, elle était tranquillement assise sur le lit du garçon, très occupée à se lisser une mèche sur deux, pour « tenter une nouvelle expérience capillaire raido-bouclé ». La jeune fille avait fini sa valise depuis trois jours.

« JE CRIE PAS LÀ ! OÙ EST MON DOSSIER D'ADMISSION POUR LA SORBONNE ? SI JE L'AI PERDU JE SUIS DANS LA... »

« Dans ta main. », répondit placidement Claudine.

Effectivement.

« Et, euh, ma carte d'identité ? »

« Dans ton sac à dos. Tu l'as mis dedans y'a une minute et trente-quatre secondes, approximativement. »

« D'accord. Euh... et, du coup, tu sais où es mon... »

« Ton billet de train est par terre. »

Claudine soupira.

« Et voilà, à cause de tes conneries, j'ai raté ma mèche. »


Rémus contemplait les murs de la salle d'attente en se faisant la réflexion que décidément, il passait plus de temps ici que chez lui. Entre Claudine et maintenant, sa mère, il commençait à bien connaître cet hôpital, ses magazines défraichis, ses murs colorés comme dans l'espoir de faire oublier les horreurs qui avaient lieu à l'intérieur. Il s'y sentait presque chez lui. Mais ce fut sans regret que, lorsqu'elle vint le chercher, il quitta la petite salle pour suivre l'infirmière qui l'emmenait jusqu'à sa mère.

La chambre de Lisa était autrement plus spacieuse que l'ancienne de Claudine – privilège dû à l'âge ? Ou à la durée du séjour ? – et disposait d'un écran plat, d'un bureau, et même d'un accès wifi. Lisa, elle, avait l'air différente. Rémus la trouvait changée, sans maquillage ni cigarette à la main. Elle sentait la lessive quand il l'enlaça brièvement, au lieu des habituels relents d'alcool. Un pâle sourire étirait ses lèvres et, si des cernes creusaient ses yeux, elle avait l'air paisible.

« Ça va ? », demanda Rémus timidement, en s'asseyant auprès d'elle.

« Oui. Enfin, je lutte contre le manque, quoi. Mais ça va. Et toi ? », répondit Lisa, affable. « Tu as des projets ? »

« Oui, je... je déménage à Paris avec une amie, maman. Je vais à la Sorbonne. »

« Wouah, la chance ! », s'exclama la jeune femme.

Il y eut un silence. Rémus évitait le regard de sa mère.

« Rémus. Écoute. »

Il se tourna vers elle. Elle souriait.

« Je te dois des excuses. »

Le garçon cligna des yeux. Lisa prit une inspiration, puis poursuivit :

« Je vais te raconter une histoire, elle est longue, pardon. C'est une ado qui a quinze ans, elle s'appelle, disons, Lila. Au lycée, elle est pas super populaire, mais elle a quelques amies. Elle est forte en classe, ses profs l'adorent. Son grand rêve, c'est de devenir avocate. Mais pas une petite avocate, non, une avocate célèbre, le genre qui défend l'indéfendable. Elle fait tout pour arriver à son rêve, elle bosse, elle bosse tout le temps. Elle n'est qu'en début de seconde, mais elle se prépare déjà à la fac de droit. Elle n'a pas le temps pour les garçons. C'est à peine si elle sort avec ses amies.

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