CHAPITRE 9 : un psychologue et des esquisses de beaux projets

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En ce deux juillet, Rémus avait pris rendez-vous chez le psychologue. Après sa crise de larmes, il avait fait des recherches sur internet, et les nombreux résultats lui avaient glacé le sang. Les mots « angoisse maladive », « anxiété sociale », et « timidité handicapante » revenaient régulièrement et le garçon, à force de se reconnaître dans tous les symptômes évoqués, avait enfin décidé de prendre son cas en main.

Il lui fallait quand même avouer que l'appréhension lui tordait les entrailles alors qu'il entrait dans la salle d'attente.

Il s'assit sur une chaise et se mit à tordre ses mains, de plus en plus nerveux. La pièce sentait l'encens, et en face de lui était accroché au mur un tableau de Michel-Ange. Le nom lui échappait, mais la vue de cette peinture l'apaisa. Un peu. Son regard se perdit un moment dans la contemplation des chérubins représentés, et il sursauta à moitié lorsqu'un grand homme passa la tête dans l'entrebaillement de la porte et appela son nom.

« Ou-oui, c'est moi ! », bredouilla Rémus, qui tenta nerveusement de remettre ses lunettes en place.

Le psychologue eut un sourire qui plut immédiatemment au jeune homme. C'était un sourire qu'on sentait sincère, qui remontait jusque dans les yeux et qui allumait une lumière chaleureuse au creux de la pupille. Il avait de petites lunettes rectangulaires, une calvitie prononcée, un visage rond, des pommettes saillantes et de grandes mains calleuses, qui enveloppèrent les poignets de Rémus d'une douce chaleur lorsqu'il lui serra la main.

« Je suis monsieur Cuny, enchanté de te rencontrer ! Tu peux m'appeler Christophe. », se présenta l'homme. Il avait une voix grave et chaude, aussi franche que son sourire.

« Très heureux de te voir, Christophe ! », répliqua Rémus avec une spontanéité qui le surprit lui-même. Le tutoiement s'était imposé tout seul.

Sur un signe de Christophe, qui ne cessait de sourire comme si tout l'enchantait, Rémus entra dans le cabinet, qui ne ressemblait pas du tout à ce qu'il imaginait. Près de la porte se trouvait une table minuscule et une chaise à la même échelle, avec une immense maison de poupées, des legos, des feuilles vierges et des feutres de toutes les couleurs. Au lieu du traditionnel divan sur lequel il s'imaginait devoir s'allonger, il y avait un petit bureau en désordre, et deux fauteuils à l'air moelleux dans un coin de la pièce.

« À la base, je suis un psy pour enfants, s'expliqua Christophe, mais je fais aussi les adolescents depuis peu. Tu peux t'installer dans le fauteuil, vas-y ! »

Rémus, un peu timide, obéit. Le psychologue alla chercher sur son bureau un carnet de notes et un stylo, puis pris place en face de Rémus.

« Alors, Rémus. Je sais que c'est toi qui a pris rendez-vous, c'est rare, d'habitude ce sont les parents qui insistent. Je peux savoir pourquoi tu as décidé, tout seul, de venir me voir ? »

Le garçon se mordilla la lèvre un instant. Puis il se lança.

« Depuis quelques temps, ma vie est devenue bizarre. Je suis devenu bizarre. Avant, je me comprenait, j'étais bien avec moi-même. Enfin, j'ai toujours été un garçon stressé, mais j'arrivais à gérer, à peu près. Maintenant je fais des crises de panique, je pleure presque tous les jours, j'angoisse pour le moindre petit changement jusqu'à en faire des nuits blanches. Et je comprends pas pourquoi. Et j'aimerai bien comprendre. C'est pour ça que je suis là. »

Christophe le dévisagea quelques secondes, puis écrit quelques mots sur son carnet.

« Dis-moi, Rémus. Est-ce que tu as de bons rapports aux personnes de ton âge ? Rappelle-toi, je ne suis pas ici pour te juger mais pour t'aider. »

le funambuleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant