9 : LE SIX ET LE DEUX

2.6K 505 121
                                    



9 : LE SIX ET LE DEUX

Il est descendu tout seul, gilet refermé. On aurait dit quelqu'un d'autre de loin. N'importe qui, sauf Ewel.

- T'es descendu, remarqué-je en comprenant subitement la bêtise d'avoir voulu revenir sur un coup de tête.

Ewel décoche un sourire.

- Et toi, t'es revenu.

J'ai foutu mes mains dans mes poches et étrangement, la lumière du lampadaire public m'a rassuré. La situation est trop impensable pour être décrite. Presque irréelle.

- Magalie m'a dit que tu n'aimais pas vraiment les filles, débuté-je simplement.

Il a haussé les épaules.

- Elle ne m'a jamais dit que t'étais intéressé par les garçons. Elle est pas équitable niveau source d'infos cette nana, rouspète-t-il en rigolant.

Bizarrement, je n'ai pas réussi à rire de mon côté, trop crispé, trop stressé par l'idée que j'ai pu avoir eu l'envie d'être là, de le voir en dehors. Ça n'a plus rien à voir avec la discussion de la boulangerie de cet après-midi. Une nouvelle tension vague s'est ajoutée et, naturellement, ça me fait flipper.

- Je suis pas sûr d'être intéressé par les garçons, avoué-je honnêtement.

Son sourire s'est fané et j'ai tout de suite compris mon erreur. Il l'a pris trop personnellement.

- Oh... lâche-t-il en grimaçant. J'ai cru...

Il a reculé d'un pas, comme prêt à fuir la situation autant que moi. Ça n'a pas été une bonne idée du tout. Et puis, Ewel Cohen se comporte bizarrement. Je ne l'ai jamais vu gêné de ma vie.

- Attends... ordonné-je en avalant ma salive.

Là, j'ai senti que quelque chose clochait très fortement en moi.

Non pas le discours niais du cœur qui bat la chamade ou le ventre rompu de papillons. Juste un néant nouveau. Je n'ai jamais senti à ce point un gouffre en moi. Comme si, même mon cœur ne battait plus, même mon être s'était volatilisé dans la nuit. C'est la néantisation d'Ewel Febre. Tout ça parce que j'ai compris qu'Ewel Cohen pouvait me plaire plus que bien, une seconde trop tard.

C'est vrai que c'est un garçon.


Et qu'on m'a appris que c'était plus simple d'apprécier une fille dans notre société compliquée.

Mais ça restait Ewel Cohen. Juste lui.

- Je te dois un 2, rappelé-je en bredouillant.

Sa mine confuse s'est transformée en une mémorable mine surprise. Il a bredouillé des mots incompréhensibles et je me suis demandé si c'était normal qu'il soit aussi déstabilisé que moi. C'est même moi qui ai fait le premier pas.

- Oh... murmure-t-il en s'approchant.

Et puis, après, y a eu le baiser.

Je l'ai rompu tout de suite, juste à la suite du contact avec ses lèvres, comme traversé d'une pensée foudroyante.

- Je sais pas comment on fait, avoué-je soudain, me rendant compte de mon manque d'expérience.

Ewel a ri puis a reposé ses lèvres sur les miennes, dans un sourire. Le baiser a eu l'impact d'un éclair dans le brouillard de ma personne, en chamboulant tout mon être. J'ai passé une main dans ses cheveux, comme dans les films, et j'ai arrêté de respirer.

DEUX EWEL POUR LE PRIX D'UNWhere stories live. Discover now