11 : À 9 HEURES 30

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11 : À 9 HEURES 30

June est partie de la maison à huit heures. Mes parents m'ont laissé un petit post-it sur le frigo pour me rappeler qu'il reste des pâtes dans le frigo pour midi. Me voici donc seul, depuis trente minutes, à attendre l'arrivée de mes pains au chocolat et un blond.

Judith n'a aucune idée de ce qui se trame dans ma vie. Peut-être parce que je n'en ai aucune aussi. Magalie, par contre, aime bien me bombarder de messages tout en me tendant des perches pour que j'accouche en mots ce que je pense de son meilleur ami. Mais je n'ai aucune idée de ce que j'en pense, concrètement.

À trente pile, j'ai entendu mon interphone sonner. Sa ponctualité est gratifiante. Lorsqu'il a toqué à ma porte, j'ai réfléchi deux secondes avant d'ouvrir. Ce n'est qu'un livreur de pains au chocolat, rien d'autre, après tout.

- Devine qui a ramené des pains au chocolat ! s'écrie-t-il d'une voix claire et enthousiaste.

Je ne peux que sourire face à son visage tout juste réveillé et son sourire débordant. En temps normal, les sourires d'Ewel Cohen ne m'ont jamais vraiment fait sourire. Sauf, ces temps-ci, quand ces sourires sont spécialement pour moi ou issus de ce que j'ai pu dire.

- J'ai préparé deux cafés allongés, je préviens en lui montrant la table de la salle à manger.

Il a encore souri, content et a posé ses affaires dans un coin du salon.

- Putain, t'as vraiment une belle baraque, dommage que tu fasses pas de soirée pour me laisser en profiter, remarque-t-il en s'installant sur une des chaises.

Je hausse les épaules.

- Je fais des soirées-films, rien de plus. Le reste, ça ne m'intéresse pas.

Ewel a trempé un pain au chocolat dans le café. La gêne que j'aurais cru devoir endurer n'existe pas. En appel, elle me hante, en vrai, elle se volatilise aussi rapidement que ma boule au ventre. Il rend à l'aise chez n'importe qui, alors oui, je me sens à l'aise aussi.

- Je préfère les séries, lance-t-il en regardant l'écran plat du salon.

Les séries sont trop longues et la plupart du temps, je n'arrive jamais à dépasser un épisode si on ne me force pas. Dans un film, tout est plus concis. On arrive à bout de l'intrigue rapidement, pas besoin de 20000 saisons pour expliquer que Meredith et Derek dans Grey's Anatomy doivent terminer ensemble.

- C'est trop long les séries... je me plains en attrapant mon pain au chocolat.

Il soupire.

- Ça c'est quelqu'un qui n'a pas encore trouvé la série de sa vie.

Je marmonne :

- J'ai regardé dix saisons de Grey's Anatomy avec Judith !

- Oui mais y en a plus et t'es même pas au courant que Derek meurt, lâche-t-il d'un ton plus pédant.

- Quoi ?

- Oups...

Je suis outré. Comment ça Derek meurt ? Qui tuerait l'un des protagonistes de sa série ? Sérieusement ?

- Non mais je déconne, il meurt pas, je dis toujours aux gens qu'à la fin les gens meurent, tente-t-il de se rattraper en baissant les yeux.

Je finis ma tasse de café d'une traite et regarde l'heure. 9 heures 45. Pourquoi est-ce que cette discussion qui a duré deux minutes dans ma tête a pris quinze minutes de mon temps ?

DEUX EWEL POUR LE PRIX D'UNOù les histoires vivent. Découvrez maintenant