La femme battue

Nouveau Reflet

6 mois plus tard

Jessica a intégré un groupe de paroles pour femmes battues. On lui a appris qu'elle n'était pas coupable. Qu'elle n'y était pour rien. On lui a dit des mots qu'on ne lui avait jamais dit. Des mots de justice et de sécurité. Des mots d'estime et de protection. Des explications. On lui a parlé. Parlé. Sans peur,sans coups, sans risque. S'exprimer sans culpabilisé, représailles,ou punitions. Vivre. Être libérée. Prononcer :

« J'ai été battu pendant 5 ans par mon exconjoint, et... je ne suis pas coupable. »

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Ce matin la jeune femme finit de mettre son rouge à lèvre devant le miroir de la salle de bain. Elle recule soudain stupéfaite par ce qu'elle constate dans son reflet. Son cœurs'emballe. Mathieu la surprend en train de pleurer face au miroir.

« Que ce passe t-il ?

-Non, articule t-elle entre deux sanglots.... je pleure, ... C'est la première fois ... La première fois...

-La première fois que quoi ?

-Je vois mon visage, s'effondre t-elle. Mon vraivisage ! »

Le jeune homme la prend dans ses bras. Comme à chaque épisode de la sorte, il contient sa colère contre l'homme qui a gâché la vie de sa colocataire.

« Non, Mathieu, affirme Jessica en reculant. Non.Ne peste pas contre lui. L'important c'est maintenant. L'important c'est aujourd'hui. J'ai survécu. Je m'en suis sortie ! J'y suis arrivée ! »

Le punk admire la jeune femme. Son courage. Sa résilience. Sa force ! Mathieu tend un mouchoir à la jeune femme.

« T'as plus qu'à te remaquiller maintenant,plaisante t-il.

-Faut que je m'achète des maquillages waterproof, rit Jessica en essuyant ses larmes.

-Encore en train de faire des cochonneries dans la salle de bain ? Affirme Alex avec humour.

-Joins toi à nous, l'invite Jessica.

-La prochaine fois peut-être, j'ai des morts vivants à exterminer là, déclare le joueur en prenant un regard sombre.

-No life ! Lui lance Mathieu.

-Je te renvoie le compliment mec ! »

Jessica fini de se préparer. Seule dans ce lieu d'intimité, elle prend quelques instants pour se découvrir. Alors voilà. Ce corps. Ce visage. Cette identité. Elle se tient droite dans ses chaussures rouge à talon. Ses jambes ne sont plus fléchies dans son jean slim bleu délavé. Ses courbes ont repris leur splendeur. Ses seins écrasés sont rebondis. Son cou ne porte presque plus de marques de strangulation. Les boursouflures ont dégonflés. Les touffes de cheveux arrachées ont repoussé. Les cicatrices ont disparu. Jessica ferme ses yeux. Elle réentend un instant le bruit de ses bottines bleues dans la nuit nantaise lorsqu'elle s'est enfuie. Un vertige la saisi. Elle se regarde de nouveau dans le miroir. Pose ses deux mains sur le rebord du lavabo.Fait un pas en avant. Se regarde dans les yeux. Sourit.

« Bonjour, Jessica. Enchantée, se salut-ellepour seller sa rencontre avec elle même. »

La jeune femme rejoint son compagnon devant l'immeuble,sa valise en main. Elle ne frémit plus lorsqu'il lui saisit la taille. Elle n'a plus peur de la main des hommes. Elle n'a plus peur des coups et des punitions. Elle craint l'injustice et le manque d'aide des témoins silencieux qui se réfugient dans le dénie.Elle craint d'être un de ces spectateurs aveugles et muets. Jessica se retourne pour saluer son sauveur. Son guérisseur. Son frère de cœur. Mathieu ! L'homme guette à la terrasse que l'inconnue,au regard traversé de folie, ne rencontre plus de méchants hommes aux glaives. C'est avec angoisse et soulagement qu'il contemple la silhouette de la courageuse guerrière s'effacer dans la nuit, aussi soudainement qu'elle était entrée dans sa vie. 

Fin