5. Eloignez-vous ! (version éditée)

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Les deux prisonniers restèrent silencieux un long moment ; Alyssandra sentit la fatigue alourdir ses paupières. Elle glissa dans le sommeil, le dos toujours appuyé contre le mur.

Woody, quant à lui, essaya de prendre un peu de repos, mais son cerveau refusait de se mettre en veille. Cette fille était-elle fiable ? Elle avait l'air d'avoir les nerfs solides alors que la majorité des femmes seraient hystériques dans une situation pareille. Elle était même capable de faire de l'humour, plutôt corrosif d'ailleurs ! Mais pouvait-il lui faire confiance ? Son instinct lui soufflait que oui, sa raison lui conseillait de rester sur ses gardes. Rien ne lui garantissait qu'il ne s'agissait pas d'une espionne à la solde des shebabs. Les terroristes pouvaient placer, dans les cellules de leurs otages, des femmes pour qu'elles endorment leur méfiance et leur soutirent des renseignements. Si seulement il y avait un peu de lumière dans ce clapier ! S'il la voyait, il se ferait une idée plus précise de sa personnalité. Si les shebabs utilisaient une femme comme agent de renseignements, ils n'avaient pu la choisir que dans leurs rangs. Autrement dit, si sa codétenue n'était pas une Somalienne, il y avait peu de chance pour qu'elle travaille pour les terroristes.

Résolu à obtenir au moins une réponse à ses questions, le journaliste progressa silencieusement le long du mur et fit presque le tour de la cellule avant d'arriver à proximité de la jeune femme. À sa respiration régulière, il comprit qu'elle était endormie. Tout doucement, il avança une main et rencontra son épaule. Essayant de ne pas la réveiller, il fit remonter ses doigts pour toucher ses cheveux. Lisses et fins. Les mèches attachées sur la nuque étaient douces sous ses doigts. Il ne pouvait pas en évaluer la longueur, mais a priori, ils devaient lui arriver en dessous les épaules. Profitant que la jeune femme dormait toujours, il voulut effleurer son visage pour se faire une idée de ses traits, mais n'en eut pas le temps.

Alyssandra fut tirée de son sommeil par une étrange sensation, celle d'une caresse sur ses cheveux. Le bruit léger d'une respiration toute proche et un frôlement la firent réagir. Son instinct de conservation prit le dessus et elle s'écarta brusquement en propulsant son coude et son avant-bras sur le côté dans un geste de protection. Son coude rencontra quelque chose de dur et elle entendit une expiration brutale suivie d'un grognement :

— Doucement, Jessi ! Ce n'est que moi, Woody !

— Woody ? Mais que... Oh, j'ai dû m'assoupir.

— C'est bien ma veine ! Même en dormant vous avez des réflexes.

Dès qu'elle entendit la voix du reporter, Alyssandra reprit ses esprits.

— Je vous ai fait mal ?

— Ce sera juste un bleu de plus à mettre à votre actif. De toute manière, je ne suis plus à un ou deux hématomes près ! ironisa le jeune homme.

— Vous pouvez me dire ce que vous comptiez faire ?

— Comment ça ?

— Là ! À l'instant ! Qu'étiez-vous en train de faire quand je me suis réveillée ? lança-t-elle, soupçonneuse.

— Euh... rien de particulier.

Sur la défensive, la jeune femme lui rétorqua :

— Ne vous foutez pas de moi Woody ! Vous étiez de l'autre côté de la pièce tout à l'heure et quand je me réveille vous êtes juste à côté de moi en train de faire je ne sais quoi.

— OK, Jessi, on se calme ! Je ne vous veux aucun mal. J'entends vos dents claquer depuis plus de dix minutes. Vous grelottez. J'ai pensé qu'on pourrait se réchauffer en restant côte à côte.

— C'est vrai que la température se rafraîchit, reconnut la jeune femme. La nuit doit commencer à tomber, ou alors la météo est en train de changer.

— Vous savez depuis combien de temps vous êtes là, Jessi ?

— Un peu plus de trois jours, je pense. Si la température descend encore, ça voudra dire que c'est la nuit, ma quatrième ici.

Le journaliste resta muet un long moment avant de demander d'une voix hésitante :

— Jessi ? Est-ce qu'ils vous ont maltraitée ?

— Ça va, je survivrai, répondit Alyssandra sur un ton légèrement moqueur.

— Je suis sérieux, Jessi ! Est-ce qu'ils vous ont fait du mal ?

— J'ai pris quelques coups, mais rien de dramatique.

— Pourquoi vous ont-ils frappée ?

— Ils voulaient des renseignements.

— Que voulaient-ils savoir exactement ?

La jeune femme réfléchit rapidement. Même s'il n'était pas là pour la faire parler, même s'il était réellement prisonnier comme elle, elle ne devait lui donner aucune information susceptible d'intéresser les terroristes. Si les shebabs l'interrogeaient, il pouvait se mettre à table sous la pression. Mieux valait donc rester la plus vague possible et ne donner que des réponses que leurs ravisseurs connaissaient déjà.

Ils voulaient des informations sur la fille Ewing. Comment contacter son père. Ses habitudes, ses relations dans la région, son business. Ce genre de choses.

Et vous leur avez donné les infos ?

Au début, j'ai voulu résister, mais ensuite je leur ai dit ce que je savais.

Ce n'était pas tout à fait vrai. Après avoir pris un certain nombre de coups, elle avait fini par donner des informations que les shebabs avaient vraisemblablement déjà obtenues de la part de Kelsey et de ses copines. Quelques infos sans grande importance pour éviter qu'ils s'acharnent sur elle. Il ne fallait pas qu'ils s'étonnent de sa résistance. Elle avait même pleuré et supplié qu'on la relâche pour endormir leur méfiance. Cela lui avait demandé beaucoup d'efforts de jouer ainsi la comédie, car elle ne pensait en fait qu'à défoncer les têtes de ces pourritures. Si elle avait eu une arme, elle leur aurait réglé leur compte avec joie !

Alyssandra fut tirée de sa réflexion par un effleurement sur ses phalanges. Woody lui prit la main et la serra en demandant d'une voix inquiète :

Et à part les coups ?

Quoi, à part les coups ?

Jessi ? Vous pouvez tout me dire.

La jeune femme comprit ce qu'il lui demandait de manière implicite. Elle allait lui répondre quand des bruits lointains se firent entendre. Alyssandra se mordit la lèvre et murmura :

— Oh non ! Ça va recommencer !

— Qu'est-ce qui va recommencer ?

Comme la jeune femme ne répondait pas, il insista :

— Jessi ? Répondez-moi !

— Taisez-vous ! Ils reviennent !

Alyssandra repoussa la main qui la réconfortait et ordonna durement :

— Éloignez-vous de moi ! Foutez le camp !

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Chuuuuut !

— Bordel, répondez-moi Jessi !

Unité d'élite [Editions BMR Hachette - mars 2018]Where stories live. Discover now