10. Mésaventure formatrice (version éditée)

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Base de Camp Pendleton, Oceanside, comté de Californie, 15 mai 2001

Comme chaque fin d'après-midi, Alyssandra faisait ses devoirs dans sa chambre quand elle entendit le bruit caractéristique du moteur de l'Impala Chevrolet Super Sport de son père. Étonnée, l'adolescente jeta un coup d'œil à sa montre pour vérifier l'heure. Seize heures ! Il ne rentrait jamais aussi tôt d'habitude ! Ce n'était pas de bon augure. Il devait être au courant... Avec appréhension, elle attendit, l'oreille aux aguets. Ses craintes se confirmèrent quand elle entendit la porte d'entrée se refermer et le murmure d'une conversation houleuse entre ses parents. Quelques minutes plus tard, le rugissement de son père retentit :

— Alyssandra Wells-Jessiman ! Descends tout de suite !

Alyssandra obéit à contrecœur, sachant qu'elle allait sûrement écoper d'une punition exemplaire. Avec réticence, elle descendit l'escalier pour rejoindre son père. Il l'attendait dans le salon, le visage sévère et la posture rigide. Dès qu'elle entra, le capitaine Glenn Wells l'inspecta des pieds à la tête et la toisa. Sans préambule, il attaqua :

— L'école vient de m'appeler. Tu te doutes de la raison, j'imagine ?

Confuse, l'adolescente baissa la tête en murmurant :

— Oui, Papa.

— Que m'a annoncé le proviseur d'après toi ?

— Je... je suis exclue pendant trois jours.

— Exactement ! Tu es exclue de ton école parce que tu as frappé une de tes camarades !

— Un.

— Pardon ? rugit l'officier.

Alyssandra rentra la tête dans les épaules et précisa d'une toute petite voix :

— Un de mes camarades. C'était un garçon, pas une fille.

— C'est la même chose ! Tu imagines un peu ce que j'ai ressenti quand un sergent est venu me chercher sur le terrain d'entraînement pour me dire que ton proviseur voulait me parler de toute urgence ?

— Je suis désolée, Papa.

— Tu peux l'être ! Je n'ai jamais été aussi embarrassé ! Quand je suis revenu, le colonel m'a demandé ce qu'il se passait. J'ai dû avouer à mes supérieurs que ma fille venait d'être renvoyée de son école pour mauvais comportement ! J'ai perdu toute crédibilité ! Je suis censé faire respecter la discipline dans mes troupes et je suis incapable de faire respecter le règlement intérieur d'un établissement scolaire à ma propre fille !

— Pardon Papa. Je... je te promets que ça... ça n'arrivera plus, promit Alyssandra en pleurant.

— Qu'est-ce qu'il t'est passé par la tête pour t'en prendre à ce garçon comme ça ? D'après le proviseur tu lui as même arraché une poignée de cheveux !

Avant qu'Alyssandra puisse répondre, la porte d'entrée claqua violemment et un cri retentit aussitôt :

— Sandy ! Sandy ! T'es où ?

Un grand gaillard déboula dans le salon. Il jeta son équipement de base-ball sur le canapé et se précipita vers sa sœur.

— Ça va, ma caille ? Tu n'as rien ?

— Matthew ! C'est quoi ce cirque ? Tu ne vois pas que je suis en train de passer un savon à ta sœur ?

L'adolescent se retourna brusquement vers son père, le regard mauvais.

— Tu la grondes ? C'est l'autre petit con que tu devrais enguirlander ! Je te jure que demain je lui casse la figure à ce petit merdeux !

Voyant que la situation était en train de dégénérer, Helen Wells-Jessiman tenta d'apaiser les esprits :

— Tout le monde se calme ! Explique-toi Matthew !

— Il n'y a rien à expliquer, M'man. Ce petit merdeux de Boldwin s'en est pris à Sandy. Une fille de ma classe l'a entendu se vanter de ce qu'il avait fait ! Il ne va pas s'en tirer comme ça. Je te jure qu'il va comprendre sa douleur ! Je vais me charger de son cas !

— Tu ne feras rien du tout ! tonna le capitaine Wells. Une délinquante dans la famille suffit ! Et je te rappelle que c'est ta sœur qui a frappé son camarade !

— Et elle a eu raison ! Ce type a quinze ans et il s'attaque à une gamine de douze ans ! Jusqu'où serait-il allé si elle ne s'était pas défendue ?

— C'est quoi cette histoire ? rugit l'officier de l'US Marine Corps en regardant alternativement ses deux enfants.

— Viens t'asseoir ma chérie, et raconte-nous exactement ce qu'il s'est passé, intervint Helen Wells-Jessiman.

L'adolescente se laissa tomber dans le canapé et raconta en tremblant comment Dylan Boldwin l'avait coincée dans le coin d'un couloir le matin même pour lui voler un baiser. Ce premier récit fit grincer des dents son père et son frère. Mais leur colère ne connut plus de bornes quand elle raconta ce qu'il s'était passé en début d'après-midi. Quand le père d'Alyssandra apprit que le même Dylan avait entraîné sa fille derrière un bosquet et l'avait jetée au sol pour l'embrasser de force et tenter de la peloter, il devint rouge de fureur.

— C'est là que tu as frappé Boldwin et que tu lui as arraché une touffe de cheveux en te débattant ?

— Oui Papa. Je suis désolée vraiment... Je...

— Tu n'as pas à être désolée ! Tu as fait ce qu'il fallait !

Devant le regard d'incompréhension de sa fille, le capitaine s'adoucit.

— Je te demande pardon, ma chérie. Je n'aurais pas dû t'engueuler comme cela, sans savoir exactement ce qu'il s'était passé. C'est ce petit salopard de Boldwin qui aurait dû être renvoyé, pas toi ! Pourquoi n'as-tu pas raconté au proviseur ce qu'il avait fait ?

— J'ai... j'avais trop honte. Dy... Dylan a dit que je... que je l'avais cherché, que je le provoquais avec mon débardeur.

— Je vais lui exploser la tronche à ce connard ! éructa Matthew.

— Matthew ! Ça suffit avec les gros mots ! le réprimanda sa mère.

Glenn Wells secoua la tête, les lèvres pincées avant de déclarer :

— Non Matt. Tu ne feras que t'attirer des problèmes. Il est louable de vouloir défendre ta sœur, mais ce n'est pas la solution. Ce ne serait pas lui rendre service. Tu ne seras pas toujours là pour la protéger et moi non plus, je suis trop souvent absent avec mon travail.

— On va la laisser devenir une proie pour tous les petits obsédés du coin ?

— Non. Je vais aller voir le proviseur pour lui expliquer les faits. Mais en attendant, on va entraîner ta sœur. Elle doit apprendre à se protéger et mettre un agresseur hors d'état de nuire.

Glenn Wells se tourna vers sa fille pour la sermonner gentiment :

— Écoute-moi bien, Alyssandra. Tu t'en es bien sortie face à Boldwin, mais ça ne sera peut-être pas toujours aussi facile selon l'adversaire que tu auras à affronter. Que cette mésaventure te serve de leçon. Tu ne dois jamais dépendre de ton frère, de moi ou d'un autre homme pour assurer ta sécurité. Tu dois être indépendante et savoir te défendre toute seule. C'est primordial vu le monde dans lequel nous vivons. Tu as compris ?

— Oui, Papa.

— Je ne peux pasêtre là pour veiller sur ta sécurité en permanence, mais je peux faire en sorteque tu sois capable de le faire toi-même. Va te mettre en tenue de sport etrejoins-nous dans le jardin. Ta formation commence immédiatement !

Unité d'élite [Editions BMR Hachette - mars 2018]Where stories live. Discover now