23.

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Harry.

« ... et c'est à ce moment là que je suis resté enfermé à l'agence toute une nuit ! »

Nos rires envahissent le salon, suite à la folle histoire de Paul. L'atmosphère est moins tendue et pesante qu'en cette dure matinée. Tout le monde semble lâcher prise et les anecdotes, toutes aussi drôles que les autres, n'arrêtent pas d'être racontées. Will en a même raconté une, incluant Judy.

Je ne l'ai pas vu de nombreuses fois, et je n'ai pas eu la chance de passer de grands moments en sa présence, mais je peux tout de même dire que c'était une très belle femme. Aussi mentalement que physiquement. Elle était vraiment gentille et elle s'assurait, à chaque fois, que tout le monde soit correct.

« Quand Rose était petite, » commence Will en riant, « nous l'avions amenée à un festival. Je crois qu'elle avait dix ans. »

« Et elle vous a perdu? » rit Paul tandis que Will secoue la tête.

« C'est pire que ça ; elle nous a confondu avec d'autres adultes alors elle les a suivit! »

Je lâche un rire, imaginant très bien la scène. Tout le monde autour de la table ne cesse de rire et je suis presque sur que ça leur fait du bien. Je l'espère en tout cas.

Je retire ma veste de smoking noire et je la dépose sur le dossier de ma chaise juste avant de taper l'épaule de James pour qu'il se retourne en ma direction.

« Je vais voir Rose. » l'informais-je avant qu'il ne me réponde par un simple hochement de tête.

Je rejoins les escaliers rapidement pour monter et rejoindre les chambres. Rose dort depuis presque une heure et je suppose qu'elle en avait besoin. Elle ne dort presque pas la nuit ; je l'entends descendre tous les soirs. J'espère que cette sieste -si je peux appeler ça comme ça- lui fait du bien.

Étant donné que je ne me suis jamais rendu à l'étage de cette maison, j'ignore totalement dans quelle chambre Rose se trouve. C'est pourquoi, tout doucement, j'ouvre la première porte que je trouve. Mais personne n'est là. J'ouvre donc la seconde, celle où, logiquement, elle est censée être puisqu'il n'y a que trois pièces, dont une est la salle de bain, puisque la porte est entre-ouverte.

Mais il n'y a personne.

Je me permets alors d'entrer totalement à l'intérieur, faisant chaque recoin, mais rien. Je fais exactement la même chose dans la première chambre.

C'est toujours aussi vide.

L'inquiétude grimpe plus vite que je ne le pense quand son prénom s'échappe de mes lèvres, dans un murmure. Je ne sais pas si elle dort, ou si elle est encore à l'étage. Je l'aurais vu si jamais elle était descendue. J'étais en bas, avec tout le monde. Elle n'a pas pu descendre.

Mais où est-elle bordel?

Soudain, la porte de la salle de bain attire mon attention. Je ne sais pas pourquoi je vais vérifier, c'est absurde ; que ferait-elle ici? Elle m'a dit qu'elle allait dormir. Mais je préfère, par sécurité, aller vérifier. C'est pourquoi je pousse lentement la porte, quelques secondes avant qu'une vision d'horreur n'apparaisse devant moi.

Son corps est recroquevillé sur lui-même dans un coin, au fond de la salle de bain. Des bouts de verres l'entourent, et une flaque de sang est visible à ses pieds. Une bouteille de Champagne, vide, est près d'elle. Sans chercher à comprendre, je me jette sur ses mains, lui retirant un épais, et tranchant bout de verre qui déchirait la peau de son avant-bras.

« Oh mon dieu, » lâchais-je dans l'incompréhension, mes doigts s'enroulant autour de son poignet pour examiner son bras, « pourq– je croyais que– oh mon dieu, Rose, » parlais-je difficilement tandis que mes yeux rencontrent les siens, qui sont injectés de sang.

Elle arrive à peine à les garder ouvert. C'est là que je m'en rend compte ; elle a bu deux bouteilles de Champagne, dont une qu'elle a cassé pour se faire du mal. Comment a-t-elle réussi? Je n'ai rien entendu d'en bas et normalement, pour qu'une bouteille en verre se brise, il faut y aller de façon plutôt brusque, alors comment a-t-elle fait?

Toutes ces questions se battent dans mon esprit, mais je les oublie très vite quand je sens son sang glisser le long de ma main, rencontrant ma chemise blanche, et la tâchant pour de bon. Je recouvre sa profonde coupure de la paume de ma main, sans me préoccuper de tout ce sang. Je pose mon autre main de libre sur sa joue, et je la caresse doucement.

« Rose, » l'appelais-je tandis que mon cœur n'arrête pas de battre à une allure folle, « Rose, regarde moi, »

Ses yeux s'ouvrent, mais pas assez pour me voir. Son bras n'arrête pas de saigner et une pensée me vient en tête : je dois arrêter le sang de couler. C'est pourquoi j'attrape une serviette de bain et je l'enroule autour de son avant bras en faisant un nœud très serré.

« Bordel de merde, pourquoi as-tu fais ça, » marmonnais-je en passant mes bras autour de sa taille pour l'attirer contre moi. Je pose sa tête dans le creux de mon bras, la tenant fermement contre mon torse.

Sans m'y attendre, une larme coule le long de ma joue et vient s'écraser sur la serviette de bain autour de son bras ensanglanté. Elle va avoir besoin de point de suture, la coupure est vraiment profonde. Je ne sais absolument pas comment faire pour la sortir d'ici sans repasser par le salon où tout le monde est en train de rire et de décompresser.

Comment leur dire que la fille que j'aime est en train de se vider de son sang, sous mes yeux, et dans mes bras?

Ne sachant pas quoi faire, j'attrape mon téléphone dans ma poche arrière et je compose le numéro de James. J'espère qu'il ne fera aucune remarque sur le fait que je l'appelle alors que je ne suis qu'à quelques mètres au dessus de sa tête.

« Tout va bien? » demande t-il seulement, et j'entends clairement les voix de Will et Amy. Il n'a pas quitté la table pour répondre à mon appel.

« Ne dis rien. Monte. Vite. » sont les seuls mots que j'ai réussi à prononcer avant de raccrocher subitement.

Mon cœur risque de sortir brutalement de ma poitrine vu l'allure à laquelle il bat. Je ne veux pas la perdre. Je refuse, c'est impossible.

Je dois la sauver.

Ma main caressant doucement sa joue, elle bouge la tête pour placer son visage en face du mien. Elle entre-ouvre ses lèvres pour pouvoir parler mais sa voix est grave et enrouée.

« H-h-h-har-Harry– »

« Oui, c'est moi, je suis là, » souriais-je légèrement, malgré cette peur qui m'envahit tout le corps, « tout va bien, je suis là, et il faut que tu le sois aussi, d'accord? »

Elle hoche très légèrement la tête juste avant que la porte de la salle de bain ne s'ouvre brusquement.

« Oh put– qu'a-t-elle fait! Mon dieu! » James se rue sur Rose, dans mes bras, examinant chaque partie de son corps, et principalement son avant-bras.

« Je ne veux pas que Will voit ça, pas en plus d'aujourd'hui. » respirais-je anormalement, tandis qu'il secoue la tête.

« Il n'y a rien d'autre à faire Harry. Tu ne peux pas protéger tout le monde. » il attrape une petite éponge en mousse et essaie d'essuyer le sang sur le carrelage.

Mais c'est pire.

« Je ne veux juste pas qu'– »

« Arrête de réfléchir et va l'amener à l'hôpital! » s'exclame t-il soudainement, me faisant me relever pour porter Rose contre moi ; mes bras derrière son dos et ses genoux.

J'ai arrêté de réfléchir, comme James me l'a dit. C'est pourquoi, j'ai descendu les marches de l'escaliers à la vitesse de la lumière, cette boule au ventre grandissant toutes les secondes. Je ne peux pas croire qu'elle ait fait ça.

Quand leurs regards se sont posés sur moi, j'ai pu voir -à chacun- leur réaction. C'était comme si ce moment précis était au ralenti. Comme si je n'étais pas assez rapide pour sortir d'ici, et comme si je n'étais pas capable de rejoindre ma voiture à temps.

Comme si je n'étais pas capable de la maintenir en vie.

thank you - hs. (II)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant