Jour IIIII / III : Ou comment nous perdons le contrôle.

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Un haut-le-cœur me surprend alors qu'une nouvelle turbulence vient secouer la carlingue de l'appareil. Nos corps tanguent sans bruit en essayant de conserver leur alignement avec le sol. Des sangles croisées contre nos poitrines sont solidement fixées à de larges boucles sur les sièges où nous sommes installés. Je tourne la tête sur ma gauche, puis sur ma droite, pour vérifier l'état de mes camarades d'infortune. Alignés comme des sardines dans une boîte de conserve et fermement collés aux parois en métal de l'engin, on ne paye pas de mine. Tout à gauche dans l'angle, Sébastien est blanc comme un cachet d'aspirine et de nombreuses coulées de sueur lui barrent le front pour mourir dans ses épais sourcils. Il fixe un point devant lui, sans ciller. À sa droite, Cynthya est concentrée à inspirer et expirer longuement, yeux fermés et tête levée. Quand je déplace mon attention de la jeune femme rousse sur ma gauche vers Arthur de l'autre côté, ce dernier pose aussi son regard sur moi. Une petite moue déforme le coin de ses lèvres, comme pour me dire à quel point lui aussi se sent impuissant face à la situation. Plus loin, sur notre rangée, sont assis les quatre soldats en noirs et les quatre infirmières qui nous ont récupérés sur la plage, portant le nombre total de sièges à douze de ce côté du véhicule.

Harmony, depuis notre embarquement, a complètement disparu.

Ça commence à faire un bon paquet d'heures que la machine volante a décollé, et pourtant, aucun d'entre nous n'a réussi à fermer l'œil.

Seuls les crépitements métalliques des pressions subies par le fuselage se permettent de briser de temps à autre le silence impérial qui s'est installé depuis notre départ.

Contre la cloison d'en face, une identique série de douze places assises est présente, à l'exception faite que certaines sont vacantes. Le même duo d'hommes en armes et de femmes en blanc y est présent, uniquement accompagné d'un homme noir aux vêtements étonnants.

Ce dernier nous dévisage. Il ne porte pas de combinaison intégrale, contrairement au reste des inconnus, mais un uniforme qui ressemble à celui d'un capitaine de bateau. Il porte un képi blanc et bleu cerclé d'un double liseret jaune tressé au-dessus de la visière. Sur le tissu qui compose le haut de sa coiffe est imprimé en relief un macaron doré orné des initiales « PANAM ». Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais son couvre-chef me fait forte impression, à l'inverse du reste de son costume bleu marine, qui lui, présente des traces évidentes d'usure et de maltraitance.

Sous ses narines est présente une épaisse moustache crépue tellement ringarde qu'elle en ferait pâlir de jalousie notre psychologue national. J'échange un regard avec lui et parvient à y lire un mélange de peur et de confusion. Toujours dans le silence, mes yeux parcourent le vide entre nous et se figent un court instant sur l'escalier en colimaçon qui semble mener à un niveau supérieur au-delà des trois malheureux mètres de plafond qui nous surplombent. C'est par là qu'une des médecins a emmené la petite blonde avant de redescendre sans elle et de s'installer aux côtés de ses semblables. Je scrute ledit plafond comme s'il pouvait devenir transparent à force de le ronger des yeux.

Entreprise évidemment inefficace.

Nouvelle secousse.

Où est-ce qu'on nous emmène ? Pourquoi restent-ils ainsi murés dans leur silence ?

Il y a quelques heures, après avoir accosté, l'étrange vaisseau a pivoté sur lui-même. Un haillon s'est alors déplié à la manière d'un pont-levis médiéval de l'arrière de la machine et est venu se poser sur le sable, le tout en suivant un angle le rendant praticable sans danger. De nouveaux effectifs de fantassins en sont descendus avant de s'atteler, avec l'aide de ceux qui nous surveillaient, à faire le ménage sur la plage.

Quand je dis ménage, j'entends qu'ils nous ont chassés sans autres vices de procédure de notre abri avant de réunir absolument toutes nos infrastructures de survie en un gros tas bien brouillon, pour ensuite y foutre le feu. Déstabilisés par leur soudaine pyromanie mais pas assez bêtes pour se dresser contre eux, nous avons assisté, médusés, à la crémation de la totalité de notre camp. Une fois leur travail de destruction accompli, nous avons été conviés de les suivre jusqu'à l'intérieur du cargo.

Biohazard - Disparus [ Tome 1 Terminé ]Kde žijí příběhy. Začni objevovat