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La nuit avait été longue. Et elle n'était pas terminée. Aujourd'hui était jour de repos pour Taekwoon. Ce soir, il ne se transformerait pas en Léo. Non. Ce soir sera celui de la libération mensuelle. Ce sera la pleine lune. Cette lune d'argent si mystérieuse, le seul astre qu'il pouvait contempler une fois par mois. Car oui, à chaque pleine lune, le jeune garçon devenait un chat certes, mais un chat voyant. Cet astre scintillant lui offrait un cadeau inestimable.

Il lui rendait la vue, pour seulement quelques heures mais ces quelques heures n'avaient pas de prix. Mais avant de retrouver ce petit moment de liberté, il allait devoir encore attendre toute la journée. Et c'est seulement lorsque Soyou lui demandera d'aller sur le perron de la maison où ils résidaient qu'il saura que le moment de sa mutation sera arrivé. Et là, il ne sera pas Léo. Il ne sera pas non plus Taekwoon l'humain. Il sera Taekwoon le petit chat noir aux oreilles de velours.

Mais pour l'instant, Taekwoon était allongé sur son lit et il pensait. Depuis la soirée de la veille avec Wonsik, ce petit bout d'homme ne cessait de se torturer les méninges. Les mots de Wonsik hantaient son esprit, un peu embrouillé par le manque de sommeil.

« Je sais aussi que tu ne connais pas ton propre corps, que tu le détestes au point de refuser de l'apprivoiser lui aussi » ... « Je suis sûr que tu n'as jamais essayé d'apprendre à te connaître » « Est-ce que tu as déjà eu un orgasme, Taekwoon ? Tu ne t'es jamais touché ? »

Se toucher. A vrai dire, il avait déjà essayé une fois. Mais il n'avait pas osé entreprendre ce qu'il lui arrivait de faire à la plupart de ses clients, dont Wonsik : la masturbation. Il l'avait tenté mais à peine avait-il effleuré son anatomie qu'il avait retiré aussitôt sa main, gêné et honteux. Mais après ce que lui avait « montré » Wonsik, il comprit qu'il n'avait pas pris assez de temps pour se préparer psychologiquement. Les relations sexuelles avec ses clients l'avaient, d'une certaine manière, traumatisé, et inconsciemment le jeune homme fuyait toute occasion de se faire un peu de bien, afin d'oublier son travail. Et si c'était l'occasion d'apprendre par lui-même ? D'essayer de s'oublier ? De tenter de comprendre pourquoi Wonsik et les tous les autres qui l'ont précédés aimaient tant cela ? Après tout, il n'avait rien à perdre à réessayer encore une fois.

C'était une matinée automnale douce et chaude pour la saison. Taekwoon n'était vêtu que d'un boxer. Il eut quelques secondes d'hésitation avant de poser ses doigts pâles sur son torse tout aussi laiteux que le reste de son corps. Rien ne se passa. Il promena donc ses mains fines sur sa peau fine, peau qu'il trouva vraiment douce, grâce à la crème dont Soyou  le forçait à s'enduire chaque jour. Étonnamment, il éprouvait une certaine satisfaction à sentir la matière souple et chaude glisser sous ses doigts. Et lorsqu'il remonta jusqu'à sa poitrine, quelque chose changea. Un léger frisson le parcourut alors qu'il venait d'effleurer ses petits points de peau brune qu'étaient ses mamelons.

Le jeune garçon s'amusa quelques instants à triturer ses tétons. Les frissons reprenaient. C'est une sensation nouvelle, plutôt agréable. Lorsque ses pouces se posèrent dessus, il eut un froncement de sourcils. Ses petits bouts de chair s'étaient dressés et devenaient sensibles dès que Taekwoon les touchaient. Il continua donc l'exploration de son corps, cherchant d'autres points susceptibles de lui faire découvrir ce qu'était réellement le plaisir de la chair. Ses mains sensibles découvraient ce corps qu'il n'avait encore jamais songé à apprivoiser. D'autres frissons se succédèrent au-dessous de ses doigts. Ses yeux morts se fermèrent. Il se sentait détendu, ce qui ne lui arrivait que lorsque le sommeil l'emprisonnait dans sa douce étreinte libératrice.

Ses mains habiles touchèrent ses bras, ses flancs, ses hanches. Sa peau se couvrait de chair de poule suite à ses petits tracés tactiles. Étrangement, il appréciait. Lui qui avait toujours refusé de se toucher, appréciait de sentir ses propres doigts glisser sur sa peau. Mais lorsqu'il sentit ses mains se rapprocher de son anatomie intime qui faisait de lui un être masculin, il se crispa. Etait-il seulement prêt à continuer ainsi ? N'en avait-il déjà pas assez fait ? Mais de nouveau, les mots de Wonsik revinrent le hanter. Oui, il fallait qu'il continue. Au moins pour faciliter ses heures qu'il passait dans une chambre où les vices et la luxure l'avaient tant fait souffrir...

Il s'enhardit à descendre ses mains un peu plus. Ses doigts pâles s'habituèrent au tissu en lycra de son unique vêtement puis passèrent sur le renflement indiquant son sexe. Il cessa immédiatement toute activité. Il estimait en avoir déjà assez fait pour aujourd'hui. Chaque chose en son temps... Il lui semblait qu'une heure à peine s'était écoulé. Et pourtant...

- Taekwoon !

La voix de Soyou le sortit de sa léthargie. Il se redressa sur sa couchette. Que lui voulait-elle ?

- Taekwoon, tu peux sortir. Le soleil se couche.

Il entendit les pas s'éloigner. Un maigre sourire étira ses lèvres pulpeuses. C'était l'heure. L'heure de sa liberté. Lentement, il se leva, sa main se dirigea vers la poignée de la porte. Ses doigts heurtèrent le bois dur de la porte avant de rencontrer le métal froid qu'il cherchait. Il sortit de sa chambre, ses pas légers ne laissant entendre aucun bruit sur le parquet qui grinçait souvent sous ceux de Soyou. Lorsqu'il arriva aux escaliers, il eut un mouvement d'hésitation, le temps de trouver la rampe de fer forgé, accroché au mur. Guidé par la barre, il mit peu de temps à descendre les douze marches et à sortir sur le perron.

Lorsqu'il pointa le bout de son joli minois à l'extérieur, une grande sérénité l'envahit. La liberté était là, à sa portée. Il allait s'en saisir et en profiter. Le soleil avait presque disparut derrière une sorte de mélange coloré de rose, de violet et d'orange doré. Dans quelques minutes, la lune allait apparaître. Et Taekwoon attendit patiemment, assis sur le perron, que les rayons lunaires veulent bien l'envelopper de leur étreinte lumineuse.

[...]

blindOnde histórias criam vida. Descubra agora