Des envies d'olives et d'Ailleurs

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La cohabitation avec Louisane se déroule à merveille. Elle est une sœur pour moi, et à vrai dire la seule famille que j'estime avoir en France. J'ai perdu mon père à l'âge de quinze ans, et je n'ai jamais été très proche de ma mère, Diane, qui vit désormais en Allemagne. Celle-ci avait des ambitions pour moi que je ne partageais pas. J'ai toujours eu le sentiment de ne pas être assez bien pour elle. Pas assez grande, ni suffisamment mince pour rentrer dans ses critères. Sans compter que j'étais trop sérieuse à son goût, c'est tout juste si elle ne s'excusait pas devant ses amies lorsque j'osais lire un classique de la littérature plutôt qu'un magazine people.

Les semaines passant, je me résous enfin à lui annoncer ma séparation avec Joshua (dont je n'ai plus eu aucune nouvelle), ainsi que ma grossesse. Je m'en serais bien passé, mais je me vois mal devoir cacher éternellement mon futur enfant. Bien qu'il y aurait moyen d'en faire un as des parties de cache-cache !

À l'autre bout du fil, ma mère réagit vivement aux nouvelles que je lui annonce. Concernant Josh et moi, elle s'exclame d'un ton faussement désolé :

— Quel dommage ! Un si bel homme ! Enfin, je t'avais prévenue...

Je retiens de justesse un soupir de lassitude. Ma mère ne m'a jamais pardonné d'avoir quitté la maison le jour même de mes dix-huit ans afin d'emménager avec Joshua, de trois ans mon aîné. Elle nous estimait trop jeunes, trop immatures. Mais j'étouffais auprès d'elle, et j'avais besoin de prendre mon envol. Quitte à faire mes propres erreurs.

Dès qu'elle sait pour le bébé, elle lâche aussitôt ces adorables paroles :

— J'espère que tu ne souffriras pas autant que moi le jour de l'accouchement. Ni même comme ta pauvre cousine qui, lors de la délivrance, a hurlé comme un cochon que l'on saigne.

Ah, j'avais presque oublié que ma mère a toujours un véritable don pour rassurer les gens, tout en formulant des comparaisons flatteuses et agréables. Par chance, le temps et la distance aidant, cela ne m'agace plus comme autrefois.

Je chasse le souvenir de cet appel de mon esprit dès que Louisane rentre et que je découvre qu'elle m'a ramené des olives vertes. Je ne suis plus que joie. C'est devenu ma lubie alimentaire d'en consommer à toute heure du jour comme de la nuit, cela fait partie de ces envies bizarres qu'ont certaines femmes enceintes. Dans mon cas, c'est loin d'être un mythe !

Depuis déjà trois mois que j'ai débarqué chez elle, Lou a décidé de m'accompagner tout au long de ma grossesse. Marc est également d'un soutien sans faille. Il me taquine en prétendant que grâce à moi il a un petit aperçu de ce qu'il devra peut-être endurer un jour, si Lou et lui se décident à fonder une famille. Tous deux ont insisté pour que je ne déménage pas de chez eux avant la naissance de l'enfant. Ils prétendent que j'aurais tout le temps de rebondir par la suite. Certes.

Cela n'empêche pas que, depuis quelques soirs, tandis que ma fille semble jouer des percussions à l'intérieur de mon ventre, je réfléchis à l'avenir. Et dans mon esprit, des idées naissent. J'ai envie, et besoin, d'un nouveau départ. Mais, oserais-je suivre ce que me dicte mon cœur ?

Aurais-je le courage de tout quitter pour recommencer une nouvelle vie ailleurs ?

ImprédictibleWhere stories live. Discover now