Prémices de l'aventure Toscane

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J'ai le cœur lourd lorsque vient l'heure de quitter Louisane et Marc.

Heureusement, nous savons que ce n'est qu'un au revoir, mais cela n'empêche pas que l'on ait tous les trois une poussière dans l'œil. On se fait la promesse de rester en contact, et de se retrouver aussi tôt que possible, puis déjà, il faut se résoudre à se séparer. Temporairement, du moins.

Mon humeur s'allège lorsque Serena et moi débarquons en Toscane. Je n'étais plus revenue sur les lieux de mon enfance depuis presque douze longues années, et pourtant, sitôt que je foule les petites rues pavées et tortueuses de Vollini, où je suis née, c'est comme si je n'étais jamais partie d'ici. Je réalise soudain à quel point ces paysages au charme fou et la douceur de vivre italienne m'avaient manqué.

L'auberge que tient ma tante se tient à la sortie du village. Pour m'y rendre, je dois néanmoins me résoudre à prendre un taxi, car je ne me sens pas la motivation de parcourir cinq kilomètres avec le bébé et ma grosse valise. Je bénis le ciel d'avoir eu la bonne idée d'expédier le plus gros de mes affaires quelques semaines auparavant. Si quelqu'un m'avait dit qu'un jour, je deviendrais organisée, j'aurais sans doute ri au nez de cette personne. Comme quoi, tout arrive dans la vie.

Le domaine de Francesca se situe en pleine campagne, on y accède par une route en lacets bordée de cyprès. C'est un véritable havre de paix, au milieu des vertes collines vallonnées, des vignobles, et des oliveraies. J'ai l'impression d'être entrée dans une carte postale ou un livre d'illustrations pour enfant. Tout est tellement joli, et il se dégage une telle sérénité de cet endroit, que j'ai l'impression de rêver.

La maison est exactement comme dans mes souvenirs, avec ses murs en pierre, et sa terrasse extérieure en terre cuite. Sans oublier les nombreuses fleurs qui égaient ce lieu déjà si beau et convivial en lui-même. Rien ne semble avoir changé. Pas même ma tante que j'aperçois au loin, tandis que je règle ma note au chauffeur.

- Bentornata a casa*, Manou ! s'exclame-t-elle, lorsque, enfin, elle arrive à ma hauteur.

Je me jette dans ses bras grands ouverts, et nous nous serrons fort l'une contre l'autre. Le bonheur de se retrouver est partagé. Son regard et son sourire me rappellent ceux de mon père, et cela me fait du bien ; en étant près d'elle, j'ai l'impression étrange de me rapprocher de lui aussi.

Après m'avoir demandé si nous avons fait bon voyage, Fran me fait part de son envie de voir la petite, toujours installée dans sa nacelle pour bébé. Lorsqu'elle découvre ma fille pour la première fois en chair et en os, le visage de ma tante s'illumine.

- Comme elle est mignonne ! On dirait toi quand tu avais son âge, assure Francesca avec émotion.

Je souris, tout comme Serena qui semble vouloir charmer son petit monde. C'est si attendrissant de voir Fran avec mon enfant dans ses bras. Elle-même n'a jamais pu en avoir (ce qui l'a profondément attristée), mais cela n'a jamais fait aucun doute pour moi qu'elle aurait été une maman merveilleuse.

Nous sommes toujours en train de bavarder tout en nous extasiant sur le caractère aimable du bébé, quand nous sommes rejoints par un homme que je ne connais pas.

- Fran, des clients vous cherchent. Ils vous attendent près du grand salon.

Alors là, j'en reste bouche bée. PERSONNE d'autre que moi n'ose appeler ma tante ainsi. Pour les autres, elle est Francesca, ou Franny pour les plus proches.

Je jauge désormais cet imposteur du coin de l'œil.

Si ma mauvaise foi parlait, elle affirmerait qu'il n'y a vraiment rien à dire sur ce type. Mais si je reste honnête avec moi-même, je dois avouer que l'homme en question est plutôt agréable à regarder. Grand, la silhouette athlétique, brun, des yeux d'un marron intense, une barbe de trois jours qui lui donne un certain charme... Bon sang, mais STOP ! Qu'est-ce qui m'arrive ? Je suis en train de détailler cet illustre inconnu, qui ayant sans doute remarqué que je ne détachais pas mes yeux de lui, m'observe maintenant avec un petit sourire amusé.

- Leandro, je te présente ma nièce, Romane. Tu veux bien l'aider à s'installer ? Je m'en vais de ce pas retrouver nos clients.

Sur ces mots, elle me tend Serena, puis file, me laissant hébétée.

- Eh bien, enchanté, me dit le fameux Leandro, qui a été surpris autant que moi de voir ma tante déguerpir en nous laissant ici tous les trois.

- De même, je réponds, peu loquace dans de telles situations.

Je décide de porter ma fille (à croire que j'en use comme d'un bouclier contre la gent masculine), tandis que celui qu'on surnomme Leo, se charge de mon unique valise, et de la nacelle du bébé.

- Vous verrez, vous serez bien ici.

J'acquiesce avec un petit sourire. Il doit se demander si je comprends ce qu'il me raconte. Ce n'est pas possible d'être aussi empotée ! J'ignore ce qui m'arrive.

Je me tais et le suis jusqu'à une annexe, où j'aurais semble-t-il un petit appartement indépendant. Le bonheur. Mon intuition me souffle que Serena et moi allons pouvoir entamer une autre vie ici.

Avant de partir, Leandro me dit :

- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à m'appeler.

- Vous vivez ici ? je demande, étonnée.

(Et aussi plutôt ravie par cette idée, je l'avoue.)

- Mon logement se situe juste à côté des vignobles voisins, cela fait quatre ans que votre tante m'a engagé pour que je m'en occupe. Nous y organisons régulièrement des visites pour les touristes et tous ceux que ça intéresse, si c'est votre cas, n'hésitez pas à venir un de ces jours.

- Pourquoi pas, je réponds, toujours partante pour faire de nouvelles découvertes.

Nous échangeons un sourire, et je sens le rouge me monter aux joues. C'est stupide, je sais très bien qu'il ne fait que se montrer amical, comme la plupart des gens ici.

Avant qu'il ne parte pour de bon, je m'exclame :

- Leandro !

- Oui ?

- Merci.

- Non c'è di che*, rétorque-t-il avant de partir.

Et j'ignore si j'ai rêvé ou non, mais j'ai tout de même l'impression que son regard est resté accroché au mien suffisamment longtemps pour que je puisse y lire un petit quelque chose.

Raaa, puis zut, je suis ridicule ! J'ai passé l'âge de m'emballer pour un mec que je viens de rencontrer, ma vie est tout sauf un conte de fées. Joshua est l'affreux crapaud qui a cessé de me faire croire aux princes charmants. Quant au coup de foudre... Non, je n'ai pas envie de me brûler les ailes.

Je crois que la solitude, et le manque d'une épaule sur laquelle pouvoir me reposer commencent à se faire sentir. Je ne me sens pas prête pour autant à entamer une nouvelle relation. Je me le refuse.

Pour le moment, ma seule préoccupation reste Serena. Je veux, et je me dois, de lui offrir une belle vie. Le reste est secondaire, non ?

Comment être maman et femme à la fois ? Le pourrais-je seulement ?

🧳🇮🇹🧳🇮🇹🧳

Bentornata a casa : Bienvenue à la maison.

Non c'è di che : Il n'y a pas de quoi.

ImprédictibleWhere stories live. Discover now