Délivrance

8.5K 685 55
                                    

Les semaines ont défilé à une allure folle depuis l'appel de ma tante, mais le bébé n'a toujours pas décidé de pointer le bout de son nez. Un peu plus, et je vais pouvoir appeler ma fille Désirée.

— Je ne vais jamais accoucher, je n'en peux pluuuus ! je m'écrie, entre deux sanglots.

Je suis désormais au milieu de ma quarante-et-unième semaine de grossesse, le terme prévu est donc dépassé, et je me sens tellement fatiguée que je fais une énième crise de larmes, laquelle déconcerte Louisane et Marc qui se sentent impuissants face à ma détresse.

Mon seul espoir est que le bébé se décide rapidement à arriver par lui-même, afin d'éviter le déclenchement de l'accouchement. Quand je pense que les éléphantes ont une période de gestation qui peut aller jusqu'à vingt-deux mois ! Je m'incline devant elles. Respect.

Pour ma part, cela fait déjà bien quinze jours que je commence à me sentir à bout et que je me retiens d'envoyer bouler tous ceux qui me demandent sans cesse « Alors ?! », « Toujours rien ? », comme si ça n'était pas déjà assez pénible à vivre pour moi. Et puis, honnêtement, quand la petite sera là, je ne compte pas la planquer, cela se saura.

Alors que le petit ami de Louisane doit partir pour le travail, ma meilleure amie – qui est en congés pour la semaine –, me propose de regarder une comédie, histoire de se changer les idées. Ma foi, pourquoi pas !

Soudain, et alors que le film vient à peine de commencer, je ressens comme une grosse crampe. Je ne panique pas (enfin, presque pas !), mais tandis que je me lève afin de soulager la douleur, j'entends une sorte de plop, et c'est l'inondation dans le salon.

Je me tourne aussitôt vers mon amie et lui dis :

— Désolée, Lou, mais je crois que je viens de ruiner ton beau tapis de salon.

***

Louisane réagit rapidement. Elle fait preuve d'un sang-froid qui me tranquillise. Pendant que je file prendre une douche, elle envoie un message à Marc pour le prévenir, puis charge mes affaires dans sa voiture. Pour ma part, le stress est monté en flèche. Je prends conscience que le grand jour est enfin arrivé.

Une fois à la maternité, une sage-femme m'accueille, puis branche le monitoring. Elle m'examine et confirme que le travail a bel et bien débuté. Il semblerait même que le bébé soit désormais fort pressé de montrer le bout de son nez !

Je ressens à la fois une trouille bleue face à l'idée d'accoucher, et une impatience grandissante lorsque je songe que je vais enfin pouvoir rencontrer ma fille. Celle-ci s'est tant fait attendre !

Assez étrangement, j'ai l'impression que les choses se déroulent à la vitesse de l'éclair. Les contractions deviennent de plus en plus difficiles à gérer, mais je m'efforce de me concentrer sur ma respiration et de me raisonner : tout ira bien.

Mais cette belle sérénité ne dure pas. Dans la salle d'accouchement, je panique. Je ressens un besoin presque primaire de pousser afin que mon enfant naisse enfin, mais la douleur me fait dire que je n'y arriverais jamais. Sauf qu'il faut bien que le bébé sorte. Apparemment, je n'ai pas le choix.

— Cazzo, fa male* !

Jurer en italien me défoule, tout en préservant les oreilles des plus puritains. Ce qui, je dois le dire, est alors bien le cadet de mes soucis. À ce moment-là, je HAIS Joshua. S'il avait assumé ses actes, et était présent aujourd'hui, je lui aurais certainement broyé la main. Seulement, je n'ai personne auprès de moi, puisque ma mère n'a pas jugé utile de se déplacer pour m'accompagner durant ma grossesse, et que la pauvre Lou a la phobie du sang. Je ne lui en veux absolument pas. Son copain et elle ont déjà tant fait pour moi !

Finalement, alors que je commençais sérieusement à fatiguer, le miracle se produit. J'éclate en larmes sitôt que je vois ma fille et que j'entends son premier cri.

Dès lors, j'occulte tout le reste. Elle seule existe. Elle seule m'importe.

Le bonheur et la tendresse se diffusent dans tout mon être. Lorsqu'on la pose sur moi, je ressens un amour inconditionnel et irrévocable pour cette petite merveille à laquelle je viens de donner la vie. Cela me semble presque incroyable.

Est-ce moi qui ai donné la vie à ce nourrisson qui me semble si parfait ?

— Comment va-t-elle s'appeler ? me demande-t-on.

Si, jusqu'à aujourd'hui, j'avais hésité entre plusieurs prénoms, maintenant que j'ai vu ma fille, qui paraît si calme et si fragile, je sais pertinemment lequel je désire lui donner. Et c'est avec un sourire radieux que je réponds d'une voix douce et assurée :

— Serena. Ce prénom est fait pour elle.

La sage-femme me sourit. J'ai la certitude d'avoir fait le bon choix. L'un des premiers de ma toute nouvelle vie de maman.

Faites que j'assure dans ce rôle !

🤰👶🤰👶🤰

Cazzo, fa male : Putain, ça fait mal !

ImprédictibleWhere stories live. Discover now