La proposition

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— Romy ?

Il me devient inutile de demander l'identité de la personne à l'autre bout du fil. Je reconnaîtrais cette voix douce et cet accent chantant entre mille !

— Tante Fran ! Comment vas-tu ?

Francesca est la sœur aînée de mon père, elle a vécu quelques années en France (suffisamment pour maîtriser la langue de Molière), avant de retourner vivre en Toscane, d'où est originaire toute ma famille paternelle, et où je suis moi-même née.

Après s'être assurée que tout va bien (mieux ?) pour moi, et avoir échangé quelques banalités d'usage, Fran m'annonce :

— J'ai cru comprendre que tu désirais changer d'air une fois que le bébé serait né.

— En effet... Je pense que ça serait mieux pour nous deux.

Je dis cela d'autant plus convaincue que la veille au soir, Joshua a eu l'extrême bonté de m'envoyer un SMS dans lequel il m'expliquait froidement qu'il ne comptait pas reconnaître l'enfant. Monsieur, a semble-t-il, réalisé entre temps qu'il n'était pas prêt pour devenir père, MAIS qu'il était certain que, pour ma part, je ferai une mère formidable. Très honnêtement, je me suis demandé s'il ne se foutait pas de moi ? Est-ce possible d'être aussi idiot et lâche à la fois ? Hélas, ce mec semble en être la preuve vivante. Je n'ai même pas envie de le confronter à son extrême bêtise. Je n'en ai pas l'énergie, ni la motivation.

— J'ai une proposition à te faire, Manou. J'en ai vaguement discuté avec ta mère, et elle ne pense pas que ça puisse t'intéresser, mais...

Je sens qu'elle n'ose pas vraiment poursuivre, alors je l'interromps en riant :

— Mais tu nous connais suffisamment, Diane et moi, pour deviner que ce sera tout le contraire. Vas-y, je t'écoute, Tante Fran.

— Comme tu le sais, je prends doucement de l'âge, et je me suis dit qu'une paire de bras supplémentaire ne serait pas de trop pour m'aider à faire tourner l'auberge. J'ai songé que le bébé et toi pourriez venir vivre ici. Le cadre est idéal pour qu'un enfant y grandisse sereinement. Alors, voilà, si tu es d'accord, vous êtes les bienvenus ici.

J'ose à peine y croire. Cette proposition, tombée du ciel, est presque trop belle pour être vraie. Et pourtant ! Je m'empresse de dire à ma tante à quel point son idée m'enthousiasme. Imaginer vivre en Toscane n'est pas pour me déplaire. J'en rêvais sans toutefois me décider à franchir le cap.

À cet instant, c'est comme si le ciel m'envoyait un signe. Je ne ressens pas la nécessité de demander un temps de réflexion qui ne servirait qu'à fatiguer davantage mes neurones tourmentés. J'accepte immédiatement l'offre de Francesca, et tandis qu'elle se réjouit de cette décision, je n'ai pas besoin de la voir pour être certaine qu'elle sourit, cela s'entend dans sa voix.

— Zia Fran... Grazie*, dis-je avant que notre conversation se termine.

— No, Romy, grazie a te*. J'ai hâte de vous accueillir ici.

J'ai la tante la plus adorable du monde entier ! J'ai presque envie de pleurer tellement l'émotion monte en moi. Je me retiens, car je ne veux pas inquiéter Louisane. Celle-ci s'est éloignée afin que je téléphone tranquillement, mais elle viendrait au pas de course si je venais à éclater en sanglots.

Une fois l'appel fini, je me laisse retomber sur le canapé. Je nage en plein bonheur. J'appelle Lou, et celle-ci me rejoint à la vitesse de la lumière. Je la rassure aussitôt, je ne perds pas les eaux (à ce stade-là de la grossesse, ce serait inquiétant).

J'ai à peine terminé de lui faire un résumé de la conversation que j'ai eue avec Francesca, qu'elle me prend dans ses bras et me félicite.

— Je suis tellement heureuse pour toi, ma brioche ! Même si tu vas terriblement me manquer.

Marc rentre à ce moment-là, et ayant saisi les derniers mots de sa petite amie, il s'étonne :

— Tu nous quittes, Romane ?

— Ma tante Fran m'a offert de la rejoindre en Toscane. Mais ne te réjouis pas trop vite, ça ne se fera qu'après la naissance du bébé. Tu vas encore devoir me supporter quelques semaines.

Il rit, avant de rétorquer :

— Je devrais réussir à tenir le coup. De toute façon, ne compte pas te débarrasser de Lou et moi aussi facilement que ça, nous viendrons passer des vacances en Italie dès que possible.

— Oh, mais j'y compte bien ! je m'exclame, enchantée par cette perspective.

Devoir les quitter tous les deux me fait un petit pincement au cœur, mais en même temps, on a toujours su tous les trois que le jour viendrait où je devrais partir. C'est la suite logique des choses. Je dois quitter le nid douillet qu'ils m'ont offert pour nous en créer un nouveau, à ma fille et à moi.

J'espère simplement que je saurais être à la hauteur. Tant de questions se bousculent dans ma tête ! Ai-je bien fait d'accepter la proposition de Tante Fran ?

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Zia Fran... Grazie : Tante Fran... Merci.

No, Romy, grazie a te : Non, Romy, merci à toi.

ImprédictibleWhere stories live. Discover now