Chapitre 4

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          Les portes de l'immense structure qu'était le palais de la reine s'ouvrirent à Zodiac.  Elle savait où elle devait retrouver la souveraine pour lui remettre le bébé. Pyrite se trouvait au bout d'un grand couloir qui donnait accès à la salle du trône. Le fameux couloir abritait une série de garde d'Aile de Nuit en armure ollaire, une pierre capable de retenir la chaleur. Cette armure n'existe que dans ce royaume, car réarranger ici et là par les Ailes de Nuit, la pierre ollaire les protègent des chaleurs étouffantes de la lave. Au combat, ce blindage leur est donc très favorable. Malheureusement, ce minerai étant assurément rare, la reine Pyrite n'a pas pu couvrir d'armure le total de sa garde. Seul les plus forts combattants ont eut ce privilège.

La dragonne aux revers des ailes violacés s'avança, la cage toujours sur le dos, la petite à l'intérieur qui scrutait les environs autour d'elle. De là où elle était, Zodiac pouvait entrevoir le regard embrasé de sa supérieur, assise sur son trône de pierre. A la vue de la cage contenant le bébé, Pyrite se leva brusquement puis intima d'un simple geste de défaire la prison du dos de Zodiac. La dragonne se retira ensuite de quelques pas, laissant place à sa reine.

«Fan-ta-stique! s'écria Pyrite. Une si belle pièce de collection, cela méritait bien que j'attende! Je suis très fière de toi Zodiac, tu t'améliores, vraiment! En plus en parfaite santé... »

Pendant que la dragonne ornée de pierres précieuses regardait la petite femelle sous tous ses angles de vu, Zodiac la suivait des yeux. Pour le moment, tout ce passait bien, mais pour combien de temps encore? La femelle adulte savait de quoi elle parlait. Derrière l'air faussement impressionné et observateur de la reine, se cachait en réalité un être démoniaque. La reine claqua des griffes et la cage fut transportée vers le long couloir d'où était venu la dragonne messagère. Celle ci regarda sa protégée partir, essayant d'ignorer ses petits cris plaintifs. Elle s'inclina poliment devant sa souveraine, puis tourna les talons pour sortir du palais. Au fond d'elle, elle était nostalgique de laisser la petite derrière elle. Mais que pouvait elle faire face à sa dirigeante? Se rebeller? Sans armée à ses cotés? Mauvaise idée, c'était du suicide. Zodiac laissa la distance s'installer un peu plus à chaque pas, prenant son envole pour retrouver la protection des cieux.

          La minuscule dragonne gémissait tant elle voulait sortir de cette cage qui l'enfermait et l'entravait du moindre mouvement. Le dragon qui transportait la cage lui jeta une œillade, naturellement intrigué par la couleur de la petite qui attirait toute l'attention du palais sur son passage.
La petite fut portée jusqu'à une large pièce d'où émanaient des odeurs âcres de sang, de souffrances et de puissance. La salle était assez sombre, mais on pouvait distinguer des chaînes métalliques dans l'ombre des murs, et par ailleurs, un os trainait près de l'une d'elles. Fallait il encore espérer qu'il n'appartienne pas à un dragon. Lorsque la cage fut posée sur une table déchirée par le temps et les marques de griffes, une voix caverneuse et à la fois sinistre au plus haut point se fit entendre:

- On dirait bien que j'ai de la visite... Tu dois être la petite hybride dont tout le monde parle ici, s'adressa t'il directement à la petite femelle. Et tu dois aussi te demander pourquoi n'es tu pas avec ta mère, non? »

Caché dans l'ombre de l'antre, la dragonne ne pouvait pas remarquer le sourire malfaisant de son interlocuteur. Pour toute réponse elle lança un cris rauque et bruyant, plaintif et colérique, ce qui ne fit qu'amplifier le sourire que le mâle avait déjà. Le dragon chargé de transporter la cage s'en alla après que son aîné ne lui ai intimé de partir, les laissant tous deux dans la salle dans un silence pesant.

Un claquement de dents retentit près de la petite femelle qui se mit à trembler. Un courant d'air chaud la frôla ensuite, lui arrachant un petit couinement.

Donc c'est à moi que la reine donne ton entrainement? Très bon choix je présume. Mais nous allons avoir du travail, tu ne sembles pas assez forte pour commencer un apprentissage, tu es trop frêle et trop jeune. Comment suis-je censé faire dans ce cas là...

Comme si une idée lui frappa la tête, il claqua des griffes.

J'ai trouvé! s'écria t-il.

Il prit ensuite la petite cage où était la dragonne de mer, puis s'élança d'un pas maladroit et pressé vers le couloir. Courant sur les galets de pierres chaudes sous ses pattes, le grand mâle ne prenait pas la peine de faire attention à la petite dans sa prison minuscule. Il cavala ainsi jusqu'à une nouvelle salle, remplit cette fois ci de cages renfermant... des dragons. Plus ou moins âgés, mais tous dans fleur de l'âge. Rare semblaient être ceux qui ne savaient pas encore se battre. À son entrée, des cris et des gémissements fusèrent, mais le dragon porteur de la cage ne s'y attarda pas une seconde. Il se dirigeait d'une telle façon qu'on pouvait penser qu'il savait lequel de ces reptiles il était venu voir. Freinant brusquement devant la porte d'un des cachots qui, à première vue, semblait vide, il posa la cage devant une sorte de petite porte reliée à la prison.

« Parfait, c'est pile ce qu'il lui faut. »

           Il posa son imposante patte écailleuse sur la parois d'un des murs qui entouraient la cage, pour la placer dans une sorte de moule qui prit exactement la forme de son membre, et qui actionna ensuite un levier, faisant de suite s'ouvrit la petite porte qui séparait la dragonne de sa nouvelle prison. Cependant, elle ne voulu pas quitter son coin de son abri, comme si quelque chose l'effrayait. Elle sentait pénétrer sous ses écailles encore naissantes un froid incomparable qui la glaça de l'extérieur.  La petite se força à faire un pas vers l'avant, trop curieuse pour ne pas explorer. C'était la première fois depuis sa naissance, qu'elle le pouvait, puis-qu'étant trop jeune, elle ne pouvait pas comprendre la malheureuse situation dans laquelle elle était. Lorsqu'elle fut dans son deuxième et nouvel habitat, la porte derrière elle se referma d'un coup sec, la faisant se retourner de surprise, tremblante. Le bruit était audible dans toute la pièce, et sous les yeux malfaisants du dragon adulte, elle sentit une vague de froid passer derrière ses ailes, lui glaçant le sang tellement dans un même instant elle avait peur. La tête d'une créature elle aussi recouverte d'écaille se dessina dans la pénombre, et la petite devina sans mal que le froid provenait de ce corps qui ne bougeait pas jusqu'à présent.  Il ne lui fallu d'ailleurs que quelques secondes pour se poster, bien droit et menaçant pour son âge, derrière la petite femelle qui sentait ses pattes trembler sous elle, comme si son corps devenait à l'instant trop lourd à porter.

D'instinct, elle se retourna pour lui faire courageusement face, bien que tout son être lui dise d'appeler un adulte, comme l'aurait fait n'importe quel dragonnet en danger. Elle n'osait de plus, pas se retourner, de peur que l'animal qui lui faisait face ne l'attaque subitement. Elle entendait juste les pas du dragon adulte s'éloigner de sa cage, et elle se sentit des plus démunies, seule face à quelque chose qu'elle ne connaissait pas, et qui allait peut être l'attaquer. Elle se recroquevilla sur elle même, prête à endurer le choc et la douleur d'une blessure. Elle fut par ailleurs surprise lorsqu'elle sentit des écailles gelées entourer les siennes, dans un geste protecteur. La sensation était tellement différente de ce qu'elle avait prévu, qu'elle se laissa faire sans opposer de résistance. C'était même plutôt agréable, son corps se réchauffait, elle le sentait, mais ses écailles demeuraient froides et glacées. Quelque chose qu'elle n'arrivait pas à déterminer la prit de court. Elle fermait les yeux lentement, épuisée, alors qu'une part d'elle était rassurée et que l'autre voulait s'enfuir. Elle finit par sombrer dans le sommeil, portée par ce mélange de chaleur. 

Royaumes contrairesWhere stories live. Discover now