𝐂𝐚𝐭𝐡𝐚𝐫𝐬𝐢𝐬 | K.Taehyung

『2』

J'ai couru. Dès que les prunelles sombres de l'homme s'étaient tournées vers moi, dès que j'avais lu les ténèbres de ce regard j'ai couru. Je me suis dit qu'il allait vouloir me tuer à mon tour. J'étais un témoin gênant, quelqu'un qui pourrait le faire plonger pour meurtre. Mais quelque chose me disait que ce n'était pas la première fois. Ses gestes, son assurance, tout respirait la confiance. 

Alors j'ai plongé dans ma voiture et sous les regards surpris des clients du Magic Shop, j'ai démarré en trombe. Les pneus ont crissé sur le béton refroidit par la nuit et moi, je me suis mise à rouler aussi vite que je le pouvais jusqu'à chez moi. Sur le coup, je me suis dit qu'Ihna était très bien avec la personne qui l'accompagnait. 

Et aujourd'hui je revois encore le sang s'éclater contre le mur, l'explosion qui est sortie du canon de l'arme tout en projetant la balle qui était venue se ficher dans le crâne sa victime. Alors que je marche dans les couloirs de la fac pour aller récupérer les cours que j'étudierai chez moi, on m'entoure soudainement les épaules. Avec toutes les images morbides que j'ai en tête, je ne peux m'empêcher de faire un bond et de lâcher un cri. 

- Hey mais détends toi ma grande, c'est que moi ! 

Je cligne plusieurs fois des yeux et tente de contrôler ma courte respiration quand je prends conscience que c'est Ihna qui se tient devant moi, comme une fleur. Je ne comprendrais jamais cette fille. Il s'agit d'un véritable puit sans fond et pourtant, la gueule de bois demeure quelque chose d'inconnu pour elle. Elle hausse un sourcil en voyant mon état puis me sourit légèrement. 

- Quoi t'as vu un mort ? 

Oui, j'ai vu un mort. 

- N-non, tu m'as juste... surprise. 

- Je vois ça ! 

Lâchant un petit rire, elle m'entoure une nouvelle fois les épaules de son bras puis se met à marcher à mes côtés. Son sac sur son épaule, elle est toujours parfaitement coiffée et maquillée, jusqu'au bout des ongles. Nous sommes un peu des opposés sur ce plan là. Mais même si Ihna renvoie cette image superficielle des filles qui ne font attention qu'à leur apparence, je sais qu'elle est une fille adorable. On pourrait croire qu'elle n'a rien dans la tête la première fois qu'on la rencontre. Mais comme on dit, il ne faut pas se fier aux apparences. 

- Alors, tu viens récupérer les cours du professeur Kim ? 

- Le... Le professeur Kim ? 

- Ouais, Lee est parti en congé paternité. T'y crois ça ? Jamais d'la vie j'pourrais m'arrêter de bosser pour une boule vivante qui gerbe partout. 

- Donc c'est ce... Kim qui le remplace ? 

- Ouais ! Tu vas voir, il est hyper cool. Et... hyper jeune aussi. 

Je fronce doucement les sourcils. Cependant quand le bruit de la détonation d'hier soir raisonne une nouvelle fois dans mon crâne, je perds vite le fil de ce que Ihna me raconte. Comment je peux vivre avec ça sur la conscience ? Je... J'ai vu quelqu'un se faire tuer ! Il y a un meurtrier en ville ! Et... Et j'ai laissé le corps de cette femme. Je l'ai laissé là, avec cet homme au regard sombre. 

Alors que nous entrons dans l'amphithéâtre où a lieu le cours, tout de suite la chaleur générée par tout ces corps humains réunis dans une même salle me frappe le visage. Ainsi que la mauvaise odeur d'ailleurs. Vous savez, cette odeur totalement horrible que vous sentez avant d'entrer dans une salle après une classe qui vient d'avoir cours ? C'est à peu près la même. 

Au niveau du bureau du professeur se trouve une masse d'élèves, sûrement là pour faire comme moi: prendre les cours et partir directement chez soi. Soit pour le confort, soit parce que comme moi, les cours en amphi sont tout simplement insupportables. Ihna me prend alors la main pour me guider jusqu'à mon Graal, les polycopiés des cours. C'est donc en jouant des coudes que nous arrivons enfin au niveau du bureau où se trouvent les feuilles que j'attends tant. 

Cependant quand je vois le regard du professeur qui se trouve de l'autre côté de cette table de bois, mon corps entier se fige. Même si ce regard est caché derrière des lunettes, je le reconnaitrais entre mille. Cette froideur et ces ténèbres qui s'y cachent ne me permettent pas de me tromper. 

- Jia, qu'est-ce que t'as ? 

Je ne bouge plus et je sens même que certains étudiants me bousculent pour essayer d'atteindre les cours. Mais voir l'assassin de la veille se trouver là, au milieu d'une centaine de personnes de mon âge me terrifie. 

- J-Je dois y aller. 

- Mais tu n'as pas pris tes-... Hey Jia ! crie Ihna en me voyant sortir en courant de l'amphithéâtre. 

Mes jambes se mettent à courir avec une force que je ne leur connaissais pas. La fille qui est un boulet en sport, y'en a toujours une dans chaque classe. Et bien c'était moi. Et pourtant, là tout de suite, je crois que je n'ai jamais couru aussi vite de ma vie. Tandis que je n'ai aucun scrupule à percuter des élèves, je vois au fond du couloir la porte des toilettes des femmes. Il faut peu de temps avant que je ne m'y engouffre. Heureusement pour moi il n'y a personne. 

Je m'accroche au lavabo, la tête penchée totalement en avant et la respiration courte et paniquée. Merde merde merde. C'était lui. Le tueur. Mon nouveau professeur a tué cette femme. Est-ce qu'il m'a reconnu ? Lui était peut-être dans une ruelle totalement sombre mais moi, j'étais encore dans la rue. Il y avait des lampadaires, il aurait très bien pu... 

Soudain, une main attrape mes cheveux et je sens mon dos percuter le mur des toilettes avec une telle violence que le bruit que cela fait me donne envie de trembler. Alors que je plisse d'abord les yeux de douleurs je les rouvre pour constater que le professeur Kim, qui a retiré ses lunettes, me regarde avec une lueur sombre dans les yeux. Sa main tient fermement ma chevelure au dessus de ma tête et ne me permet pas de bouger d'un pouce. 

- Ecoutes moi bien. Pas un mot à qui que ce soit. C'est clair ? 

Je serre les dents pour endurer la douleur que je ressens. Pour m'empêcher de bouger ou bien de m'enfuir, il m'écrase avec son corps contre le mur. Je ne peux même pas respirer sans sentir son torse contre le mien. Comme il n'a pas la réponse qu'il veut, il fait claquer ma tête contre le mur et cette fois, je ne peux m'empêcher de gémir de douleur. 

- Est-ce que c'est clair ? répète-t-il plus fermement. 

Je déglutis et hoche faiblement la tête en le regardant. Je vois alors l'amusement prendre vie dans ses iris. 

- Si tu ne m'obéis pas, tu es morte. Jia c'est ça ? 

Une nouvelle fois, je confirme ses dires. Je sens sa prise sur mes cheveux se raffermir. 

- Si tu me fais plonger, tu plongeras avec moi. Ta simple non-assistance à personne en danger, je la transformerai en complicité de meurtre. 

Comme si tout était normal, il consulte la montre à son poignet. Il hausse alors un sourcil avant de lentement me lâcher. Quand la douleur s'en va, je lâche un soupir de soulagement et apporte ma main à ma tête. Mais malgré ça, ma respiration refuse de ce calmer. Il reporte alors son regard sur moi et à ma grande surprise, sa main vient se poser sur ma joue. Ce n'est en rien quelque chose de doux. 

- C'est l'heure d'aller en cours.