Scyllia tome 3: Eliar

Chapitre 19

Une nouvelle fois, Scyllia traversa la capitale en passant par les toits. La nuit était sombre et il lui était plus difficile d'avancer. Cependant, cela lui permettrait aussi de s'introduire dans le manoir de sa famille sans se faire repérer.

Tout comme la capitale de Tremiss, le quartier des nobles était différent des autres lieux de la ville. Dès qu'elle y fut arrivée, la prétendante dut descendre dans la rue pour finir le trajet. Les demeures étaient bien trop espacées et les terrains trop à découvert pour qu'elle puisse continuer comme elle avait pris l'habitude de le faire.

Si cette zone était la moins fréquentée de toute la ville, elle n'en restait pas moins la plus surveillée. Dès qu'elle y pénétra, l'adolescente dut se cacher dans les ombres pour ne pas être vue d'une patrouille. Le quartier grouillait littéralement de gardes. Cela n'allait pas être simple de se rendre au manoir sans se faire repérer. De plus, les rues étaient bien éclairées et ne laissaient que peu d'endroits où se cacher.

— Scyllia ? appela Shed.

— Quoi ? chuchota-t-elle.

— Pourquoi est ce que tu t'emmerdes à passer par les rues alors que tu pourrais y aller en volant ? Avec cette obscurité, ils ne te verraient pas, même s'ils levaient les yeux au ciel.

C'est vrai. Pourquoi n'avait-elle pas pensé à ça avant ? Discrètement, Scyllia revint sur ses pas, monta sur l'un des toits et fit apparaître ses ailes de brume. D'un puissant battement de ses membres intangibles, la prétendante s'éleva haut dans les airs et avança en direction de son objectif.

Shed avait raison. Absolument personne ne pouvait la remarquer ainsi et elle allait beaucoup plus vite que si elle s'était embêtée à passer par les rues. De là-haut, elle eut un aperçu du nombre de gardes qui patrouillait en bas. Jamais elle n'aurait pu arriver à destination avec tout ce monde qui était à sa recherche. Elle repensa aussi à la semaine passée. Si ne serait-ce qu'un tiers de ses soldats étaient affectés aux quartiers de la ville basse, les rues seraient plus sûres pour tout le monde et le taux de criminalité ne serait pas aussi haut.

— Ils préfèrent protéger les biens des riches plutôt que la vie du bas peuple. Pour la plupart, une bague disparue d'une comtesse est bien plus importante que la vie d'une centaine de personnes. Ils vont donc monopoliser trois escouades et enquêter pendant deux semaines pour que se soit enfin une domestique qui la retrouve après avoir fait le ménage sous la commode où le bijou avait roulé. Bien entendu, ils ne voudront pas perdre la face et l'accuseront de l'avoir volé. La pauvre domestique se retrouvera en prison ou au bout d'une corde pour un crime qu'elle n'a pas commis et personne ne s'en souciera. Voilà comment cela marche ici.

Le démon exagérait sans doute, mais l'idée y était. Soit les gardes étaient exceptionnellement présents pour protéger les nobles d'elle, soit ils étaient tout le temps ici et, dans ce cas, cela relevait d'une intense paranoïa. Si elle arrivait à revoir Maximilien avant de repartir chez elle, l'adolescente lui demanderait ce qu'il en était vraiment.

Au bout de cinq minutes de vol, le manoir que lui avait indiqué Ouros était en vue. Enfin, si on pouvait appeler ça un manoir. Vu la taille, la demeure des Eliar ressemblait bien plus au château qui abritait le seigneur d'une grande ville plutôt qu'à un pavillon luxueux comme les autres. Le terrain était aussi étendu que celui du manoir de dame Elisabeth, mais la demeure en elle-même était deux fois plus grande.

Scyllia avait appris que la taille des bâtiments chez la noblesse était un véritable indicateur de leur rang à la cour. Même si elle savait qu'ils étaient influents, jamais elle n'aurait cru que c'était à ce point. D'un autre côté, l'adolescente aurait pu s'en douter vu le titre d'Archibald et le fait que la religion soit bien plus présente dans la vie des Atoriens que dans celle des Tremisséens.