57. Le sheikh du Keraï

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Avant de démarrer, ils me posèrent un bandeau et un bâillon. Je n'essayai même pas de les en empêcher. A quoi bon.

Il n'y avait pas grand chose à faire. Physiquement, je ne faisais pas le poids. Je ne pouvais qu'observer, et attendre d'avoir la possibilité d'agir quand l'occasion se présenterait.

De plus, j'étais encore en état de choc après l'accident. Mes mains tremblaient. Tout mon corps me faisait mal. J'avais quelques contusions. J'aurais été incapable de faire quoique ce soit.
Ils devaient le savoir puisqu'ils ne m'avaient même pas attachée.

J'étais incapable d'estimer le temps qui s'était écoulé entre le moment où nous étions partis de l'accident et le moment où le véhicule s'arrêta. Je savais juste que nous n'allions pas à l'hôpital.

On ouvrit la portière, et on me souleva de la banquette.

Un homme qui sentait l'essence me porta dans ses bras sans douceur. Je crois que nous avons emprunté un ascenseur. Je sentais une lumière artificielle, malgré l'épaisseur du bandeau sur mes yeux.


Mon porteur me déposa sur un endroit plutôt moelleux, dont le confort incongru me surprit. Il échangea quelques mots en arabe. Je compris juste le mot « maitre » dans leur échange. 


On m'examina. Je paniquai quand on souleva ma tunique pour tâter mon flanc, mais on bloqua mes mouvements en maintenant mes bras et mes jambes. Complètement résignée, je me figeai. J'avais abdiqué, sans m'être battue.

Quelqu'un toucha mes contusions et je ne retins pas mes cris de douleur. On rabattit mon vêtement, et je me calmai.

J'entendis vaguement un échange avec l'homme qui m'avait examinée. Il ne paraissait pas inquiet.

Une porte claqua alors dans la pièce, et j'entendis un changement d'attitude immédiat chez mes ravisseurs. Une voix rauque et profonde d'homme qui s'exprimait lentement leur posait des questions. Ils répondirent avec une déférence dans leur ton qui indiquait le rang élevé de leur interlocuteur, et le profond respect qu'ils lui portaient.

Nul doute que se tenait à présent près de moi l'homme qui avait ordonné mon enlèvement.

On me retira mon bandeau. Je clignai des yeux, aveuglée par la lumière artificielle. 

J'étais dans une chambre fonctionnelle et assez confortable, mais sans fenêtre. Je me tenais sur le lit, au centre, et en face de moi se tenait un homme que je reconnus immédiatement, même si je ne l'avais jamais rencontré. 


Le père de Hassan lui ressemblait beaucoup. Je savais qu'il avait 73 ans, et qu'il était en rémission d'un cancer. Mais il avait la même forme de visage que son fils, la même mâchoire volontaire. Hassan avait les yeux de sa mère, disait-on.

Le sheikh Nazim parla lentement, dans un français parfait. 


- Quand mon fils cadet a commencé à faire autant de voyages en Europe, je ne me suis pas inquiété. Il y a encore de nombreux amis car c'est là qu'il a fait ses études. Et il était libre de s'amuser un peu.


- Quand il s'est acheté cette maison à Dubaï, j'ai commencé à me poser des questions. Pourquoi acheter cette maison alors que nous y avons un véritable palais? Mais il avait annoncé son mariage, et je me suis réjoui de le voir rentrer enfin dans le rang.

- Quand il m'a dit qu'il voulait repousser son mariage, j'ai compris qu'il y avait quelque chose, ou quelqu'un.


Il fit une pause.

- Je suis venu aux Etats Unis en espérant le surprendre. Mais il vous avait déjà fait disparaître dans sa boîte magique.

- Je me suis renseigné. A l'héliport le plus proche, il y avait eu peu après un vol vers New York avec une jeune femme à bord. Mais impossible de savoir qui. Le vol avait été payé en liquide et aucun nom n'avait été donné.


- Mais j'ai retrouvé le chauffeur qui vous a ramené chez vous. Et je vous ai identifiée.


Je n'osai bouger.


- J'ai été très déçu. Je m'attendais à une femme, certes, mais à une jeune femme brillante ou une grande cavalière, le genre de femme qui plairait mon fils. Mais j'ai découvert une ex-prostituée qui s'est reconvertie dans l'édition, quelle blague. Une petite souris.

Une gifle ne m'aurait pas fait plus mal.
Je gardais la tête haute, loin de me douter qu'il en avait une autre en réserve, encore plus violente.


- Je vous offre deux millions d'euros, et vous ne reverrez jamais mon fils.

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