9. Parle-moi

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Tiphaine frappa à la porte puis tenta de l'ouvrir. En vain. Son frère refusait de lui ouvrir.

Elle ignorait ce qu'il s'était passé la nuit dernière, mais son cœur avait fait un tel bond qu'elle s'était réveillée. Peu de temps après, elle avait entendu Timothée hurler. Elle n'avait pas eu le temps d'atteindre le jardin que l'adolescent était déjà parti loin devant un Adrien à moitié nu, immobile dans la rue. L'homme avait l'air bouleversé, coupable. Quelque chose s'était passé entre eux, c'était certain, et la jeune fille avait le pressentiment que cela avait à voir avec ce rêve dont il avait été victime.

Malheureusement, aucun moyen de le confirmer. Timothée refusait de sortir de sa chambre depuis ce moment. Malgré ses appels ou ceux de ses parents, il restait sans voix. Parfois, sa sœur pouvait entendre ses sanglots s'éteindre sous ses draps. Le garçon était ravagé par un mal qu'elle ne comprenait, mais que ô combien elle ressentait. Sans en être victime, elle sentait sa poitrine serrée la meurtrir.

Tiphaine attendit un long moment, assise devant sa porte, à essayer de lui parler, de l'entendre, de l'écouter. Rien. Pas en mot. Son frère refusait de lui parler.

Ce fut seulement la nuit largement entamée que le verrou cliqueta. La jeune fille releva la tête, tirée de sa somnolence, et croisa le regard rougi de son jumeau. Ses yeux injectés de sang et ses paupières gonflées la toisèrent impassiblement avant qu'il ne s'enferme dans la salle de bain. La jeune fille se releva, attendant le retour de son précieux double. Celui-ci ne tarda pas, tel un mort s'apprêtant à rejoindre sa tombe. Avant qu'il ne puisse s'isoler à nouveau, Tiphaine le retint par le poignet. Leurs yeux se croisèrent à nouveau.

— Parle-moi, Momo...

— Arrête avec ce surnom débile... se plaignit-il d'une voix enrouée.

La jeune fille sourit et enlaça l'adolescent fermement, bien décidée à ne plus le laisser s'échapper.

Timothée retourna se coucher, suivi de près de sa jumelle qui s'installa à côté de lui. Il resta silencieux, d'un silence semblable à la mort. Tiphaine secoua alors doucement son épaule en lui demandant s'il dormait. Il nia d'une petite voix. Elle le força alors à se retourner et à lui faire face. De nouvelles larmes coulaient sur sa joue et son nez.

— Momo, parle-moi...

— Je suis pas une fille... gémit-il en enfonçant sa tête dans son oreiller.

— Je sais, acquiesça sa jumelle. Je suis la fille, toi, tu es le garçon.

— Alors pourquoi je rêve d'être embrassé et touché par un mec ? Pourquoi j'ai ton Adrien partout dans ma tête ?

Tiphaine l'enlaça fraternellement et frotta son dos. Ses soupçons étaient confirmés. Encore cette histoire de rêve. Mais elle ne pouvait pas le rassurer comme il le souhaitait. La vérité lui serait difficile à accepter. Trouver les mots justes pour la rendre plus digeste n'était pas plus facile.

— Que tu aimes un garçon ou une fille, ça change quelque chose ? demanda-t-elle doucement. Peu importe qui tu aimes, tu restes un garçon. Tu restes mon Momo.

— Je suis pas une fille, Tiphaine...

— Je sais.

Timothée enserra la taille de sa jumelle un peu plus, et celle-ci en fit de même. Il avait besoin de soutien. L'adolescent était perdu. Ses sentiments n'arrivaient pas au bon moment, loin de là.

— Tu sais, on en voit partout des garçons ensemble maintenant ! s'exclama-t-elle. Personne n'y fait plus attention.

Timothée ne répondit pas. C'était une bonne chose. Il commençait à se laisser convaincre. Ses mains crispées dans le dos de la jeune fille se détendirent lorsqu'elle commença à lui parler des mouvements de liberté sexuelle qui commençaient à se répandre partout dans le monde. L'homosexualité devenait presque courante de leurs jours. On ne comptait plus le nombre de célébrités concernées, le degré d'ouverture d'esprit des populations. Ce n'était plus quelque chose de mal vu, c'était une situation amoureuse comme une autre.

Deux pour un (BxB)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora