Une partie d'échec (partie 4)

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« Non attends ! Tu es en danger Diana ! ». Elle suspendit son geste et me regarda interloquée.

« C'est avec vous que je suis en danger ! ». Sa voix n'était plus aussi acide que lorsqu'elle m'avait parlé pour la première fois. Elle était épuisée.

« Je t'ai sauvé la vie... Il allait tous nous tuer. Écoute Diana, je suis désolée pour ce que je t'ai fais endurer mais ce n'est pas une raison pour vouloir te faire du mal. ».

Elle émit un ricanement de désespoir.

« Vous pensez que vous êtes le centre du monde ou quoi ? Sérieusement... Ce n'est pas de vous que j'ai peur. ». Son visage se ferma soudain, mais je sentais que si j'allais un peu plus loin, je toucherai mon but.

Je m'approchai lentement de son lit médicalisé. Elle ne m'en empêcha pas. Je devinais qu'elle se sentait seule et abandonnée. Je ne saurais comment expliquer la manière dont j'appréhendais les ressentis des personnes qui se trouvaient dans la même pièce que moi.

Je m'assis sur le fauteuil blanc cassé qui était disposé entre la fenêtre et elle. Je ne dis rien, attendant qu'elle se confie. Je n'eus pas beaucoup à patienter, sa langue se délia d'elle-même.

« Vous savez la première fois que je vous ai vu, j'ai tout de suite compris que l'on aurait que des problèmes avec vous. Le professeur Harold Smouth est un de mes enseignants favoris. Il a toujours été gentil avec ses élèves et il est d'une grande intelligence. J'ai pris sa décision comme un abandon alors je me suis vengée... Sur vous. Votre manière de vous exprimer, de vous habiller et de nous faire croire que l'on était important pour vous, tout cela me répugnait ».

Elle entreprit de se relever lentement sur son lit, je voulus l'aider mais elle me repoussa avec un regard assassin. Le message était passé.

« Quand le professeur nous a obligé à nous rendre à ce fichu atelier pratique dans le Lower East Side, j'étais déjà dans un mauvais jour. Mon père était rentré la veille avec une de ses secrétaires et j'avais entendu leurs ébats toute ma nuit. Cet homme me dégoûte au plus haut point. Ma mère est en voyage d'affaires et doit, elle aussi, s'en donner à coeur joie ! ». Un sourire triste fendit ses lèvres. Je m'étonnai qu'elle se confia à moi aussi facilement. Cette blonde glaciale avait bien plus de chaleur dans son coeur que je ne l'avais soupçonné. Elle continua à parler d'une voix faible et fatiguée :

« Je ne voulais pas faire d'études de droit... Comme je suis fille unique, j'étais traitée comme une princesse quand j'étais plus jeune, mais quand j'ai atteint l'âge de choisir mon avenir, les choses se sont complexifiées. Franchement, je ne savais pas que les parents avaient un autre rêve que celui de rendre heureux leurs enfants. Celui de mon père était simple : faire perdurer son empire. Le droit des investissements est chiant à mourir. Mais quand j'ai émis l'idée un soir à table de me lancer dans la carrière d'enseignante, ils m'ont rit au nez. Ils se fichaient royalement de ce que j'éprouvais à ce moment-là, ils m'ont ignorée et sont passés à autre chose. C'était pour eux une simple plaisanterie de mauvais goût... ». Toujours égale à elle-même, Diana ricana doucement en prononçant ces paroles.

« Comme une pauvre petite conne, fille de riche, je me suis vengée en faisant les pires bêtises de ma vie. Je me suis laissée abuser par des hommes, je me suis droguée, j'étais tout le temps dans les rues et mon père est venu me chercher plusieurs fois au poste de police. Il a eu le bras assez long pour faire disparaître tout mon casier judiciaire. Mais détrompez-vous, ce n'était pas pour mon bien, il a agi uniquement dans le but de me permettre de faire des études de droit. C'est vrai que ni mon père, ni ma mère, ne perdent le nord quand il s'agit des affaires ».

À cet instant, elle me fixa. Je ne sus dire ce qu'il y avait dans son regard, mais j'y décelai un mélange d'angoisse et de tristesse.

« Je croyais que mon passé était derrière moi mais figurez-vous que quand on fait des conneries, elles vous poursuivent... Ce matin, j'ai reçu un joli paquet cadeau. J'ai cru que Gordon m'avait acheté quelque chose. ». Je vis apparaître, sur le visage de Diana, un éclat de lumière. Elle aimait profondément ce garçon, cela se ressentait dans son regard attendri, quand elle l'évoquait. Après une courte pause, elle continua son histoire :

« J'ai ouvert ce... cette chose... Je ne m'attendais pas à trouver une chose aussi horrible. Il y avait cinq fioles dans lesquelles flottaient des mèches de cheveux. Accrochées à quatre de ces fioles, une photo indiquait à qui ils appartenaient et tous ces garçons avaient fait partie de ma vie. Plus exactement, ils m'avaient tous violée dans une soirée bien arrosée et avait filmé le tout. Ça aussi, c'était compris dans le paquet, il y avait une clé USB avec toute la scène non censurée dessus... La cinquième fiole n'avait pas de nom et il était juste écrit sur l'étiquette : « DEVINE ». J'ai tout de suite pensé à Gordon et j'ai eu peur. J'ai essayé de l'appeler mais il ne m'a pas répondu. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à paniquer. Puis, j'ai subi l'assaut final quand j'ai vu ce qu'il y avait tout au fond du paquet. Un sachet. Il contenait cinq tubes à essais dont quatre étaient remplis de sang, le cinquième était vide...

Vous allez penser que je suis stupide, mais j'ai cru que Gordon allait être tué, je ne sais pas pourquoi, mais je l'ai senti... Je me suis dis que de toute manière si jamais cette vidéo était diffusée, il ne voudrait plus de moi, et en réalité je n'ai pas vraiment réfléchi. Tout s'est fait naturellement. Je devais y songer depuis un moment. Avec les tubes à essai il y avait une lettre et une lame de rasoir. Les choses ont été si faciles... ».

Mon dieu les choses étaient bien plus compliquées que je ne l'avais imaginé. Ma mère avait raison. Ils étaient tous en danger.

« Alors Miss David ? Satisfaite ? Ça doit vous faire plaisir de me voir dans cet état. En tout cas, ça n'a pas l'air de perturber mes parents et Gordon n'est même pas venu me voir... Je ne sers vraiment à rien... ». Elle avait détourné le regard et fixait à présent ses avant-bras. Elle était désespérée et derrière ses grands airs, il se cachait une âme profondément meurtrie. Certes, je ne l'appréciais pas forcément, mais elle s'était confiée à moi avec une grande sincérité. Il était de mon devoir de lui venir en aide. Comme elle l'avait si bien dit, personne ne s'occuperait de son cas, du moins aussi bien que moi et ma mère.

Je pris soudain sa main dans la mienne et l'obligeait à me regarder en serrant ses doigts frêles. Elle me regarda avec étonnement et tressaillit à mon contact.

« Ne dis pas ça Diana ! Tu es une fille qui m'a l'air brillante, je vais t'aider, et faire tout ce qu'il faut pour te protéger. Mais avant, je dois savoir ce qu'il y avait dans cette lettre, c'est très important. Comme je te l'ai dit en entrant dans ta chambre : tu es en danger. À présent, je vais m'occuper de toi, je t'en fais la promesse ». Mon ton était ferme et combattif. Aussi peste qu'elle avait été avec moi, elle ne méritait pas ce qui lui arrivait. Surtout que je croyais connaître le responsable de ces crimes odieux...

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant