Tout le monde a ses secrets (partie 1)

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PRINCETON

Le jeune homme regardait son ami en train d'agoniser. Il avait dû recevoir plus d'une vingtaine de coups de couteaux et il ne savait pas comment il pouvait être encore vivant. Il fallait dire que Gordon était un roc, il était le meilleur quater back du lycée quand ils étaient dans la même équipe. Princeton avait grandi en même temps que cette tête blonde qui rendait fou toutes les pom-pom girls. Ils partageaient tout, allaient en soirée ensemble, ils avaient même eu leur première cuite la même journée, après l'anniversaire fortement arrosé de Diana. Ils n'avaient que dix-sept ans à l'époque mais ils avaient dû tous, autant qu'ils étaient, grandir plus vite que la plupart des adolescents. Gordon avait un père violent tandis que les parents de Diana se désintéressaient complètement de la vie de leur fille. Quant à Princeton, lorsqu'il pensait à sa mère, un goût de bile lui remontait en travers de la gorge et il devait se retenir de ne pas grogner de rage.

Le van s'arrêta soudain devant un bâtiment désaffecté où la seule présence visible était une faible lueur qui s'échappait d'une des portes du hangar. La mère d'Elena aida le colosse russe à descendre Gordon. Il perdait beaucoup de sang et son teint était d'un blanc inquiétant. Si ses gémissements ne s'entendaient pas, on aurait pu penser qu'il était mort.

Elena descendit à la suite de Princeton. Elle tenait fermement le téléphone prépayé entre ses mains et regardait toutes les trente secondes si elle avait un message, ou un appel manqué. Princeton sentait la peur et la détresse qui s'échappaient de son corps à chaque fois qu'elle mettait un pied devant l'autre. Il ne savait pas comment elle faisait pour encore tenir debout avec tout ce qui l'assaillait. Dieu savait qu'il connaissait l'adversité mais il avait l'impression que depuis quelques jours, Elena semblait subir un véritable tsunami. En même temps, il ne savait pas non plus dans quelle histoire il s'était embarqué. Il avait suivi le mouvement tête baissée sans véritablement comprendre ce qui était en jeu, et il était grand temps qu'il demande à Elena des explications précises. Pour le moment, il l'avait laissé tranquille, mais il en allait de la sécurité de tous ses amis, il ne pouvait pas rester inactif.

Le hangar était immense, quand ils passèrent les portes, la faible lueur devint vite une lumière blanche aveuglante. L'unique pièce était vide, du béton couvrait le sol et quelques morceaux de ferrailles trainaient çà et là dans les coins les plus sombres. Une odeur aseptisée emplissait l'air et Princeton aperçu des bâches blanches au centre du bâtiment. On avait aménagé un espace médical, avec toutes les machines utiles pour la réanimation et l'opération. Une équipe composée d'un médecin, et de deux infirmières attendaient patiemment qu'on leur apporte Gordon. La mère d'Elena et le russkov, hissèrent le blessé sur le brancard déjà préparé. Le jeune homme retint un hurlement de douleur, et des gouttes de transpiration perlaient sur son front. Par la suite, les bâches blanches se refermèrent comme des rideaux, et Princeton n'entendit que le médecin prononcer des termes d'un jargon qu'il était incapable de comprendre.

Le jeune homme ne se rendit pas compte qu'il tremblait, mais ce n'est que lorsqu'Elena vint lui prendre la main qu'il ressentit la pression accumulée ses dernières heures se relâcher d'un seul coup. Il avait peur pour son ami mais il se sentait soutenu par cette petite main aussi froide que douce.

- Tout va bien, ma mère m'a assuré qu'ils allaient bien s'occuper de lui. Il va s'en sortir.

- Ça tu n'en sais rien...

Elena ne répondit pas à l'attaque de Princeton. Il était fatigué, énervé, à bout de nerfs et en avait assez de ne rien comprendre à ce qu'il se passait.

Alors qu'il allait s'adresser à la jeune femme pour lui dire le fond de sa pensée, son téléphone vibra dans sa poche.

Princeton regarda l'écran et son cœur rata un battement. Son frère ne l'appelait jamais. Pourquoi Bryan essayait-il de le joindre ?

- Allo ?

- Price. Maman.

- Où elle est ? avec toi ? À l'hôpital ? Elle est en ville ?

- Calme toi Price, elle vient de partir

- Elle t'a donné quelque chose ? Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?

La voix du jeune homme était affolée, son cœur tambourinait fort dans sa poitrine et ses doigts agrippaient fermement le téléphone. L'angoisse et la panique commençaient à prendre possession de son corps. Il avait du mal à respirer et il dû s'éloigner pour ne pas faire une crise devant la mère d'Elena et son sbire.

- Price, respire. Je ne suis plus un gamin, elle ne m'a rien donné ne t'inquiète pas. Ou plutôt si, elle m'a apporté des cookies, mais tu sais très bien que je n'y toucherai pas. Ce n'est pas ça le problème.

- Mais pourquoi elle est revenue ?

- Justement j'y viens...

- Bordel, elle a reçu une ordonnance d'éloignement !

- Elle a récupéré la garde de Sacha.

La phrase de Bryan s'était abattue sur Princeton comme un coup de poignard en plein cœur. Sa petite sœur de dix ans allait être entre les mains du pire des monstres.

- Comment est-ce possible ?

- Tu sais très bien comment c'est possible.

Hélas oui, il le savait. Le jeune homme n'avait pas eu le temps nécessaire et les moyens, pour prouver que sa mère avait attenté à leurs vies quand ils étaient plus jeunes. L'ordonnance d'éloignement n'était valable que six mois, le temps que Princeton avait pour rassembler les pièces afin de construire un dossier contre elle. Il avait fouillé dans les meilleurs livres médicaux, lu les examens sanguins de Bryan de long en large, il n'avait rien trouvé de décisif. Il lui manquait la pièce centrale qui pourrait faire basculer sa mère dans un hôpital psychiatrique pour le reste de sa vie.

- Tu... Tu... Tu sais ce que ça veut dire Bryan ?

- Oui... Je t'en supplie, je ne peux pas bouger de ce foutu lit médicalisé, va sauver notre sœur Price.

- Mais... Comment a-t-elle su où était Sacha ? J'ai falsifié l'entrée dans son pensionnat, j'ai...

- Price... Ce n'est pas ta faute, mais s'il te plaît, va la chercher. Tu sais très bien que maman a le bras long et que personne ne nous a jamais cru. Même papa l'a défendu jusqu'à sa mort. Il était en train de rejoindre l'autre monde quand il a enfin compris ce qu'il lui arrivait. Price. Inutile de te dire que le temps presse.

Le jeune homme ne se le fit pas dire deux fois. Il raccrocha précipitamment et se dirigea vers Elena. Elle seule pourrait l'aider.

- Elena, je suis désolé de te demander ça mais c'est une urgence vitale. Tu crois que je pourrais emprunter le van pour me rendre chez ma mère ?

- Quoi ? Mais qu'est-ce qui se passe ?

- Écoute, je ne peux vraiment pas t'expliquer pour l'instant mais, fais-moi confiance, c'est une question de vie ou de mort.

- Princeton, tu me fais peur.

- Elena s'il te plait, demande à ta mère les clés, dis-lui que c'est pour retourner chez Miss Hampton, je ne sais pas ! Invente un truc ! Mais il faut vraiment que je me barre d'ici !

Princeton n'avait pas voulu hurler mais la panique le faisait réagir au quart de tour. Les grands yeux verts de la jeune fille le fixaient avec incompréhension mais Elena réagit vite et s'empressa de faire ce qu'il lui avait demandé. Il ne savait pas ce qu'elle avait pu raconter à sa mère mais visiblement cela avait marché, puisqu'elle revint vers lui, clés en main. Elle le stoppa net quand il voulut s'en emparer :

- Je conduis.

Le jeune homme n'insista pas et se dit que ce serait plus facile pour lui d'indiquer la route. De toute manière, il ne savait même pas où ils avaient atterri...

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant