Quand le passé nous rattrape (partie 2)

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IRINA

Non. Elle ne pouvait pas croire ce qui se trouvait devant ses yeux. Même avec le temps, le visage de sa mère n'avait pas changé. La douceur de son regard s'alliant à une grande force, ses pommettes hautes rosies par le froid, sa bouche qui autrefois lui souriait, tout cela frappa Irina en plein cœur. Elle se retrouva propulsée des années en arrière. Elle aperçut à nouveau les lumières de l'explosion brouillant sa vue, l'onde de choc lui perçant les tympans et les visages de ses deux petits frères ravagés par les flammes. Elle s'était évanouie bien vite lorsque les décombres s'étaient abattus sur elle, lui causant de multiples fractures.

Pourquoi sa mère n'avait pas essayé de la retrouver ? Qui lui avait dit qu'elle était morte ? Pendant toutes ces années, elle s'était crue seule au monde et obligée d'accomplir une vengeance pour qu'elle puisse à nouveau respirer, ressentir quelque chose, n'importe quoi qui puisse la libérer de ce poids énorme. Une pierre solide comme le granit avait entouré son cœur et à présent il se fissurait de part en part. Irina sentait ses jambes devenir de plus en plus faibles, des larmes coulaient sur ses joues, ses mains tremblaient et elle dût reculer pour ne pas sombrer.

La vie était parfois cruelle. Irina se sentait trahie, horrible, mortifiée, mais surtout haineuse. L'image de sa mère défendant cette... cette sale petite peste d'Elena... Elle ne pouvait le supporter. Finalement, sa mère l'avait remplacé dans son cœur sans même accorder une chance au destin. Elle aurait pu la retrouver. Mais, Irina se rendit à l'évidence, si elle n'avait pas pu suivre sa trace, pour quelle raison sa mère y serait-elle arrivé et pas elle ? 

La seule chose que la jeune femme souhaitait maintenant connaître, c'est la raison pour laquelle sa propre mère faisait équipe avec le camp ennemi, ceux qui avaient ruiné sa vie !

Le temps autour d'elle s'était figé, tout le monde la regardait et même Nicolas David, qui ne perdait pas facilement contenance, se demandait ce qu'il se passait.

Irina prit son courage à deux mains et décida de percer le silence.

- Pourquoi ?

C'est le seul mot qui put franchir ses lèvres tremblantes. Les beaux yeux gris de sa mère la regardaient d'un air ahuri et choqué. Elle aussi avait sans doute l'impression d'avoir devant elle un revenant... La douleur que ressentait Irina était insupportable, son cœur se serrait et elle avait l'impression que l'acidité de ses larmes entamaient sa chaire.

- Irina... Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

La jeune fille rit. Ses nerfs lâchaient complètement et la folie s'emparait à nouveau de son esprit, plus rien n'avait d'importance. C'était elle contre le reste du monde.

- Mais c'est mon œuvre maman ! Tout ce que tu vois, c'est grâce à moi que cette machination a été mise sur pieds. J'ai attendu si longtemps ce moment, mais je dois avouer que la vie me met à l'épreuve. Encore une fois !

- Mais qu'est-ce que tu racontes ?

- Ma pauvre maman, tu as choisi le mauvais camp ! Celle qui se tient à tes côtés n'est autre que l'assassin de ton cher mari ! Mon père ! Et elle !

Irina désigna Elena d'un regard.

- C'est à cause d'elle que Papa est parti en France, il voulait sauver cette pauvre fille des bras du grand criminel Nicolas David ! Jamais elle ne s'est rebellée et a préféré tremper dans ses affaires louches ! Si cela ne tenait qu'à moi il y a longtemps que je l'aurais égorgée mais il fallait que je trouve quelque chose avant. Cela m'a pris des années...

Sa mère la regardait maintenant avec une once de peur dans les yeux. Irina avait perdu sa famille il y a bien longtemps et plus jamais elle ne connaîtrait le bonheur d'être entourée par ses parents, ses petits frères. Son père ne la mènerait jamais à l'autel pour son mariage, Ivan et Zachary ne pourront jamais accomplir leurs rêves d'enfants.

- J'ai su en infiltrant le milieu criminel de ce cher Nicolas David que papa avait été tué par Agnès, sa femme, afin qu'il ne divulgue pas des informations qui pourraient la faire tomber. Ensuite, elle et son mari se sont servis de leurs contacts dans le monde de la pègre pour faire disparaître toute trace de son corps. Officiellement Andreï Arazov avait seulement disparu. En effet, sa dépouille a bel et bien disparu... Après lui avoir enlevé ses organes pour les revendre sur le marché noir, son corps entier a été dissout dans l'acide. Ensuite, un ingénieur spécialisé dans les armes de destruction massive a fabriqué une bombe intraçable pour anéantir toute trace de la famille Arazov. Elle a bien atteint sa destination mais visiblement leur plan n'était pas si parfait car nous sommes deux à avoir survécu !

Sa mère restait muette. Soit elle savait soit elle était trop choquée par ces révélations pour dire quoi que ce soit. Irina continua sur sa lancée, dévastée par la colère et la haine qu'elle éprouvait.

- Je me suis rapprochée de Nicolas David pour remonter tous les fils les uns après les autres. Je me suis ensuite débrouillée pour que tous les coupables se retrouvent dans la même ville ou la même région. Le Dr Grayson, trafiquant d'organes, Les Galliano spécialistes dans la disparition de cadavres, autrement dit les nettoyeurs des criminels, et enfin j'ai trouvé un excellent objet de vengeance, l'arme ultime contre Nicolas David.

À ce moment-là l'intéressé s'approcha d'Irina et la pris par la gorge alors que celle-ci arborait un large sourire victorieux. Il était loin de savoir toute la vérité, et il ne se doutait sans doute pas de ce qui se préparait. Elle jubilait.

- Vous avez un fils mon cher. Le même sang coule dans ses veines. Souvenez-vous de Mme Herschell, une grande avocate pour qui vous en pinciez à une époque. Enfin, vos affaires étaient florissantes et elle vous aidait à manipuler quelques gros bonnets pour arriver à vos fins.

- Que... Qu'est-ce que vous avez fait ?

Les yeux du criminel n'étaient plus que deux fentes, la colère s'immisçait au creux de son cœur en même temps qu'une profonde détresse. Elle avait gagné.

- Jacob Herschell est votre fils. Il est en train de se faire enlever le foie pour un autre. Il sauvera une vie en échange de la sienne. Vous avez tout perdu Nicolas.

- Mais qu'est-ce que ça veut dire !?

Celui qui était autrefois un criminel au sang-froid, incapable de manifester la moindre émotion, se retrouvait pris au piège.

Il gifla violemment Irina qui tourna à peine la tête malgré la violence dont il avait fait preuve. Un sourire meurtrier inondait son visage et elle se consolait en détruisant la vie des autres. Elle n'était plus rien depuis longtemps déjà. Elle était une coquille vide. Pourtant Irina espérait au moins au fond d'elle-même que Bryan, un être bon et innocent, serait sauvé grâce à elle. La jeune femme ne se faisait plus d'illusions, elle savait qu'un monstre vivait en elle depuis des années et qu'il avait détruit la moindre parcelle de son âme, autrefois débordante d'amour et de compassion.

- Tuez cette folle !

Nicolas David tenta d'intimer à « ses soldats » l'ordre d'anéantir celle qui était en train de détruire tous ses plans. Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il était déjà perdu...

- Qu'est-ce que vous attendez ! Collez-lui une balle dans la tête !

Irina rit aux éclats en voyant ce grand homme complètement démuni, donner des ordres vains. Les hommes armés continuaient à menacer de leur M16 Elena, Agnès et... sa mère. Elle intima à un homme qui se trouvait derrière Nicolas David de le braquer avec son arme de guerre. Au moindre geste, sa cervelle serait répandue sur le sol froid de l'entrepôt.

- Il va falloir que tu le fasses tout seul Nicolas si tu veux me m'abattre. Mais laisse-moi te prévenir avant, si tu tentes quoi que ce soit contre moi, tes « précieux soldats » se chargeront de te coller eux-mêmes une balle dans la tête.

Nicolas David n'eut pas le temps de réagir que déjà Irina lui envoya un coup de genou bien placé qui le fit s'effondrer sur le sol, il était devenu une victime sans intérêt, un être faible qu'elle n'aurait aucun mal à éliminer. Cependant, elle savait que la douleur la plus grande que puisse ressentir un être humain était la perte de toutes les personnes qui compte à ses yeux. 

May It BeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant