Chapitre soixante-quatre

602 123 9
                                    

NOREEN

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

NOREEN

Cela faisait bien longtemps que je n'étais pas retournée dans la forêt, avec tous ces problèmes qui faisaient surface et mon rôle de rêveuse à soutenir. Alors j'avais décidé d'y aller seule. Tout allait bien avec Azalée, si bien que tout serait bientôt terminé. J'étais seule dans la forêt, à marcher.

En réalité, je savais qu'au fond de moi je voulais retrouver Kiron. Sauf que c'était impossible. Je marchais, et chaque recoin me rappelait mon premier amour. Là où je l'ai rencontré, là où nous avons fait le cache-cache et là où on regardait la vengeance pour Azalée, côte à côte.

Des larmes ont commencé à imbiber mes yeux, je devais rester force. Kiron s'était uniquement servi de moi. Je marchais comme pour faire mon deuil de l'ancien Kiron, celui que j'ai aimé était vraiment parti pour faire place à une bête sans pitié. Je ne pouvais pas le détester, je détestais le nouveau Kiron. On ne peut pas détester quelqu'un qu'on a aimé de tout notre cœur, on déteste ce qu'il est devenu.

Je me suis posée sur la balançoire de la clairière. Aucune trace de Kiron à l'horizon. Il avait disparu pour de bon. Après tout, il était doué pour se cacher. Je regardais le sol. Soudain, j'ai vu un papier contre le pied du portique.

Les rêveurs n'avaient pas pour habitude de dégrader le monde comme les humains, je l'ai alors ramassé en me disant que celui qui avait fait ceci était vraiment égoïste. J'étais même révoltée. Le papier était plié en quatre. Je l'ai retourné et il y avait écrit « Noreen », écrit soigneusement. Peut-être que c'était une farce, mais ma curiosité m'a jouée des tours. Je l'ai ouvert.

Il ne m'a fallu que très peu de temps avant de me rendre compte qu'il s'agissait de Kiron.

« Je n'ai pas à m'excuser. Je voulais juste partir. Le monde des humains avaient l'air nettement mieux que notre monde hypocrite. Tu vois, on ne choisit pas là où on nait. Tout le monde ici est heureux d'être un esclave de l'humanité, sauf moi. J'aurais préféré être un humain. Peut-être que j'aurais eu un rêveur parce que ma vie aurait été désastreuse, mais c'est déjà mieux que de se retrouver coincé dans un monde où l'on n'est pas à sa place. Ici, on est juste forcé à rendre les autres heureux sans même nous rendre heureux. Et si on a le malheur de ne pas être parfait, on nous juge. On est exclue et on se fait graver sur la joue un putain de « 25 » pour qu'on puisse se rappeler toute notre vie de notre pitoyable note et du fait qu'on est un raté. Parce que même dans le meilleur des mondes, les autres sont cruels.

Oui, je n'ai pas menti. Je me suis bien servie de toi pour gagner mon pari. Je sais que j'ai été un profond idiot, que je ne devais pas suivre à la tentation de gagner. Dans ce monde où je n'avais rien à faire, seul les paris me donnaient l'impression de vivre car le reste du temps j'étais en train de fuir, de me cacher. Sauf qu'au final je t'ai rencontré. Même si le verbe « rencontrer » ne va pas bien. Je te connaissais déjà. Je te voyais réussir ta vie, être entourer de gens qui t'aiment et te protègent : Armin et Dune. En voici la preuve, Armin m'a toujours détestée, peut-être qu'il sentait que j'étais une mauvaise personne. On était à la même école étant petit, j'habitais à la capitale. Bien qu'on avait jamais été dans la même classe, j'avais deux ans de plus que toi. Mais je te remarquais, tes cheveux blancs et ton sourire sur tes lèvres. Sauf que je ne t'ai jamais parlé.

J'ai été un vrai abruti. J'aurais dû savoir tout de suite que changer de monde était impossible, que je ne serais jamais heureux. Pourtant, j'ai été heureux de te rencontrer et de passer tous ces moments avec toi. J'ai par la suite été terriblement égoïste, j'avais peur de revenir chez les rêveurs, d'être emprisonné et de souffrir à nouveau. Je t'ai blessée parce que la colère avait monté en moi, je m'excuse pour ça et non pour le fait d'être aller dans le monde des humains. J'ai pris peur comme un enfant, au final je suis comme tous ces rêveurs que je critique sans arrêt : violent et cruel.

Sauf qu'on est parti sur de mauvaises bases, toi tu ne le savais pas. Au départ, j'étais à fond dans mon pari, je te parlais sans me forcer à vrai dire : c'était un jeu pour moi. J'ai appris à te connaître et j'ai commencé à regretter d'être venu te parler uniquement pour ça. Cela me rongeait de l'intérieur, j'étais vraiment un pauvre con et je le suis encore aujourd'hui. J'aurais dû apprendre à te connaître correctement : à l'école ou après sans arrière pensées.

Je sais bien que tu ne voudras plus jamais me parler, Noreen. C'est bien pour cela que je fais cette lettre plutôt que de venir en face de toi. Peu importe si je me fais attraper en venant te voir, ce n'est pas là le problème. Tu es tellement précieuse à mes yeux. Tu es gentille, belle et intelligente. Tu fais passer le bonheur d'autrui avant le tien sans même t'en rendre compte : c'est naturel pour toi. Tu es tellement généreuse, jusqu'à emmener un nul comme moi dans le monde de mes rêves. C'est bien pour ça que je t'aime, tu étais différente de tous les rêveurs que j'ai pu connaître qui ne pensait qu'à réussir.

Peut-être qu'un jour je reviendrais pour accepter ma sanction. Mais pour l'heure, je compte fuir. Ma place n'est pas en rêveur qui sauve les gens puisqu'il faut moi-même me sauver. Peut-être qu'un jour on se recroisera, tu ne te souviendras plus de moi mais moi je ne t'oublierai jamais. »

J'ai regardé de droit à gauche, en espérant qu'il sorte de sa cachette, qu'on s'embrasse et qu'on oublie tout. Sauf qu'il n'est pas venu. Je ne pouvais pas le détester puisque je l'avais aimé de tout mon cœur.

J'ai pleuré, c'était un mélange de tristesse et de bonheur : Kiron avait toujours été le même. J'étais sûrement naïve. Sauf qu'au fond je m'en fichais. Je me fiais à ma propre idée. Tout le monde est cruel à un moment donné de sa vie. Même moi. 

Je savais bien qu'on n'allait plus jamais se voir. Finalement, lui aussi voulait faire son deuil. Je suis incapable de l'oublier, et lui aussi. Il faudra du temps, beaucoup de temps avant de nous reparler. Peut-être qu'un jour nos regards se croiseront et qui sait ce qu'il se passera.

AMBERTUMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant