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      ELLE

Un jour on m'a dit que j'étais l'opposé de mon nom, Claire, cela tient quasiment de l'humour noir si l'on connaît ma personnalité. Disons que je suis plus feu que pluie, que mon caractère parfois compliqué éclipse tout le reste. Ma mère qui m'a élevée avec force et courage c'est bien vite rendu compte que j'allais être difficile à dompter. Et difficile est limite un euphémisme face à ce que je lui ai fait vivre. Alors lorsque mon petit frère a pointé le bout de son nez, cela n'a pas plus à l'enfant capricieuse que j'étais et suis toujours. Je lui ai fait vivre un putain d'enfer, ai été monstrueuse à l'échelle d'un enfant, et son unique moyen de rébellion a été de l'être encore plus que moi.


Aaron a rapidement mal tourné, sans que ma détermination à me racheter change quoi que ce soit. Et un beau jour, la police a appelé ma mère pour nous annoncer la découverte de son cadavre. Ils m'ont sommée d'identifier son corps. En 5 années, la seule fois où j'ai pu voir mon petit frère a été son cadavre, à la morgue. Alors oui, la vie qui ne m'avait déjà pas gâtée ne s'est pas arrêtée là. Après m'avoir prit mon frère, elle m'a aussi prit l'amour de ma mère. Suite à l'épisode de la mort d'Aaron, elle m'a tout bonnement jeté de chez elle, de chez nous, et n'a plus jamais reprit contact avec moi. Voilà pourquoi mon rapport à l'amour a toujours été conflictuel et compliqué. Je réfute toutes formes d'amour et d'attachement hormis à ma meilleure amie et coloc, Heather.

Cette même meilleure amie qui est actuellement en train d'essayer de me trainer dans un autre de ses bars miteux. Après dix bonnes minutes de discussion houleuse, elle finit par emporter mon approbation, comme toujours. Elle me traîne à travers tout Londres et finit par s'arrêter devant Le Firehall, qui promet de la bonne musique. Nous rentrons et prenons place face à la scène. De la où je suis posée, j'ai une vue imprenable sur la scène. La première personne à s'avancer est la première partie du groupe qui se produit ce soir, Ana River, comme annoncé sur le programme que la barman m'a donné en même temps que mon verre. Cette jeune fille d'environ 25 ans, d'environ mon âge donc, est la personnification même de la femme parfaite. Une peau caramel, les cheveux et les yeux dorés, la bouche pulpeuse et des courbes harmonieuses, personne dans cette salle ne peut se mesurer à sa beauté. De plus, sa voix n'a rien à envier à son corps, elle est divine et nous emmène très loin de ce petit bar. On ne voit même pas le temps passer et sa prestation s'achève aussi vite qu'elle a commencée.

Le groupe suivant s'avance et automatiquement les groupies commencent à scander un nom. Et pas n'importe lequel. Celui de mon petit frère. Le nom appartenant visiblement au chanteur du groupe me retourne le cerveau, je m'apprête à tourner les talons lorsque Heather m'attrape le bras et m'oblige à jeter un oeil à l'homme qui s'avance. Je lève les yeux et les deux choses que je remarque en premier sont son étonnante beauté que l'on ne peut, je pense, pas manquer et la surprenante tristesse qui émane de son regard aux reflets verts.

      

Il possède un charme irréel et totalement envoutant, ses cheveux bruns se balançant à mesure qu'il prononce des phrases que je ne comprends ni n'écoute même pas, sa bouche fine et ses lèvres charnues s'entrouvrant à chaque mot, et surplombant son nez fin et ses traits plus que charmants deux perles vertes me fixent et me déstabilisent complètement.

Je secoue la tête et préviens Heather que je pars me rafraichir. Je me presse afin de sortir de la foule subjuguée, tout comme moi, par cet homme des plus dérangeants. J'ignore s'il s'agit de son incroyable charme ou de son nom si familier qui me retourne à ce point. J'ai pourtant l'habitude de côtoyer de beaux hommes dans mon métier d'agent artistique, mais jamais de ce style de beauté surnaturelle.

         Arrivée aux toilettes, je me jette une gerbe d'eau au visage, sans une pensée au maquillage qu'Heather a tant fignolé et c'est sans un regret que je vois le mascara dégouliner sous mes yeux océan. Des larmes finissent pas rouler sous mes paupières, comme toujours à l'évocation d'Aaron. Ces larmes qui terminent d'achever le travail d'Heather.

J'enlève ce disgracieux noir et rejoins Heather sur le côté de la scène.

Set the fire to the rain Où les histoires vivent. Découvrez maintenant